Technologies quantiques: des briques plus petites et intelligentes

Puce avec les réseaux de cavités couplées connectés par fils à une carte de circuit imprimé, le tout posé sur un support en cuivre. 2025 EPFL/HQC - CC-BY-SA 4.0
Des scientifiques de l’EPFL ont réalisé une avancée majeure dans la conception de réseaux de résonateurs, les composants de base des technologies quantiques. Cette innovation pourrait permettre la création de dispositifs quantiques plus petits et précis.
Les qubits, ou bits quantiques, sont principalement connus pour leur rôle dans l’informatique quantique, mais ils sont également utilisés dans la simulation quantique analogique, qui utilise un système quantique contrôlé pour en simuler un autre, plus complexe. Une simulation quantique analogique peut être plus efficace qu’une simulation numérique, de la même manière qu’il est plus simple d’utiliser une soufflerie pour simuler les lois de l’aérodynamique plutôt que de résoudre de nombreuses équations complexes pour prédire l’écoulement de l’air.
La clé de l’informatique quantique numérique et de la simulation quantique analogique réside dans la capacité à façonner l’environnement avec lequel les qubits interagissent. Un outil particulièrement efficace pour cela est un réseau de cavités couplées (CCA), de minuscules structures composées de multiples cavités micro-ondes disposées selon un schéma répétitif, où chaque cavité peut interagir avec ses voisines. Ces systèmes offrent aux scientifiques de nouvelles possibilités pour concevoir et contrôler des systèmes quantiques.
De la même manière que les électrons dans les cristaux peuvent bloquer le flux d’électricité à certaines fréquences – donnant naissance aux semi-conducteurs et aux isolants – dans les CCAs, la lumière (sous forme de photons) ne peut se propager qu’à certaines longueurs d’onde spécifiques. En ajustant soigneusement la géométrie de ces résonateurs, les scientifiques peuvent sélectionner précisément les longueurs d’onde que les photons peuvent emprunter ou non.
Une équipe de l’EPFL, dirigée par Pasquale Scarlino, responsable du Laboratoire des circuits quantiques hybrides, en collaboration avec Marco Scigliuzzo, chercheur au Laboratoire de photonique et mesures quantiques de l’EPFL, et Oded Zilberberg de l’Université de Constance, a mis au point une conception innovante de CCA utilisant le nitrure de niobium (NbN), un supraconducteur basé sur une propriété avancée des matériaux appelée inductance cinétique élevée – domaine dans lequel le laboratoire de Pasquale Scarlino est expert.
En s'appuyant sur une inductance cinétique élevée, les chercheurs ont démontré l'existence d'une nouvelle classe de CCAs où chaque cavité est fortement miniaturisée et où le désordre indésirable dans les fréquences de résonance de toutes les cavités est réduit au minimum. Ces deux caractéristiques sont essentielles pour obtenir les fonctionnalités requises dans l'informatique et la simulation quantiques futures.
Cette recherche, publiée dans Nature Communications, démontre leur capacité à créer un réseau compact comprenant jusqu’à 100 cavités de haute qualité. Ils ont montré comment ces structures fonctionnent et les ont utilisées pour imiter un matériau appelé isolant topologique photonique, capable de guider la lumière le long de ses bords de manière très contrôlée et inhabituelle. «Nous nous appuyons déjà sur ces travaux pour étudier les atomes artificiels couplés à cette architecture», explique Vincent Jouanny, premier auteur de l'article.
«Notre approche montre que la compacité et la précision ne sont pas des objectifs opposés mais des outils complémentaires pour faire progresser la technologie des dispositifs quantiques», déclare Pasquale Scarlino. «Ce travail démontre comment une conception réfléchie peut équilibrer compacité, haute impédance et faible désordre, ce qui donne une plateforme polyvalente pour les réseaux de cavités couplées qui ouvre de nouvelles possibilités pour les simulations quantiques avancées et l'exploration des phénomènes quantiques».
En exploitant les propriétés uniques du nitrure de niobium, les chercheurs de l'EPFL ont ouvert de nouvelles possibilités pour l'exploration de systèmes quantiques complexes et le développement de plateformes évolutives pour de futures innovations. Cette avancée dans la conception de réseaux de cavités couplées représente un pas important vers des dispositifs quantiques plus compacts, efficaces et fiables.