Transformer les déchets en ressources pour l'eau potable

Joseph Jjagwe avec Carine Micheloud et Kelly Rosset, administratrices de l'EXAF, et Nehal Ghoneim, co-bénéficiaire, dans le laboratoire de l'EPFL à Neuchâtel © 2025 EPFL

Joseph Jjagwe avec Carine Micheloud et Kelly Rosset, administratrices de l'EXAF, et Nehal Ghoneim, co-bénéficiaire, dans le laboratoire de l'EPFL à Neuchâtel © 2025 EPFL

Joseph Jjagwe, ingénieur agronome ougandais spécialisé dans la gestion des déchets pour la récupération des ressources, est l'un des bénéficiaires du programme « 100 doctorats pour l'Afrique », lancé dans le cadre de l'initiative Excellence in Africa (UM6P / EPFL). Il nous fait part de son expérience à l'EPFL, de son projet de recherche sur les nanocomposites pour la purification de l'eau et de ses réflexions sur l'excellence.

Comment avez-vous entendu parler du programme « 100 doctorats pour l'Afrique » de l'initiative Excellence in Africa ?
J'ai d'abord découvert l'appel à candidatures sur le site web de l'université Makerere en 2021. Cela m'a amené à explorer davantage le site web de l'EXAF, où j'ai pu en savoir plus sur le programme et les opportunités qu'il offre.

Qu'est-ce qui vous a incité à postuler ?
Le fait que cette opportunité puisse offrir jusqu'à 80 000 CHF m'a donné l'assurance de pouvoir mener à bien mes recherches de doctorat sans aucun obstacle financier. De plus, la possibilité de visiter l'EPFL et d'être co-supervisé par un professeur de l'une des meilleures universités au monde était une chance unique de me faire connaître et d'améliorer mes compétences en matière de recherche.

Le processus de candidature a-t-il été facile pour vous ?
Le processus était simple. Les modèles et les documents à fournir étaient clairs, ce qui a facilité le dépôt de ma candidature.

Pouvez-vous décrire votre projet ? Quelle(s) est/sont votre/vos question(s) de recherche ?
Ma recherche doctorale porte sur le développement de nanocomposites à base d'oxyde de fer et de charbon actif pour la détection et l'élimination des polluants dans l'eau potable. L'approche repose sur la transformation des déchets en ressources :

  • Les déchets de poussière de fer provenant des industries sidérurgiques sont utilisés pour générer des nanoparticules d'oxyde de fer magnétique (IONP) ;
  • les déchets de balle de riz sont convertis en charbon actif (CA).

Le CA est ensuite utilisé pour améliorer les propriétés des IONP afin de générer un nanocomposite IONP@CA. Les nanocomposites ainsi obtenus sont utilisés pour modifier les capteurs électrochimiques destinés à la détection des ions de métaux lourds (HMI) dans l'eau potable. De plus, le même nanocomposite est utilisé pour éliminer les HMI de l'eau. Les questions de recherche suivantes guident l'étude :

  1. Les caractéristiques des nanoparticules d'oxyde de fer magnétique développées à partir de déchets de poudre de fer sont-elles comparables à celles dérivées des sels ferriques et ferreux commerciaux ?
  2. Comment la fonctionnalisation des nanoparticules d'oxyde de fer avec du charbon actif à base de balle de riz affecte-t-elle leurs propriétés ?
  3. La modification des capteurs électrochimiques avec des nanocomposites d'oxyde de fer et de charbon actif améliore-t-elle leur sensibilité et leur sélectivité vis-à-vis des polluants métalliques lourds ?
  4. Quelles sont les efficacités adsorbantes et antimicrobiennes des nanocomposites d'oxyde de fer et de charbon actif à base de balle de riz vis-à-vis des IHM dans les échantillons d'eau environnementaux ?

