Travail de terrain en anthropologie sur les rives de l'Amazone

Le groupe LIFE Lab à Leticia © Johanna Gonçalves Martin

Le groupe LIFE Lab à Leticia © Johanna Gonçalves Martin

L’été dernier, six étudiants de l’EPFL ont passé 21 jours dans la ville de Leticia, en Colombie, pour faire des recherches d’anthropologie sur le terrain. Ces recherches sur l’apprentissage des langues et l’épidémiologie s’inscrivent dans le programme LIFE (« Leticia Immersive Fieldwork Experience Laboratory ») du Collège des Humanités (CDH).

Ce travail sur le terrain, qui a été terminé en septembre, était pour ces étudiants l’aboutissement de leur projet de semestre du printemps 2019. Chacun s’est concentré sur un aspect différent de l’un des deux thèmes principaux du projet : le développement d’une application de jeu visant à enseigner le langage indigène, le ticuna, aux enfants locaux, et la création de modèles épidémiologiques de la transmission des maladies véhiculées par l’eau.

Mais le but principal de ce voyage à Leticia (qui se situe à l’extrême sud de la Colombie, sur les rives de l’Amazone) était d’avoir une expérience immersive des méthodes et pratiques anthropologiques.

« Cette expérience m’a ouvert les yeux sur la complexité du monde, et sur la façon dont celle-ci peut être utilisée pour améliorer nos propres idées et pour développer notre capacité à aider les gens. Si l’on n’a pas la possibilité d’observer, d’écouter et de parler aux gens, c’est difficile d’effectuer un projet qui peut apporter quelque chose au monde, » explique Johanna Gonçalves Martin, organisatrice du programme et collaboratrice scientifique à L’IAGS (« Institute for Area and Global Studies ») du CDH.

Mettre la recherche en contexte

Pour le projet de l’application de jeu, les étudiants en Master en Humanités digitales Paola Bello et Arthur Parmentier ont travaillé avec Daniel Gatica-Perez, un professeur à l’Institut des humanités digitales (DHI) et au laboratoire de l’IDIAP (LIDIAP), ainsi qu’avec Bertil Wicht, de l’Université de Lausanne (UNIL). Le but était de développer un outil interactif pour que les enfants de Leticia puissent apprendre la langue indigène, le ticuna, qui risque l’extinction, car de plus en plus de gens de cette région s’installent en ville et ne parlent plus que l’espagnol. Les deux étudiants ont exploré plusieurs idées permettant de faire du « crowdsourcing » de connaissances linguistiques et culturelles, et également d’impliquer les aînés et les enfants du peuple Ticuna dans la conception et le développement du jeu.

Les étudiants en Master en Sciences et Ingénierie de l’Environnement Hugo Cruz, Laura Mekarni et Claudine Karlen ont travaillé avec Javier Pérez Sáez, du Laboratoire d’écohydrologie de l’EPFL sur le thème de l’éco-épidémiologie. Ils ont étudié comment l’urbanisation et le changement climatique ont changé la façon dont la terre et le fleuve sont utilisés à Leticia, et comment ces changements ont rendu l’accès à l’eau potable difficile pour les habitants, facilitant la propagation des maladie diarrhéiques véhiculées par l’eau. De son côté, Laure Vancauwenberg, étudiante en Master en Ingénierie des sciences du vivant, a réalisé un projet indépendant sur les relations écologiques avec le microbiome dans le contexte des maladies diarrhéiques, et Sara Botero, étudiante à l’Université de Genève (UNIGE), a travaillé sur les politiques de santé locales et sur l’interculturalité.

« Tous ces étudiants avaient des projets qui avaient l’air individuels et très différents les uns des autres, mais l’idée était qu’une fois qu’ils soient sur le terrain et mettent les choses dans leur contexte, ils se rendent compte qu’ils travaillent tous sur le même problème : comment bien vivre dans une ville amazonienne en pleine expansion », explique Johanna Gonçalves Martin.

Une expérience transformatrice

Une fois arrives en Colombie, les étudiants venant de Suisse ont collaboré avec les étudiants et les professeurs de la Universidad Nacional de Leticia, ainsi qu’avec les habitants locaux. Pendant la première moitié du séjour, les étudiants ont même habité chez des familles indigènes, afin d’apprendre à connaître leur culture et leur relation à la terre et au fleuve.

« Je pense que cette expérience a été assez transformatrice. Les étudiants ont fait des observations très pertinentes sur le fleuve Amazone et sur ce qui est important pour les gens, mais aussi sur ce qu’ils aimeraient faire dans leur carrière et dans la vie, » déclare Johanna Gonçalves Martin. « Pour beaucoup, on dirait que cette expérience a changé leur manière de penser quant à leur place dans la société en tant qu’ingénieurs. Plusieurs d’entre eux ont parlé de leur désir de faire de l’ingénierie en collaboration avec les gens dans le futur. »