Théorie avancée de la structure électronique de l'eau

Molécules d'eau et densité électronique correspondant à l'état d'exciton résultant de l'absorption de photons. Crédit : Krystian Tambur (arrière-plan)/Alexey Tal (molécules d'eau)

Molécules d'eau et densité électronique correspondant à l'état d'exciton résultant de l'absorption de photons. Crédit : Krystian Tambur (arrière-plan)/Alexey Tal (molécules d'eau)

Des scientifiques de l’EPFL ont décodé la structure électronique de l’eau, ce qui ouvre de nouvelles perspectives d’applications technologiques et environnementales.

Il ne fait aucun doute que l’eau est essentielle. Sans elle, la vie sur Terre n’aurait jamais vu le jour, et encore moins perduré aujourd’hui, sans parler de son rôle dans l’environnement lui-même, les océans recouvrant plus de 70% de la planète.

Mais malgré son omniprésence, l’eau liquide présente des complexités électroniques qui ont longtemps rendu perplexes les scientifiques des domaines de la chimie, de la physique et de la technologie. Par exemple, l’affinité électronique, c’est-à-dire la stabilisation énergétique subie par un électron libre lorsqu’il est capturé par l’eau, est encore mal caractérisée d’un point de vue expérimental.

Même la théorie de la structure électronique la plus précise actuellement n’a pas permis d’améliorer les connaissances à ce sujet, ce qui signifie que des quantités physiques importantes comme l’énergie à laquelle des électrons provenant de sources externes peuvent être injectés dans l’eau liquide, restent insaisissables. Ces propriétés sont indispensables pour comprendre le comportement des électrons dans l’eau et pourraient jouer un rôle dans les systèmes biologiques, les cycles environnementaux et les applications technologiques telles que la conversion de l’énergie solaire.

Dans une récente étude, Alexey Tal, Thomas Bischoff et Alfredo Pasquarello, chercheurs à l’EPFL, ont réalisé des progrès majeurs. Publiée dans la revue PNAS, leur étude porte sur la structure électronique de l’eau en utilisant des méthodes de calcul qui vont au-delà des approches actuelles les plus avancées.

Notre étude des niveaux d’énergie de l’eau rapproche la théorie de haut niveau de l’expérience

Professeur Alfredo Pasquarello, EPFL

Ces chercheurs ont étudié l’eau à l’aide d’une méthode basée sur la «théorie des perturbations à plusieurs corps». Il s’agit d’un cadre mathématique complexe utilisé pour étudier les interactions de plusieurs particules au sein d’un système, comme les électrons dans un solide ou une molécule, en explorant la façon dont ces particules influencent le comportement des unes et des autres, non pas de manière isolée, mais en tant que partie d’un groupe plus important en interaction. En termes simples, la théorie des perturbations à plusieurs corps permet de calculer et de prédire les propriétés d’un système à plusieurs particules en tenant compte de toutes les interactions complexes entre ses composants.

Mais les physiciens ont peaufiné la théorie avec des «corrections de vertex»: des modifications de la théorie des perturbations à plusieurs corps qui tiennent compte des interactions complexes entre les particules au-delà des approximations les plus simples. Les corrections de vertex affinent la théorie en tenant compte de la façon dont ces interactions influencent les niveaux d’énergie des particules, par exemple leur réponse à des champs externes ou leur énergie propre. En résumé, les corrections de vertex permettent de prédire avec une plus grande précision les propriétés physiques d’un système à plusieurs particules.

Modélisation des propriétés électroniques de l’eau

La modélisation de l’eau liquide est particulièrement difficile. Une molécule d’eau contient un atome d’oxygène et deux atomes d’hydrogène. Leur mouvement thermique et la nature quantique de leurs noyaux jouent un rôle clé. En tenant compte de ces aspects, les chercheurs ont déterminé avec précision les propriétés électroniques de l’eau, notamment son potentiel d’ionisation, son affinité électronique et sa largeur de bande interdite. Ces résultats sont essentiels pour comprendre l’interaction de l’eau avec la lumière et d’autres substances au niveau électronique.

«Notre étude des niveaux d’énergie de l’eau rapproche la théorie de haut niveau de l’expérience», déclare Alfredo Pasquarello. Alexey Tal souligne également l’importance de cette méthodologie: «Grâce à la description avancée de la structure électronique, nous avons également pu produire un spectre d’absorption précis».

Ces résultats ont d’autres implications. Les développements théoriques appliqués par l’équipe de l’EPFL posent les bases d’une nouvelle norme universellement applicable pour obtenir des structures électroniques précises des matériaux. Il s’agit d’un outil hautement prédictif qui pourrait révolutionner notre compréhension fondamentale des propriétés électroniques dans la science de la matière condensée, avec des applications dans la recherche des propriétés des matériaux présentant des fonctionnalités électroniques spécifiques.

Financement

Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)

Centre suisse de calcul scientifique (CSCS)

Références

Alexey Tal, Thomas Bischoff, Alfredo Pasquarello. Absolute energy levels of liquid water from many-body perturbation theory with effective vertex corrections. PNAS 26 February 2024. DOI: 10.1073/pnas.2311472121


Auteur: Nik Papageorgiou

Source: EPFL

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