Un hub pour tous les défis liés à l'analyse d'images du campus

Edward Andò © 2022 Alain Herzog

Edward Andò © 2022 Alain Herzog

Les questions et difficultés liées à l’analyse d’images scientifiques ont désormais un point de chute commun à l’EPFL: le hub du Centre d’imagerie. Interview d'Edward Andò qui le pilote depuis quelques mois.

Caractériser une microfissure dans un matériau, détecter une exoplanète ou encore observer les réactions d’une protéine : l’imagerie scientifique touche d’innombrables domaines de recherche. Si les techniques d’acquisition sont variées : du télescope au microscope électronique en passant par le scanner ou encore le synchrotron, les chercheurs se heurtent à des problèmes très similaires concernant l’analyse des données. Obtenir une représentation claire des mouvements d’une bactérie, d’une planète ou d’un animal dont les clichés sont pris par un drone à plusieurs centaines de mètres d’altitude, passe par l’utilisation de logiciels comparables, souvent construits sur les mêmes modèles mathématiques. Afin d’aider les non spécialistes dans leur quête d’une analyse fiable et rapide, le Centre d’imagerie de l’EPFL met sur pied un hub de compétences piloté par Edward Andò. Interview de ce spécialiste qui a développé une très large palette de connaissances et savoir-faire en travaillant à la fois sur les systèmes de mesures et l’amélioration de l’analyse des données.

Observer la valse des grains de sable sous contrainte

Il y a des machines auxquelles on s’attache. Lorsqu’Edward Andò décrit le microtomographe à rayon X sur lequel il a effectué sa thèse de doctorat au Laboratoire 3SR à Grenoble, on sent poindre une affection teintée de respect presque historique pour cet appareil permettant d’observer en trois dimensions le comportement d’échantillons en cours de sollicitation. Le développement de plusieurs techniques d’analyse et de mesure avancées lui ont permis de représenter la rotation des grains de sable individuellement. « Au début, nous apprenions en faisant, sur des appareils qui n’ont plus rien à voir avec ce qu’on fait aujourd’hui. J’ai grandi avec la machine dont c’était un des premiers modèles », sourit-il. Qu’on ne s’y trompe pas, cette époque qui pourrait paraître lointaine et poussiéreuse au lecteur non averti a moins de dix ans et la méthode a continué à être développée, notamment par l’amélioration des logiciels d’analyse.

L’imagerie à neutrons, une technique très puissante

Ayant obtenu un poste d’ingénieur de recherche au CNRS Edward Andò a participé à la création d’un nouvel équipement à l’Institut Laue Langevin, passant « à la dimension supérieure avec le développement d’un tomographe bi-modal à neutrons et rayons x », s’amuse-t-il. « Les neutrons sont hypersensibles à l’hydrogène et représentent une technique très puissante pour visualiser, sans les détruire, les moindres détails structurels des matériaux, notamment les changements de porosité dans les matériaux hétérogènes causés par les réactions de dissolution et de précipitation. Sans les détruire, on peut ainsi examiner le fonctionnement interne de la matière ». Le travail se fait sur la machine, mais également sur les logiciels d’analyse qu’il préfère « libres et open source ».

Un logiciel plus simple correctement mis en pratique, sera parfois plus pertinent qu'une intelligence artificielle

Edward Andò

Tant l’acquisition et l’analyse d’images 3D sont des techniques transdisciplinaires par excellence. Toutes les disciplines scientifiques, de la science des matériaux à l’électronique, de la médecine à la biologie, en passant par la géophysique ou l'astrophysique, peuvent en tirer parti pour observer la matière à l'échelle du micron. Arrivé il y a un an à l’EPFL, Edward Andò a naturellement commencé par travailler en génie civil, notamment au sein de la plateforme PIXE, qui gère « le grand frère du tomographe sur lequel je travaillais à Grenoble ». Des échanges de savoir-faire se font d’ailleurs régulièrement entre les deux institutions : « les techniciens de l’EPFL se sont notamment rendus à Grenoble pour apprendre les manipulations adéquates pour l’observation du cisaillement », note l’ingénieur. Passionné aussi bien par l’imagerie que les défis qu’elle jette, Edward Andò a collaboré également à des projets avec le CHUV, l’Unil ainsi que des laboratoires d’autres facultés.

Des conseils et une approche critique de l’analyse d’images

Cette vaste expérience aussi bien des techniques d’acquisition que de l’analyse d’images a naturellement conduit Edward Andò à prendre la tête du nouveau hub du Centre d’imagerie, actuellement composé de trois personnes. L’objectif est de constituer un lieu commun où les chercheurs de l’EPFL peuvent obtenir des conseils avisés peu importe leur domaine d’expertise et partager leurs expériences. « Il n’y a pas de question trop simple », tient-il à souligner. Afin de dispenser des conseils pertinents et rapides, un chat dont l’accès est désormais en ligne sur le site du Centre d’imagerie. À terme, l’idée est de constituer une communauté d’experts qui pourraient répondre en fonction des domaines.

L’imagerie scientifique de manière générale est en pleine expansion. Le développement des logiciels d’analyse suit la tendance et cette profusion déroute souvent les non spécialistes. Le hub propose de les lister et d’apporter un œil critique pour faire le tri. Par exemple les puissants modèles d'apprentissage profond, préentraînés à détecter des détails sur des milliers d’images en un minimum de temps, sont gourmands en temps, en énergie et nécessitent souvent une formation avancée. « Un logiciel plus simple, correctement mis en pratique, sera parfois plus pertinent », poursuit-il. Une meilleure connaissance de l’analyse d’images passe également par la formation, dans cet objectif une première Summer School destinée aux doctorants s’est déroulée début juillet.

Mais ce mordu d’imagerie, polyglotte, ne compte pas s’arrêter à l’humain pour dispenser des conseils. Il rêve d’apprendre à des machines à discriminer quel logiciel utiliser pour quelle situation et à donner des conseils sur divers éléments à prendre en compte. « L’idéal serait d’avoir un cadre que les personnes n’auront plus qu’à télécharger sans écrire du code puis à y intégrer leurs données. Une attention particulière sera donnée à la précision et au test des codes. »