Quel est le défi scientifique de votre sujet de recherche ?
Le développement de nanoparticules nécessite des conditions de laboratoire hautement contrôlées (telles que l'utilisation de hottes chimiques) et des équipements de caractérisation avancés, qui sont tous deux coûteux et nécessitent une expertise spécialisée. Cela rend la recherche particulièrement exigeante.

Pourriez-vous présenter brièvement votre directeur de thèse et votre co-directeur ?
Mon directeur de thèse est le professeur associé Peter Wilberforce Olupot. Il est chef du département de génie mécanique de l'université Makerere et son domaine de spécialisation est la science et l'ingénierie des matériaux. Le professeur Olupot a publié plus de 40 articles évalués par des pairs dans le domaine de la science des matériaux.

Mon co-directeur de thèse est le professeur Sandro Cararra. Le professeur Sandro est directeur du laboratoire Bio/CMOS interfaces à l'EPFL. Il possède une expérience exceptionnelle dans le domaine de la conception de capteurs CMOS biologiques à l'échelle nanométrique. Le professeur Cararra a publié plus de 340 articles scientifiques et est l'auteur de 14 brevets. Il est rédacteur en chef de la revue IEEE Sensors Journal.

Quels sont les avantages de la co-supervision entre votre directeur de thèse en Afrique et votre co-directeur de thèse à l'EPFL ?
La co-supervision m'a permis de m'exposer à différents environnements et d'élargir mon réseau universitaire. De plus, les deux directeurs de thèse sont des experts dans des domaines différents, ce qui me permet de développer mes compétences à la fois en science des matériaux et en électrochimie pour des applications environnementales.

Comment la collaboration avec l'EPFL vous aidera-t-elle à relever le défi scientifique décrit dans la question précédente ?
L'EPFL dispose de laboratoires bien établis et entièrement équipés, ce qui m'a permis de mener mes expériences sans aucun inconvénient. Le personnel responsable des laboratoires et des équipements est très compétent et expérimenté, et répond rapidement à toutes les questions posées. De plus, la formation dispensée avant d'avoir pleinement accès aux laboratoires et/ou aux équipements m'a permis de devenir un chercheur indépendant et confiant.

Comment s'est passé votre séjour en Suisse ? A-t-il été facile de préparer votre venue ?
La préparation a été assez difficile. J'ai dû faire deux demandes de visa : la première a été rejetée pour des raisons de timing, et lors de la deuxième, j'ai dû attendre deux mois et demi avant d'obtenir l'approbation. Ce retard m'a empêché de participer à l'université d'été au Maroc, car mon passeport était retenu à l'ambassade de Suisse à Nairobi.

Une fois en Suisse, cependant, mon séjour a été très agréable. J'ai vécu à Neuchâtel, à seulement deux minutes à pied de l'EPFL Microcity. Trouver ce logement n'a pas été facile, car la plupart des locations étaient pour six mois ou plus, alors que mon séjour n'était que de deux mois.

Qu'avez-vous fait ?
Je suis resté en contact étroit avec les administrateurs de l'EXAF ainsi qu'avec l'administrateur du laboratoire. Ils m'ont apporté un soutien précieux, notamment pour les démarches liées au visa. Carine m'a également donné des pistes qui m'ont finalement aidé à trouver un logement.

Avez-vous des anecdotes amusantes ou inattendues à partager avec nous au sujet de votre séjour ?
Mon séjour à Neuchâtel a été formidable ! Ma logeuse était très accueillante et serviable. L'appartement était situé dans un quartier très prisé, à proximité immédiate du centre commercial, du stade, de l'université et du lac. Le fait d'avoir un accès illimité à l'université m'a permis de mener mes activités de recherche dans les meilleures conditions. Je ne pouvais vraiment pas rêver mieux !

Que signifie pour vous l'excellence ?
L'excellence, c'est avoir un rêve/objectif sans avoir la garantie des ressources nécessaires pour le réaliser, mais avancer chaque jour avec espoir grâce à une amélioration continue et à la détermination, pour un jour voir ce rêve/objectif se réaliser.