Un cours EPFL-UNIL qui retrace l'histoire de la presse

Bande de sortie de journaux pliés, fraîchement imprimés sur la rotative et avant leur transfert vers la station de distribution. Imprimerie de Bussigny © Martin Grandjean
Presse et histoire numérique est un cours qui réunit des élèves de l’EPFL et de l’UNIL et qui propose une approche interdisciplinaire alliant technologie numérique et histoire. Il fait partie de l’initiative One Campus du programme SHS (sciences humaines et sociales de l’EPFL). Co-enseigné par un enseignant de chaque institution, le cours se concentre sur la production, la diffusion et la conservation de l'information, et apprend aux étudiants à porter un regard critique sur l'évolution du monde des médias.
Les deux enseignantes du cours sont Maud Ehrmann, collaboratrice scientifique au sein du Laboratoire des humanités numériques (DHLAB) du Collège des sciences humaines (CDH) de l'EPFL, et Raphaëlle Ruppen Coutaz, maître d’enseignement et de recherche en histoire contemporaine à l'UNIL.
Le cours, qui a débuté au cours de l'année académique 2015-2016, invite les étudiants à explorer l'histoire des médias en Suisse au cours des 20ème et 21ème siècles. Structuré autour de trois perspectives – la production, la distribution et la conservation de l'information – il aborde l'histoire de la presse, l'évolution des pratiques journalistiques, l'information en temps de guerre, le phénomène des fausses nouvelles, le fonctionnement d'une rédaction et d'un centre d'impression, ainsi que la conservation des archives de presse et les possibilités de les explorer numériquement. Le cours utilise et contribue aux ressources du projet « Impresso - Media Monitoring of the Past — Beyond Borders » , dont Maud Ehrmann et Raphaëlle Ruppen Coutaz sont parmi les co-chercheurs principaux.
« Ce lien avec le projet Impresso nourrit l'enseignement et l'enseignement nourrit le projet Impresso », explique Raphaëlle Ruppen Coutaz.
À la croisée de l'histoire numérique et de l'histoire des médias, ce cours propose une approche innovante. En explorant les archives de presse numérisées, les étudiants apprennent à analyser de manière critique d'énormes quantités de données du passé. Cette année, une dimension « histoire publique » a été ajoutée au programme.
« En tant qu'enseignant, on ne sait jamais comment les élèves vont réagir à une approche interdisciplinaire », explique Maud Ehrmann.
Travaillant dans la mesure du possible en groupes mixtes (UNIL/EPFL), les étudiants ont réalisé cette année des expositions virtuelles sur les changements majeurs dans l'histoire de la presse francophone suisse aux 20e et 21e siècles, en s'appuyant sur les cours magistraux et sur des visites de divers médias locaux, tels que la rédaction de 24 Heures, le centre d'impression de Bussigny, les archives de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne, ainsi que sur des entretiens menés par les étudiants avec des professionnels du secteur.
Une double approche
Ce cours a été l’un des premiers enseignements SHS ouvert aux étudiant·e·s de l’UNIL, d’abord à titre expérimental. L’hétérogénéité des participant·es a représenté un défi : d’un côté, des non-historiens, étudiant·e·s- ingénieurs de diverses sections et, de l’autre, des étudiants en histoire sans compétences informatiques avancées. La mise en place de groupes mixtes a permis de favoriser le partage de savoir-faire.
« Les enseignantes étaient complémentaires, l'une avec une approche historique, l'autre avec une approche informatique », mentionne Max Sterckx, un étudiant du cours. « Elles ont grandement facilité le rapprochement entre les étudiant.e.s UNIL et EPFL et nous ont aidé à la finalisation des projets attendus ».
« Travailler avec des profils différents était motivant », ajoute Apolinario Joao De Pinho Oliveira, étudiant en Master de physique à l'EPFL. « Personnellement, j’ai beaucoup appris de l’étudiant de l’UNIL qui travaillait avec nous, notamment sur la façon de mener une recherche historique de manière rigoureuse et scientifique ».
« La collaboration entre étudiant.e.s s’est très bien déroulée », Céline Beuchotte, étudiante à l'UNIL, partage cet avis : « C’était particulièrement enrichissant de pouvoir échanger avec des étudiant.e.s n’ayant pas du tout le même background que nous ».
Cette année, chaque groupe a réalisé une exposition virtuelle de ses projets qui a été partagée en ligne. Les projets de recherche multimédia finaux ont couvert un large éventail de sujets, tels que la vie et la mort de l'imprimerie, les femmes typographes et journalistes en Suisse romande au XXe siècle, ou encore le journalisme à l'ère numérique.
« À travers l’exposition que nous avons conçue avec notre groupe, intitulée Encrées dans l’histoire : les femmes typographes et journalistes en Suisse romande au XXe siècle, nous avons pris conscience que malgré le caractère récent de ce sujet, il reste encore peu étudié par l’historiographie, notamment en raison d’un corpus de sources disponibles restreint », déclare Amina Taletovic, étudiante à l'UNIL. « Plus globalement, ce cours nous montre également l’importance de l’approche interdisciplinaire, qui permet par exemple à l’historien un accès aux sources plus rapide grâce à la numérisation sans passer par les archives. »
L’enseignante Maud Ehrmann ajoute : « Cela a été un réel plaisir de voir les étudiants de l'EPFL s'intéresser à des sujets historiques et se passionner pour l'application de leurs compétences techniques et d'ingénierie à la co-construction de projets avec les étudiants de l'UNIL, et d'être témoin de la façon dont ils découvrent leurs univers respectifs. »
One Campus EPFL-UNIL : aborder des problématiques sociales par l’interdisciplinarité
Si le co-enseignement est désormais chose courante, le fait d’apprendre avec des des étudiant.e.s d’autres écoles est plus rare et d’ailleurs difficile à mettre en place. Pourtant, une telle pratique développe la capacité de chacune et chacun à comprendre les apports des autres disciplines et à situer ses propres compétences dans un projet commun. Les problèmes que les futur.e.s ingénieur.e.s auront à résoudre supposent toujours cette aptitude au dialogue et à la collaboration interdiscplinaire. Pour cette raison, le Programme SHS de l’EPFL développe depuis quelques années une offre de cours conçus pour réunir et former ensemble les étudiants de l’UNIL et de l’EPFL.
Marc Laperrouza, coordinateur pédagogique du Programme SHS, coordonne l’initiative « One Campus ». Il remarque que le travail collaboratif interuniversitaire apprend aux étudiants à faire des compromis et les emmène dans des problématiques complexes qui les sortent des champs disciplinaires dans lesquels ils ont l’habitude d’évoluer. « Ces cours permettent aux étudiant·es de confronter leurs différentes perspectives épistémologiques et de créer des ponts entre leurs champs disciplinaires », explique-t-il.
Neuf cours ont été sélectionnés à l’UNIL : quatre de la faculté des Lettres, deux de la faculté des Sciences sociales et politiques, deux de la faculté des Hautes études commerciales et un de la faculté de Droit. « On espère que ce programme permettra aux étudiants de développer des compétences transversales, qui sont très recherchées dans le monde professionnel », déclare encore Marc Laperrouza.
En savoir plus sur l’initiative « One Campus » du Programme SHS.
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Photo: Bande de sortie de journaux pliés, fraîchement imprimés sur la rotative et avant leur transfert vers la station de distribution. Imprimerie de Bussigny - Visite EPFL-SHS du 9.11.2022 au Centre d’impression de Lausanne à Bussigny (définitivement fermé le 14 mars 2025). Crédit photographique : Martin Grandjean.