Swiss Solar Boat parie sur une géométrie audacieuse
Le premier bateau solaire entièrement pensé et conçu par les étudiantes et étudiants de l’EPFL, dont la forme est inspirée des pirogues polynésiennes, se prépare à concourir au Monaco Solar and Energy Boat Challenge. Et, pour la première fois, il aura un pilote à bord.
Avec ses 7 mètres de long, ses panneaux solaires, son architecture complexe comprenant un balancier, sa vitesse de pointe espérée de 30 noeuds et son pilote, le Swiss Solar Boat n’est pas un bateau ordinaire. Son côté asymétrique lui a valu d'être baptisé "Dahu". Cette année, les étudiantes et étudiants de l’EPFL ne se contentent plus des modèles réduits pour affronter une quarantaine d’équipes lors du Monaco Solar and Energy Boat Challenge aura lieu du 6 au 10 juillet.
Un peu d’histoire s’impose. En 2014 naissait l’HydroContest. Une compétition qui compta 6 éditions pendant lesquels les étudiants du monde entier s’affrontèrent en construisant les modèles réduits les plus performants possible. « Lorsque la course a été annulée en 2019, nous avons organisé avec Fribourg et Yverdon un Hydrocontest X afin de donner la possibilité aux étudiants d’aller au bout de leur travail. Nous nous demandions depuis plusieurs mois comment faire évoluer ce projet jusqu’au moment où nous avons découvert le Monaco Solar and Energy Boat Challenge», raconte Robin Amacher, coordinateur du projet Swiss Solar Boat et navigateur averti.
Pour ce dernier défi sur les eaux suisses, les étudiants de l’EPFL ont eu l’idée de développer le premier bifoiler radiocommandé. Ce modèle réduit volant, doté d’un balancier, devait devenir une véritable plateforme de test pour le futur bateau solaire. Ainsi est née l’idée de construire le Swiss Solar Boat en forme de prao. Un prao est un multicoque asymétrique, inspiré des pirogues polynésiennes, avec un balancier sur le côté. Fabriquer un bateau deux fois plus grand, dont la géométrie est complètement différente, c’est aussi augmenter le degré de complexité. Et, si toute la chaîne énergétique - la batterie et les panneaux solaires - est à développer, les 60 étudiantes et étudiants investis dans le Swiss Solar Boat peuvent bâtir sur l’expertise acquise au fil des années précédentes.
Les partenaires industriels
Dans cet apprentissage de l’excellence, les industriels jouent un rôle important en permettant aux équipes du Swiss Solar Boat de travailler dans des environnements très professionnels. Decision SA, qui a collaboré sur de grands projets navals comme Alinghi, met son savoir-faire et ses infrastructures à disposition des étudiants, en permettant de fabriquer dans ses ateliers les plus grandes pièces du bateau. L’entreprise NTPT, experte en matériaux, fournit la fibre de carbone. La CGN a mis à disposition une base d’opérations au bord du lac ainsi qu’une grue, car il aurait été impossible d’assembler le Swiss Solar Boat dans les ateliers de l’EPFL. Enfin, les cellules solaires photovoltaïques en silicium monocristallin ont été conçues en partenariat avec le CSEM et le PV Lab à Neuchâtel.
« Le budget est estimé à 200’000 francs sur deux ans. Mais il est difficile de chiffrer un tel projet. Si l’on comptait toutes les heures passées, les locaux mis à disposition, les partenariats, les matériaux, ce projet dépasserait le million », estime Robin Amacher.
Des étudiantes et étudiants investis
Conscients des enjeux et du potentiel d’apprentissage que peuvent apporter des projets de grande envergure comme le Swiss Solar Boat, les équipes s’investissent à 100% en apprenant les uns des autres et en s’entraidant.
