Un biomatériau poreux et élastique pour la transplantation

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Des chercheurs de l’EPFL et de l’UNIGE, en collaboration avec la startup Volumina-Medical SA, ont développé une technique innovante permettant une transition directe de la culture cellulaire en 3D à l’in-vivo. Cette technique exploite des particules chimériques : En culture in-vitro, elles fonctionnent comme des microcarriers classiques, mais grâce à leurs aspérités de surface, elles peuvent s’accrocher entre elles pour former une vraie niche in-vivo après injection sous-cutanée. Appliquée à la reconstitution d’une niche de moëlle osseusse artificielle, cette approche a permis de mettre en évidence des signes de différenciation hématopoïétique éctopique en absence d’ossification associée, une première mondiale.

Les techniques de médecine régénérative offrent aujourd’hui de nouvelles perspectives thérapeutiques en permettant de remplacer un groupe de cellules ou un organe défectueux dans le cadre de maladies graves ou incurables. Cependant, le passage de l’in vitro à l’in vivo est souvent une étape critique et déterminante dans le succès de la greffe. Idéalement, cette transition doit être peu invasive, autant pour les cellules que le patient, garantir la survie et l’intégration des cellules implantées et promouvoir une vascularisation rapide du greffon.

Afin de réunir ces conditions, l’équipe collaborative a mis au point un biomatériau fabriqué à base de cellulose qui est parfaitement biocompatible et biodégradable, proche d’une formulation à visée clinique développée par Volumina-Medical SA. La surface de ces microcarriers macroporeuses permet, après modification par des molécules bioactives (comme le collagène), l’adhésion cellulaire et la culture en 3D à grande échelle. Dans cette étude, les chercheurs ont associé lors de co-culture des cellules stromales et des cellules souches et progéniteurs hématopoïétiques. Dans ce modèle de moëlle osseuse in-vitro, ils ont ainsi pu mettre en évidence qu’en absence de cytokines exogènes, les cellules stromales étaient capable de soutenir des cellules progénitrices du sang.

Après cette phase de culture in vitro, le biomatériau ensemencé a été concentré sous forme d’une « pâte » et injecté in vivo. Cette étape a été rendu possible par un système de compaction utilisant le principe des vases communicantes. En effet, les chercheurs ont utilisé un pont capillaire pour drainer de manière contrôlé et en toute gentillesse l’excès de liquide nécessaire à la culture in vitro.

Une fois déshydraté, le biomatériau vivant peut être transféré à une seringue par un système plug-and-play. Ceci permet l’injection minimalement invasive dans le tissu cible : ici, l’espace sous-cutané. Ce qui est remarquable est que la procédure est complément inoffensive pour les cellules. Dans le cas de la reconstitution d’une niche hématopoïétique, après 12 semaines dans le tissu sous-cutané de souris immunodéprimées, on trouve des indices histologiques de différenciation hématopoïétique extramédullaire sans ossification associée, ainsi qu’une importante vascularisation. Ce succès témoigne d’une structure optimale pour la survie des cellules transplantées et la persistence d’une niche reconstituée in-vitro au-delà de l’acte de transplantation.

Simple, utilisable à grande échelle et peu onéreux, ce système permet la transplantation non-invasive et effective d’un grand nombre de cellules. Cette approche économe a permis, entre autre, à ces chercheurs de modéliser une moelle osseuse extramédullaire afin de permettre l’étude des interactions stroma-cellules hématopoïétiques. Outre une potentielle utilisation en médecine régénérative, cette méthode pourrait être appliquée en médicine personnalisée pour l’étude et la modélisation de pathologies hématologiques.

Financement

Whitaker International Program, Anna Fuller Fund, Gebert-Rüf Foundation, Swiss National Science Foundation

Références

Daniel Naveed Tavakol, Josefine Tratwal, Fabien Bonini, Martina Genta, Vasco Camposa, Patrick Burchd, Sylke Hoehnele, Amélie Béduer, Marco Alessandrini, Olaia Naveiras, Thomas Braschle. Injectable, scalable 3D tissue-engineered model of marrow hematopoiesis. Biomaterials 11 December 2019. DOI: 10.1016/j.biomaterials.2019.119665