Un biocapteur pour détecter le sepsis chez les nouveau-nés

Abtin Saateh, doctorant au BIOS, Mateo Hamel, Karim Zahra et Marco Fumagalli, les trois porteurs du projet Neosens © 2023 Alain Herzog

Abtin Saateh, doctorant au BIOS, Mateo Hamel, Karim Zahra et Marco Fumagalli, les trois porteurs du projet Neosens © 2023 Alain Herzog

PROJETS ÉTUDIANTS - Le projet Neosens propose un système de détection du sepsis pour les nouveau-nés dans le tiers-monde, alors que MossStandard élabore un prototype de purificateur d’air à base de mousse végétale.

Le sepsis, réponse inflammatoire généralisée du système immunitaire à une infection bactérienne, est une cause majeure de décès des nourrissons dans le monde. Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé, elle a été fatale pour 2,9 millions d’enfants de moins de 5 ans en 2017, principalement dans les pays à revenus moyens et faibles. Une détection précoce et l’administration d’antibiotique permettent pourtant d’améliorer fortement le pronostic vital. Un groupe d’étudiants de Master de l’EPFL développe un biocapteur peu onéreux pour faciliter un diagnostic rapide.

Chez le nouveau-né, l'interleukine-6, messager sécrété par les cellules immunitaires intervenant dans un large éventail d'activités biologiques, est le principal marqueur précoce du sepsis. En 2022, un concours international, SensUs, proposait de développer en six mois un capteur permettant de quantifier cette molécule dans une goutte de sang dans un but de diagnostic. Douze étudiantes et étudiants de diverses facultés de l’EPFL ont développé en six mois un premier dispositif à travers le programme Make. Encouragés par les trois prix remportés lors de la présentation finale à Eindhoven, dont celui pour le potentiel d’industrialisation, trois étudiants ont souhaité poursuivre l’aventure en créant une start-up: Karim Zahra, en microtechnique à l’EPFL, Marco Fumagalli, en sciences de la vie à l’EPFL, ainsi que Mateo Hamel, qui est parti faire son Master à l’ETHZ.

Le sepsis, « cauchemar de la néonatologie »

Le capteur, basé sur une technologie brevetée issue du Laboratoire des systèmes bionanophotoniques (BIOS), piloté par Hatice Altug, a nécessité divers développements pour le rendre fiable, optimiser le temps de détection, ou encore développer un programme d’apprentissage automatique qui permet de détecter à coup sûr un test positif. « La professeure, ainsi qu’Abtin Saateh, un de ses doctorants, nous ont beaucoup soutenus depuis le début », explique, reconnaissant, Marco Fumagalli. Plusieurs personnes du domaine médical se montrent enthousiastes au sujet de leur dispositif. « Le professeur Ashraf Omar, un médecin-chef de l’hôpital du Caire avec lequel nous sommes en contact, soutient le projet. Il estime d’ailleurs que le sepsis est le cauchemar de la néonatologie. Ça confirme que nous nous attaquons à un vrai problème de santé publique », rapporte Karim Zahra.

En 2023, le groupe se présente au programme Blaze, accélérateur de l’EPFL pour les projets avancés de start-up étudiants. Ces quelques mois de coaching visent à aider les participants à se rapprocher du marché et à les confronter au monde de l’entrepreneuriat. Seuls environ 40% des projets inclus dans ce programme très sélectif se transforment en entreprise. « Blaze est un programme intense qui vise à professionnaliser les participants et qui nécessite beaucoup d’investissement personnel. En fonction des efforts fournis, les futurs entrepreneurs peuvent bénéficier d’une aide jusqu’à 10'000 francs, d’un coaching personnalisé ainsi que l’accès à un réseau », précise Maurice Gaillard, responsable du programme. Pari réussi pour Neosens qui présente un premier prototype et remporte le prix du public et du jury lors de la cérémonie finale qui s’est tenue en juin. En parallèle, l’équipe participe à Start Lausanne, programme de 6 mois pour les étudiants des hautes écoles suisses, remportant également le premier prix.

Passionnés et convaincus, les étudiants, qui profitent de l’interruption des cours pour accélérer leur démarche, comptent amener leur dispositif rapidement sur le marché. Ils visent notamment à comprendre quelles sont les bactéries pour lesquelles leur appareil détecte l’infection : « nous savons que le détecteur réagit à l’interleukine-6, mais il faut encore déterminer le spectre des applications », explique Karim Zahra. Un second prototype plus ergonomique est en préparation pour la fin de l’année.

Des mousses végétales pour purifier l’air intérieur

Matériaux de construction, produits d’entretien, mobilier, objets de décoration, cosmétiques, peintures… les sources de pollution de l’air intérieur sont nombreuses. « Différentes études montrent que sa qualité est souvent problématique et peut être la cause de problèmes de santé », souligne Thomas Cañellas Rey de Viñas, étudiant de Master. Une bonne aération quotidienne des locaux par les occupants ne suffit pas à l’assainir : une installation mécanique est nécessaire, d’autant plus lorsque les bâtiments sont bien isolés. « Mais cela n’est souvent pas le cas, particulièrement lorsqu’il s’agit de rénovation de bâtiments anciens dans lesquels rien n’avait été prévu ».

Thomas Cañellas Rey de Vinas durant la présentation de son projet © 2023 Changemakers

L’étudiant a toujours aimé les mousses végétales, leurs couleurs et leurs diversités. Les bryophytes en particulier, souvenir des nombreuses balades en forêts effectuées lorsqu’il était enfant. L’idée germe donc d’utiliser leurs capacités naturelles à absorber les polluants en les intégrant dans des cadres ou autres supports décoratifs. « Les systèmes existants ciblent les espaces extérieurs ainsi que les grandes surfaces. Je souhaite apporter leurs bénéfices aux espaces intérieurs en ajoutant un aspect plus esthétique. Ces plantes sont faciles à entretenir, on peut envisager un arrosage automatique intégré au système. » Afin de franchir une première étape dans la réalisation de son projet, l’étudiant en sciences de la vie s’inscrit au printemps 2023 au programme Changemakers de l’EPFL. Il remportera le premier prix lors de la présentation des travaux au mois de juin. « Les divers conseils et cours m’ont permis de mieux cibler mon intention et d’apprendre à « pitcher » avec efficacité. » Cette formation destinée aux étudiants de l’École permet à deux volées par an de bénéficier de 12 semaines d’ateliers et conseils de professionnels pour développer leurs compétences d’entrepreneurs. « Changemaker permet d’avoir une première approche du développement de start-up, de partager ses expériences et de s’intégrer dans une communauté de personnes partageant le même état d’esprit tourné vers l’innovation et les mêmes valeurs », souligne Melis Ataol, responsable du programme.

Prochaine étape pour Thomas Cañellas Rey de Vinas: réaliser un premier prototype de son purificateur d’air naturel pour son propre domicile.

Les programmes Changemakers et Blaze permettent à des étudiantes et étudiants de se lancer vers l’entrepreneuriat avant d’avoir terminé leur cursus à l’EPFL. Les inscriptions pour les session d’automne sont ouvertes :