Sébastien Jaffaux, étudiant Master en génie mécanique, s’est lancé dans l’aventure HydroContest dès son arrivée à l’EPFL en 2017. Aujourd’hui, il est directeur technique et vice-président de l’association Swiss Solar Boat. « Ce qui m’a intéressé c’est le défi de travailler dans une très grande équipe venant de tous les horizons de l’ingénierie avec des approches aussi différentes que l’électronique ou la microtechnique. »
Lukanaël Kopf, lui aussi en Master en génie mécanique, a choisi ce projet pour s’extraire de la théorie : « J’avais besoin d’avoir un aspect pratique et de sortir de tous ces cours et ces calculs que l’on fait à l’EPFL pour les appliquer à quelque chose de concret.»
Quant aux nouveaux, ils savent, dès leurs premiers pas sur le chantier, qu’ils seront conseillés par des plus expérimentés. Tatiana Cogne, étudiante Bachelor en systèmes de communication, est arrivée il y a huit mois dans l’aventure. « J’ai voulu participer à ce projet car je passe la plupart de mes journées sur un ordinateur. J’avais envie de quelque chose de différent et de m’investir dans un projet interdisciplinaire où l’on rencontre des personnes d’autres sections, qu’elles soient en bachelor ou en master. »
Très investie, la jeune étudiante est également en train de passer son permis de bateau, et elle fera partie de l’équipe de pilotes suppléants. Pour l’heure, le pilote attitré est Adrien Peltier, étudiant en génie mécanique. Il devra maîtriser le bateau de 7m de long, 2m40 de large qui atteindra 15 nœuds de vitesse moyenne et 30 nœuds en vitesse de pointe, c’est-à-dire 60 km/h. « La préparation va se passer dès que le bateau sera à l’eau, je vais prendre mes marques et voir ses réactions, tirer le maximum de ses performances sans le brutaliser. »
Des règles de sécurité strictes régissent les compétitions monégasques. La batterie chargée uniquement par l’énergie solaire, à 1500 wattheures, ne doit pas dépasser 52 volts. Elle doit être installée à plus d’un mètre du pilote, celui-ci doit pouvoir évacuer seul l’habitacle en 5 secondes et porter impérativement un casque orange.
Une première mondiale
Débarquer à Monaco avec un concept nouveau, qui n’a jamais été fait, c’est très osé ! Ce sera le premier prao à foil qui participera à la compétition. « Je suis assez fier d’arriver avec un bateau innovant qui n’est pas juste un copié-collé des autres bateaux qui concourent et je pense que c’est une bonne chose pour une école technique. On prend des risques, on les assume, on verra si tout marche comme prévu », se rassure Robin Amacher.
Mais que cela marche ou non en définitive le but aura été atteint. Les étudiants auront gagné en maturité, en expérience, ils auront développé de nouvelles compétences dans de nombreux domaines, ils auront appris à mieux communiquer, à travailler en équipe, à discuter avec des étudiants d’autres sections.
Soutiens de l’École
Un projet important comme le Swiss Solar Boat s’inscrit dans le cadre plus large des projets MAKE de l’EPFL et bénéficie de soutiens indispensables. Ainsi de nombreux partenariats, internes à l’École et industriels, sont proposés. « Nous mettons l’ensemble de l’écosystème de l’École en appui, nous renforçons les liens avec les entreprises et ainsi nous augmentons l’employabilité des étudiants. Notre rôle est d’accompagner l’apprentissage de l’étudiant et d’augmenter la pluridisciplinarité des expériences qui permettront aux étudiants de devenir d’encore meilleurs ingénieurs », explique Julien Delisle qui coordonne les projets MAKE.
« Dans ce microcosme généré autour des projets MAKE, il y a les laboratoires qui apportent leur expertise et valorisent les projets crédités, les Discovery Learning Laboratory (DLL), qui soutiennent les travaux pratiques, les coachs qui accompagnent les projets et donnent une vision plus pragmatique, plus opérationnelle, renchérit Pascal Vuilliomenet, en charge du Discovery Learning Program. Les étudiants peuvent en outre compter sur des espaces de prototypage, des salles d’assemblage et le support des ateliers professionnels de l’École pour le conseil et la production des pièces mécaniques complexes qu’ils ont eux-mêmes dessinées. »