Un biocapteur pour une dose d'antibiotique adaptée au patient
Huit étudiants de l’EPFL ont remporté le prix technique de la compétition internationale SensUs, en imaginant un biocapteur portable visant à quantifier la vancomycine dans le sang pour mieux juguler ses effets secondaires. A terme, la technologie pourrait s’appliquer à d’autres antibiotiques.
Les Discovery Learning Labs (DLL), laboratoires mis sur pied pour encourager les travaux interdisciplinaires à l'EPFL, sont le berceau d’un nouveau projet. Dans le cadre de la compétition SensUs qui s'est déroulée les 7 et 8 septembre à l’Université technique d’Eindhoven aux Pays-Bas, l'équipe SenSwiss, composée de huit étudiants EPFL Master en microtechnique, bioingénierie et sciences de la vie, a donné vie à un biocapteur portable. Une machine capable de quantifier la présence d’un antibiotique de dernier recours, la vancomycine, dans le plasma sanguin. Ceci dans l’objectif de permettre un dosage adapté aux besoins du patient et d’éviter de lourds effets secondaires. La vancomycine pouvant notamment porter atteinte aux reins et à l’audition.
«Depuis l’automne dernier, nous travaillons sur ce projet en parallèle à nos études et cet été nous avons bossé dessus à 100%. Avoir accès aux DLL nous a facilité la tâche, car le lieu réunit toutes les infrastructures dont nous avons besoin», note Alix Faillétaz, étudiante en bioingénierie. L’EPFL participe pour la seconde année consécutive à la compétition SensUs aux côtés de 12 universités du monde entier. «Ce concours a été lancé il y a trois ans, il est très sérieux et représente un énorme défi. Les étudiants sont confrontés à des problèmes en chaîne, ils doivent apprendre à travailler en équipe, à faire confiance aux autres et à déléguer les tâches en fonction des qualités de chacun», souligne le professeur Philippe Renaud, qui coache l’équipe.
Mesure basée sur la polarisation
Avec l’objectif d’encourager le développement de biocapteurs, la compétition se focalise chaque année sur un objectif différent. Mais il s’agit toujours de traquer un biomarqueur qui a un impact sur la santé publique. Celui-ci est défini par un panel d’experts, dont Philippe Renaud fait partie. Actuellement, le test permettant de quantifier la vancomycine prend du temps, demande de prélever une quantité importante de sang, et nécessite une machine coûtant des dizaines de milliers de francs. Le biocapteur portable développé par les huit étudiants de Master détecte l’antibiotique en moins de cinq minutes avec seulement quelques gouttes de sang, et coûte moins de 5000 francs. Pour quantifier la vancomycine, la machine envoie de la lumière polarisée sur un échantillon renfermant un mélange homogène de plasma sanguin du patient et d’une solution contenant un peptide (séquence d’acides aminés) synthétisé.
Comment cela fonctionne ? « A la base, nous avons recréé un peptide se liant spécifiquement à la vancomycine, et nous lui avons ajouté une molécule fluorescente, explique Alix Faillétaz. Lorsque l’antibiotique vient se lier à ce peptide fluorescent, ce dernier ralentit son mouvement. En conséquence, il renvoie une lumière plus polarisée que lorsqu’il est libre. Grâce au degré de polarisation de la lumière, nous pouvons donc quantifier la concentration de vancomycine présente dans le sang du patient.» Selon le professeur Philippe Renaud, la technique existe déjà mais elle n’a jamais été implémentée dans un biocapteur portable.
Aux Pays-Bas, l’équipe devra non seulement prouver l’efficacité de son biocapteur, en analysant différents échantillons, mais aussi présenter son utilité dans le secteur médical et son potentiel de commercialisation. «Notre biocapteur pourrait être utilisé pour détecter d’autres antibiotiques ou biomarqueurs, à condition d’adapter la molécule de synthèse », souligne David Vilela, étudiant en sciences de la vie.