Un hub de calcul haute performance pour maîtriser l'énergie du soleil
L’EPFL accueillera un hub européen de calcul à haute performance appliqué à la fusion, potentielle source d’énergie propre et sans risques. Une équipe de recherche interdisciplinaire, emmenée par le Swiss Plasma Center, sera déployée sur tout le campus.
EUROfusion, le consortium européen dédié à l’énergie de fusion, qui rassemble 28 Etats de tout le continent, vient d’attribuer un projet de calcul à haute performance à l’EPFL. Le « advanced computing hub », de son nom complet, réunira une équipe très diverse sur le campus, conduite par le Swiss Plasma Center : des scientifiques de l’institut de mathématiques, de SCITAS, plateforme de calcul scientifique haute performance, du Swiss Data Science center, pôle d’expertise national en big data, et du eM+, laboratoire de muséologie expérimentale. Autant de compétences qui offriront un soutien scientifique et technique en calcul très puissant, mené sur des superordinateurs, aux chercheurs européens actifs dans le domaine de la fusion.
Pour le Swiss Plasma Center de l’EPFL, l’un des principaux laboratoires de recherche en fusion au monde, l’heure est aux réjouissances, comme en témoigne son directeur Ambrogio Fasoli. « Cette attribution souligne non seulement notre excellence en théorie et en simulation numérique, mais aussi le côté interdisciplinaire de nos travaux. Elle démontre que nos recherches présentent un intérêt pour d’autres communautés scientifiques, comme les mathématiciens ou les experts en ‘big data’. Les collaborations entre nos disciplines respectives vont démarrer concrètement, dans un cadre international de très haut niveau ».
Faire évoluer les codes scientifiques
L’enjeu est de taille : faire évoluer les codes informatiques pour la simulation des tokamaks. Ces réacteurs expérimentaux, dont le plus illustre, ITER, est actuellement assemblé dans le sud de la France, visent à prouver la faisabilité de la fusion nucléaire à grande échelle. Le principe, qui fait fonctionner le soleil, suscite de grands espoirs d’énergie propre pour l’humanité, sans déchets radioactifs sur le long terme.
Sur Terre, recréer ce processus présente une complexité phénoménale, du point de vue expérimental, mais aussi théorique. « Dans la fusion, outre les grandes infrastructures de type ITER, il y a tout un volet de recherche dédié à la compréhension, l’interprétation, et la prédiction des phénomènes physiques, développé par des théoriciens. Leurs prédictions sont réalisées à travers de grandes simulations et nécessitent les ordinateurs les plus puissants au monde. Pour ce faire, ils ont besoin d’un support », précise Paolo Ricci, professeur au Swiss Plasma Center et responsable scientifique du futur hub.
Toute l’idée du « advanced computing hub » consiste justement à offrir un soutien à ce type d’activité, de manière systématique et à l’échelle européenne. Car si, pour simuler les phénomènes complexes qui interviennent dans le processus de fusion, il faut des machines de calcul superpuissantes, encore faut-il les utiliser à bon escient. Et anticiper leur évolution.
« Nous essayons de travailler de manière dite scalable, évolutive. Quelles que soient les ressources de calcul mises à notre disposition dans le futur, nous devons être capables d’en tirer parti. Le travail du hub consistera à préparer les codes actuels pour qu’ils puissent utiliser les ressources des nouvelles générations de supercalculateurs », affirme Gilles Fourestey, directeur opérationnel du futur hub.
Visualisations en temps réel
Le hub profitera aussi d’un pôle de compétences inédit sis à l’EPFL : la visualisation des données complètes. Une spécialité du laboratoire de muséologie expérimentale (eM+), dirigé par la professeure Sarah Kenderdine. Pour pouvoir mieux se représenter les données hautement complexes auxquelles ils sont confrontés, les chercheurs auront accès à des techniques de réalité augmentée immersive, des représentations 3D très poussées, grâce à l’expertise et au matériel de pointe dont dispose l’eM+.
Le but: visualiser les résultats des simulations et, in fine, pouvoir intervenir dessus en temps réel. « Le concept consiste à importer les flux de données live du Swiss Plasma Center dans les grands systèmes dont nous disposons. Ce procédé permettra à plusieurs chercheurs de se réunir au sein d’un grand espace de visualisation. L’émergence de ce type de 3D en temps réel est en plein boom, avec un grand champ des possibles. Il nous faudra réfléchir ensemble à la meilleure façon de construire ces univers », souligne Sarah Kenderdine.
Le projet de hub démarrera le 1 er juillet 2021 et durera jusqu’en 2025. Mais de l’avis général, il a le potentiel de devenir pérenne. « En tout cas, je m’engagerai personnellement à ce que cet effort multidisciplinaire se poursuive au-delà du programme cadre européen », conclut Ambrogio Fasoli.