Swiss Solar Boat: la genèse d'un projet MAKE à l'EPFL
Début juillet, les étudiant-es du projet Swiss Solar Boat ont participé pour la deuxième année consécutive au Monaco Energy Boat Challenge, un concours organisé par le Yacht Club de Monaco qui vise à développer des systèmes de propulsion alternatifs utilisant uniquement des énergies renouvelables.
Une participation cette fois encore couronnée de succès qui a vu l’équipe de l’EPFL se hisser au 2ème rang du classement général dans sa catégorie, en plus de rafler une première place dans l’épreuve de vitesse et une deuxième au slalom.
Un palmarès dont l’équipe alors composée de 63 étudiant-es en Bachelor et en Master peut être fière et qui témoigne des plus de 50'000 heures collectivement dédiées au cycle idéation-fabrication-tests de leur imposant bateau solaire.
Imposant tant par son volume que par le défi technique qu’il représente, un projet de la complexité du Solar Boat s’inscrit dans la volonté de l’EPFL de renforcer une pédagogie active et interdisciplinaire au sein de la formation de ses futur-es ingénieur-es et architectes.
L'initiative MAKE
Dans les faits, cela se traduit par la mise en place progressive d’un dispositif complexe dont les origines remontent aux alentours de 2014 lorsqu’une équipe de l’EPFL participe pour la première fois à la compétition HydroContest avec, à l’époque, un petit bifoiler mesurant à peine 2,50m à présent considéré comme le précurseur du Dahu.
Permettant à Pascal Vuilliomenet, Responsable de projets à l’EPFL, et son équipe d’évaluer et de piloter différents formats pour accompagner et soutenir au mieux ce type d’enseignement, ces premières tentatives ont donné naissance à l’initiative pédagogique MAKE.
Aujourd’hui, celle-ci met à disposition des étudiant-es le réseau d’espaces et d’équipements de pointe des Discovery Learning Laboratories tout en mobilisant un panel croissant d’expert-es composé de professeur-es, de coordinateur-ices, de coaches ainsi que de chefs d’ateliers professionnels pour les soutenir.
Encadrer et transmettre
Robin Amacher est architecte naval et ingénieur en matériaux, impliqué dans les projets interdisciplinaires depuis leur genèse à l’EPFL, il coordonne le projet Swiss Solar Boat depuis trois ans, suivant avec passion l’évolution de l’équipe au fil des semestres.
L'un des gros défis est la transmission du savoir
« Avec les étudiant-es les plus qualifié-es qui diplôment et partent, il faut s'assurer que l'information passe continuellement aux plus jeunes. Avec un gros turnover, c'est déjà un challenge de conserver le niveau acquis l'année précédente, et d'autant plus de l'augmenter, » souligne-t-il.
En effet, entre la première participation des étudiant-es de l’EPFL au Monaco Energy Boat Challenge en 2021 et celle de cet été, c’est une équipe presqu’entièrement renouvelée qui a repris le flambeau.
Avancer sur la base des acquis
Pour concourir à la 9ème édition de la compétition monégasque, les étudiant-es ont fait le pari de conserver leur design conçu sur la base d’un prao (type de pirogue indonésienne multicoque à balancier) et d’en repousser encore les limites.
Le Dahu a donc fait l’objet d’une analyse poussée afin d’identifier comment disposer d'une électronique plus performante et plus fiable et comment obtenir un bateau encore plus hydrodynamique, plus léger et plus résistant.
« Le Dahu v1 avait été conçu en partant essentiellement d'une feuille blanche, même si nous avions le baby-prao en parallèle pour valider certains concepts. Pour cette édition il s’agissait de partir d'un design déjà bien abouti, d'en identifier les points forts et les points faibles, et de l'optimiser. C'est un exercice un peu moins sexy que de dessiner quelque chose d'entièrement nouveau, mais qui a beaucoup de sens à de nombreux titres : on le retrouve fréquemment dans les métiers de l'ingénieur, l'empreinte environnementale est fortement réduite et le niveau de performance est supérieur à un nouveau proto, » explique Robin Amacher.
Un projet d'envergure
Électronique haute puissance, propulsion tractive contra-rotative, hydro-foils, bord d’attaque auto-réparant, panneaux solaires, électronique basse puissance et cockpit en composite plié en origami…autant de défis ambitieux à relever et pour lesquels les 63 étudiant-es du projet Swiss Solar Boat issu-es de 11 sections de l’EPFL sont stratégiquement réparti-es en six sous-équipes techniques dédiées.
