Un cathéter cardiaque non toxique et à la souplesse variable

Des scientifiques de l’EPFL et de l’ETH Zürich ont développé un cathéter composé de fils non toxiques, permettant de passer d’un état souple à un état rigide pendant une intervention chirurgicale. Les opérations peu invasives, et notamment celle de l’arythmie cardiaque, pourraient devenir plus simples et efficaces.

Les cathéters sont utilisés dans de nombreuses interventions chirurgicales car ils sont peu invasifs. Dans le cas de l’arythmie cardiaque par exemple - lorsque le rythme cardiaque est irrégulier -, au lieu d’ouvrir la poitrine des personnes à opérer, les chirurgiennes et les chirurgiens atteignent le cœur et traitent les zones concernées grâce à des cathéters spécifiques. Ces tubes sont insérés à travers une artère et guidés jusqu’aux tissus à soigner.

Actuellement, il existe plusieurs sortes de cathéters et méthodes d’utilisation, qui fonctionnent, mais avec des limitations. Les cathéters magnétiques par exemple, ne peuvent être pliés que dans une seule direction et n’offrent pas toute la dextérité souhaitée. «Cela serait avantageux si certaines sections du cathéter étaient très souples, pour ainsi se plier facilement et atteindre des zones difficiles d’accès, surtout lors d’opérations sur des gros volumes, indique Yegor Piskarev, assistant doctorant au Laboratoire des Systèmes Intelligents (LIS) de la faculté des sciences et techniques de l'ingénieur, dirigé par le Professeur Dario Floreano. Ces mêmes sections devraient aussi pouvoir devenir rigides sur commande, pour permettre un contrôle précis et d’avantage de pression sur la zone de traitement.»

La flexibilité et la rigidité du cathéter peuvent être ajustées pendant une opération chirurgicale © Alain Herzog / EPFL

Souple ou rigide grâce à un changement de température

Les scientifiques de l’EPFL et leurs collègues de l’ETHZ ont travaillé sur un prototype de cathéter dont la flexibilité et la rigidité peuvent être ajustées pendant une opération, grâce à une hausse ou une baisse de la température. L’instrument est équipé de deux segments avec rigidité modifiable. Chaque segment est formé de trois couches : la couche interne est un tube qui contient les câbles nécessaires au fonctionnement du cathéter et le système de refroidissement ; celle du milieu, composée d’un polymère à mémoire de forme conducteur, servant à la fois d’élément chauffant, de capteur de température et de substrat à la rigidité variable ; la couche supérieure, en silicone, encapsule l’instrument.

Cette structure simple permet la fabrication d’un cathéter de 2 à 3 millimètres de diamètre, le rendant adapté aux chirurgies cardiaques. Pour la fabrication du prototype, les scientifiques ont utilisé une méthode appelée « technique de trempage » (en anglais, « dipping technique »), déjà largement utilisé en biomédecine. Ils ont également effectué les premiers tests pour s’assurer que les matériaux ne sont pas toxiques.

Le prototype est conçu pour la navigation magnétique à distance. L'extrémité du cathéter est équipée d'un petit aimant, qui peut être déplacé dans le corps par un champ magnétique externe. « En assouplissant et en raidissant sélectivement les segments individuels, le cathéter peut mieux s'adapter au corps pendant la navigation et maintenir la courbure souhaitée en cas de besoin, explique le professeur Dario Floreano». Les chirurgiens et les chirurgiennes contrôlent le mouvement du cathéter à l'aide d'un joystick.

D'autres techniques existent également : les cathéters manuels par exemple, qui ne sont pas équipés d'un aimant mais sont guidés manuellement. Le corps médical utilise alors des rayons X pour générer en permanence des images du cathéter et savoir où il se trouve à tout moment. « La navigation magnétique à distance est une méthode plus récente et moins courante, mais elle semble être plus efficace, explique Yegor Piskarev. Elle évite l’exposition aux rayons X pendant l'imagerie, et la manipulation du joystick est plus simple et plus rapide à apprendre. »

Le concept des ingénieurs est encore en cours de développement. Leurs premières conclusions paraissent dans la revue Advanced Functional Materials.

Financement

Ce travail a été soutenu par le projet Bridge 20B2-1 180861 du FNS.

Références

Y. Piskarev, J. Shintake, C. Chautems, J. Lussi, Q. Boehler, B. J. Nelson, D. Floreano, Advanced Functional Materials, 2107662.
https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/adfm.202107662