Un laser installé sur le Säntis pour traquer les éclairs

Une partie des nombreuses optiques de l’amplificateur multipassage faisant passer le laser à 800 mJ (photo prise à travers une lunette infrarouge). © Walch Pierre UNIGE

Une partie des nombreuses optiques de l’amplificateur multipassage faisant passer le laser à 800 mJ (photo prise à travers une lunette infrarouge). © Walch Pierre UNIGE

Le 18 mai débutera l’installation d’un laser haute puissance au sommet du Säntis, dont l’objectif est d’évaluer la faisabilité d’un paratonnerre laser.

De nombreux sites sensibles, tels que des centrales nucléaires, des centrales électriques et d’autres infrastructures critiques, peuvent être insuffisamment protégés contre les orages, leurs systèmes électroniques subissant dès lors des dommages dus à des impacts de foudre directs ou à proximité. De même, les orages paralysent chaque année les aéroports, entraînant des retards et nécessitant le déroutement des vols. Un consortium européen prévoit aujourd’hui d’étudier et de développer un nouveau type de protection contre la foudre à l’aide d’un laser haute puissance qui créera des canaux ioni- sés dans l’atmosphère et redirigera la foudre loin des zones sensibles. Ce laser sera installé au sommet du Säntis, dans le canton d’Appenzell (Suisse), et entrera en phase de test de juin à septembre, pendant la haute saison des orages. Le 18 mai 2021, des éléments importants de l’expérience seront installés par hélicoptère. L’École polytechnique (Paris, France), l’Université de Genève (UNIGE, Suisse), TRUMPF Scientific Lasers (Munich, Allemagne), André Mysyrowicz Consulting (AMC, France), l’EPFL (Suisse), la Haute école d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud – HEIG-VD (Suisse) et la HES-SO (Suisse) se sont associés pour créer ce consortium européen.

La foudre est une manifestation fascinante mais destructrice de la nature. Chaque année, 6’000 à 24’000 personnes sont tuées par la foudre dans le monde. Elle est également à l’origine de coupures de courant, d’incendies de forêt et de dommages aux appareils électroniques et aux infrastructures se chiffrant en milliards d’euros, ce qui en fait une préoccupation sociétale majeure. Bien que les techniques de protection contre la foudre aient connu des améliorations par le passé, la meilleure protection externe à ce jour repose toujours sur le paratonnerre, inventé par Benjamin Franklin il y a près de 300 ans, soit un poteau métallique mis à la terre. Aujourd’hui, un consortium européen a mis sur pied le projet de paratonnerre laser (Laser Lightning Rod – LLR), qui vise à explorer l’utilisation d’un paratonnerre virtuel: un laser de forte puissance qui, en ionisant l’air, crée un canal conducteur visant à dévier la foudre loin du site à protéger.

Le Laboratoire d’optique appliquée (LOA, une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique – Institut Polytechnique de Paris, ENSTA Paris – Institut Polytechnique de Paris), la Section de physique de la Faculté des sciences de l’UNIGE et AMC sont spécialisés dans les lasers, leur utilisation et la création de canaux ionisés. Ils se sont associés au Laboratoire de compatibilité électromagnétique du professeur Farhad Rachidi-Haeri de la faculté des sciences et techniques de l'ingénieur de l’EPFL et à la HEIG-VD/HES-SO, experts en diagnostic de la foudre et en protection des orages, ainsi qu’à TRUMPF Scientific Lasers, qui a développé et construit le laser. Enfin, l’opérateur de télécommunications Swisscom fournit la logistique et l’infrastructure nécessaires à l’installation du laser sur le site afin de réaliser les tests. En effet, Swisscom possède un émetteur de 124 mètres de haut au sommet du Säntis (Appenzell/St-Gall en Suisse), une montagne de 2502 mètres de haut entourée de nombreux lacs de montagne. Cette tour est l’une des structures les plus touchées par la foudre en Europe.

Une installation en deux temps

Le consortium a réalisé les premiers tests de distance horizontale de ce laser spécial, capable de créer des canaux ionisés d’une centaine de mètres de long. Après avoir mesuré son intensité dans une salle fermée, le laser va maintenant être testé en conditions réelles.

Le sommet du Säntis n’étant accessible que par un téléphérique de taille limitée, le système de pointage laser devra être transporté par hélicoptère le 18 mai. Le laser lui-même mesure 8 mètres de long et deux mètres de large, sans compter son télescope externe, qui permet de focaliser le faisceau laser à la bonne distance. Il sera installé à l’intérieur des installations de Swisscom, dans une tente dédiée, climatisée et étanche.

Un été pour mener les recherches

De juin à fin septembre – la pleine saison des orages – les chercheurs-euses dirigeront le laser vers les orages et évalueront sa capacité à guider la foudre par le réchauffement et l’ionisation de l’air local. Le faisceau laser sera dirigé vers le sommet de la tour de 124 mètres de haut afin de guider la foudre et réaliser un paratonnerre laser s’étendant dans le ciel bien au-delà du paratonnerre conventionnel situé au sommet. Des instruments de mesure de la foudre exploités en permanence au Säntis par l’EPFL et la HEIG-VD/HES-SO, ainsi qu’un réseau de cartographie interférométrique de la foudre et des caméras à haute vitesse, fourniront un diagnostic de la foudre.

En cas de succès, le système développé constituera une avancée majeure dans la recherche sur la foudre, avec un impact certain sur les futurs systèmes de protection contre la foudre.