Un gratte-ciel plus durable
La construction de la tour Tilia de 85 mètres près de Lausanne est en cours : il s'agit du premier immeuble de grande hauteur en Suisse à être construit avec un ciment à à bas carbone développé par le Laboratoire des matériaux de construction de l'EPFL.
Le consortium de construction Induni-Maulini a donné le premier coup de pioche de la tour Tilia ce printemps, et le projet devrait s'achever en 2026. Le bâtiment s'étendra sur 27 étages et comprendra 221 appartements locatifs, ainsi que près de 4 000 mètres carrés dédiés à la restauration, au travail et au bien-être. Outre son architecture moderne et l'accent mis sur la mobilité, le projet donne la priorité à une empreinte carbone réduite.
L'utilisation du LC3 (ciment d'argile calciné au calcaire) est l'un des moyens utilisés par le projet pour respecter son engagement en faveur de la réduction des émissions de carbone. Développé par Karen Scrivener, directrice du Laboratoire des matériaux de construction (LMC) de la Faculté des sciences et techniques de l’ingénieur de l'EPFL, le LC3 remplace une grande partie du clinker à forte intensité de carbone par du calcaire et des argiles calcinées, réduisant ainsi les émissions de CO2 lors de la production jusqu'à 40 % par rapport au ciment traditionnel.
Le projet témoigne de l'excellence de la recherche de l'EPFL et de sa contribution à la durabilité dans la construction de ce qui sera le plus haut de quatre immeubles de grande hauteur à Malley.
« La tour Tilia est une vitrine de la performance et de la viabilité du LC3 à seulement 10 minutes du campus où il a été développé. Le projet témoigne de l'excellence de la recherche de l'EPFL et de sa contribution à la durabilité dans la construction de ce qui sera le plus haut de quatre immeubles de grande hauteur à Malley, au district de Lausanne », déclare Béatrice Malchiodi, postdoctorante au LMC.
La proximité de la tour Tilia avec le campus offre à l'équipe de recherche sur le LC3 de précieuses opportunités d'observer de près le comportement du matériau à grande échelle et de recevoir un retour d'information direct des ingénieurs d'Induni-Maulini sur son application.
« Nous pouvons par exemple identifier les aspects critiques qui doivent faire l'objet de recherches plus approfondies ou être développés en laboratoire, afin de faciliter l'adoption plus rapide du LC3 dans le secteur de la construction », ajoute Beatrice Malchiodi.
Une qualité équivalente - ou supérieure
Le LC3 a déjà été utilisé dans la construction en Inde et en Amérique latine, mais il s'agit du premier bâtiment en Europe à intégrer ce matériau, qui représentera environ un tiers de l'ensemble du ciment utilisé dans le projet. L'équipe de construction utilise une variété de LC3 appelée Jura Eco 3: un ciment certifié ecobau et Minergie-ECO contenant de l'argile extraite dans le Jura suisse et calcinée pour devenir réactive.
Le béton LC3 Jura Eco 3 est conçu pour offrir une résistance et une durabilité élevée, tout en respectant les normes de qualité les plus strictes.
Julien Blot, ingénieur chez Induni-Maulini, affirme que l'expérience de l'utilisation de ce produit a été « très positive ».
« Le béton LC3 Jura Eco 3 offre une qualité équivalente, voire supérieure, à celle des bétons traditionnels. Il est conçu pour offrir une résistance et une durabilité élevée, tout en respectant les normes de qualité les plus strictes », précise-t-il.
La structure souterraine de la tour a déjà été construite avec le ciment LC3, qui est également utilisé pour les murs, les dalles et les supports en surface. Grâce à sa couleur plus chaude que le béton traditionnel, il peut également être intégré dans les revêtements de sol et les éléments architecturaux exposés.
« Bien que sa couleur soit légèrement différente de celle du béton ordinaire en raison de ses composants écologiques, il se verse, se façonne et se solidifie de manière similaire au béton ordinaire, ce qui facilite son utilisation sur les chantiers. Cependant, il est important de prendre en compte cette différence de couleur, afin de garantir une esthétique cohérente et satisfaisante pour les clients », explique Julien Blot.
Il ajoute que la proximité des chercheurs LC3 de l'EPFL est également très utile à l'équipe de construction.
« L'EPFL nous aide à mieux comprendre le produit et son équipe nous fait des recommandations utiles sur la manière d'améliorer nos méthodes d'application du LC3. »
Investir dans l'avenir
En raison de sa composition et de ses propriétés, qui sont similaires à celles du ciment traditionnel, le LC3 peut être intégré dans des projets de construction sans nécessiter de modifications majeures des techniques de construction conventionnelles. Toutefois, le béton produit avec le ciment LC3 présente généralement un léger surcoût - environ 3 % pour le Jura Eco 3, par exemple. Cela est dû aux investissements dans la recherche et le développement, ainsi qu'au fait que la production actuelle de ciment à faible teneur en carbone n'atteint pas encore l'échelle du ciment conventionnel.
Néanmoins, Julien Blot estime que le ciment à faible teneur en carbone est promis à un bel avenir dans le secteur de la construction.
« Ce léger surcoût est compensé par les avantages à long terme en termes de durabilité et d'impact environnemental moindre, ce qui en fait un choix rentable sur la durée de vie du projet », ajoute-t-il.
« De plus, nous prévoyons que l'éco-béton continuera à se développer grâce à l'accent croissant sur la durabilité dans l'industrie de la construction. Les progrès technologiques et l'augmentation de la demande favoriseront son adoption généralisée, tandis que les collaborations entre les acteurs de l'industrie encourageront l'innovation et l'intégration dans les pratiques standard. »