Ils-elles prennent part à des travaux de bachelor ou de master regroupés de manière à couvrir les différentes thématiques nécessaires à la réalisation du Swiss Solar Boat. Sur l'année 2021-2022, 24 projets étaient proposés par l’association (les projets sont souvent constitués autour d’une associations estudiantine).
Cette année, les projets crédités étaient conçus en fonction des besoins d’optimisation de la structure composite du bateau, avec par exemple des projets de bachelor dédiés à la conception de boîtiers ultra légers, à la structure supérieure de la propulsion ou encore la caractérisation et l’optimisation du cockpit. D’autres projets semestriels se sont concentrés sur une révision totale de l’électronique embarquée en proposant aux étudiant-es d'effectuer une analyse globale de celle-ci ou encore de développer un microcontrôleur universel destiné aux systèmes d’acquisition des données du bateau.
Au total, 43 membres de l’équipe Swiss Solar Boat ont été crédités au travers de projets spécifiques, associant la recherche et le travail pratique. Dans cette formule, le coordinateur joue donc un rôle clé puisqu'il assure la cohérence des différents thèmes et l'intégration des livrables des sous-projets dans le projet central.
Des efforts récompensés
Selon Robin Amacher, les objectifs ont largement été atteints.
« Dans l'ensemble, il y a eu une réelle progression: le système CAN était nettement plus propre et fiable, le nouvel ensemble vertical-foil latéral a permis une capacité de manœuvres impressionnante (même si cela a révélé un autre problème: le moteur d'actuation était très sollicité et se mettait en mode "sécurité" pour ne pas griller, cela assez vite, provoquant une perte de portance au niveau du latéral), et le nouvel ensemble arrière était beaucoup plus hydrodynamique, léger et fonctionnel. »
En matière de logistique, concourir sur la Côte d'Azure demande de démonter le prototype afin de le transporter jusqu'au lieu de la compétition pour ensuite le remonter.
Une fois sur place, les équipes disposent d'une journée pour reconstruire leurs prototypes. Jusqu'à la ligne de départ, les étudiant-es s'affairent à effectuer les derniers réglages afin de passer un contrôle technique effectué par des experts de l'industrie navale: condition sine qua non pour accéder à la compétition et confronter leur concept aux réalités du terrain.
Dès lors, la compétition peut débuter! Le port de la Principauté devient alors le théâtre d'une succession d'épreuves intenses, conçues pour tester les performances et les limites des engins proposés par des équipes venues des quatre coins du monde se mesurer sur l'endurance, la vitesse et la maniabilité.
« Les duels dans le port ont été incroyables, avec une intensité dingue. Lorsque l'actuateur latéral ne saturait pas, le Dahu était capable de virages serrés sur foils à haute vitesse. Le fait de pouvoir s'imposer face à Sunflare –qui en sont à leur 8ème participation et sont tous des alumni-- sur un terrain où ils excellent était un peu la cerise sur le gâteau. Un des points qui a aussi beaucoup impressionné est la stabilité de notre bateau dans les vagues. » relate Robin Amacher.
Monaco à peine dans le rétroviseur, les étudiant-es ont déjà le regard tourné vers l'avenir. Pour leur prochain défi, un cahier des charges déjà établi prévoit notamment le passage à une technologie hybride mêlant énergie solaire et hydrogène.
Et la durabilité compte bien rester au centre de leurs préoccupations. En exploitant le Dahu pour affiner le design et collecter les données pertinentes, l’accent sera mis l’utilisation stratégique d’énergies renouvelables pour atteindre un fonctionnement continu sur une plus longue durée et pouvant embarquer jusqu'à trois passagers.
À suivre...!
Les projets MAKE sont une initiative pédagogique de l'EPFL. Ils permettent de renforcer les apprentissages disciplinaires grâce à une mise en pratique et sont propices au développement de savoir-faire et de compétences transversales indispensables tant pour leur réussite académique que pour leur entrée dans la vie professionnelle.
En se confrontant à des conditions similaires à celles rencontrées dans l’industrie et la recherche, les étudiant-es gagnent en autonomie, apprennent à collaborer et à communiquer, acquièrent des compétences en gestion de projet, tout en mobilisant et en appliquant les connaissances acquises au travers du curriculum.
Pour plus d'informations, rendez-vous ici et/ou contactez Julien Delisle, Coordinateur des projets interdisciplinaires.
Les Discovery Learning Laboratories sont des espaces dédiés à l’enseignement de travaux pratiques par thématique visant à renforcer la transdisciplinarité à l’EPFL. Pour plus d’informations, rendez-vous ici et/ou contactez Pascal Vuilliomenet, Chef de projet.