Stimuler l'hypothalamus permet à des patients paralysés de remarcher

- 2024 EPFL / .NeuroRestore - CC-BY-SA 4.0

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La découverte inattendue d'une région cérébrale cruciale pour la récupération de la marche chez les souris souffrant de lésions de la moelle épinière a conduit à une thérapie par stimulation cérébrale profonde chez l'humain. Deux personnes souffrant de lésions partielles de la moelle épinière ont pu retrouver un contrôle suffisant de leurs jambes pour marcher sans aide et même monter des escaliers.

Des scientifiques de l'EPFL et du CHUV, dirigés par le professeur Grégoire Courtine et la professeure Jocelyne Bloch, ont franchi une étape importante dans le traitement des lésions de la moelle épinière. En appliquant la stimulation cérébrale profonde (SCP) à une région du cerveau peu connue pour être impliquée dans la marche, l'hypothalamus latéral (HL), l'équipe a amélioré la récupération des mouvements des membres inférieurs chez deux personnes souffrant de lésions médullaires partielles, ce qui a grandement amélioré leur autonomie et leur bien-être.

L'année dernière, en vacances, j’étais capable de descendre quelques marches et retourner à la mer en utilisant la stimulation

Wolfgang Jäger, participant à l'essai clinique

Wolfgang Jäger, 54 ans, originaire de Kappel, en Autriche, est en fauteuil roulant depuis 2006, après un accident de ski qui lui a causé une lésion de la moelle épinière. En participant à l'essai clinique, il a pu constater par lui-même que la stimulation cérébrale profonde pouvait lui restaurer sa mobilité et son indépendance. «L'année dernière, en vacances, j’étais capable de descendre quelques marches et retourner à la mer en utilisant la stimulation», a partagé Jäger, décrivant la liberté retrouvée grâce à la stimulation cérébrale profonde. Au-delà de la marche, cette thérapie a également amélioré les tâches quotidiennes. «Je peux aussi atteindre des objets dans les placards de la cuisine», a-t-il ajouté.

La SCP est une technique neurochirurgicale bien établie qui consiste à implanter des électrodes dans des régions spécifiques du cerveau afin de moduler l'activité neuronale. Traditionnellement, la SCP était principalement utilisée pour traiter les troubles du mouvement tels que la maladie de Parkinson ou le tremblement essentiel en ciblant les zones du cerveau responsables du contrôle moteur. Cependant, l'application de la SCP à l'hypothalamus latéral pour traiter une paralysie partielle est une approche novatrice. En se concentrant sur l’HL, les scientifiques de .Neurorestore ont exploité une voie neuronale inattendue, jusqu’alors inexplorée pour la récupération motrice.

2024 EPFL - CC-BY-SA 4.0

L'étude publiée dans Nature Medicine a révélé que la SCP produisait non seulement des résultats immédiats pour améliorer la marche pendant la rééducation, mais aussi des améliorations à long terme qui persistaient même lorsque la stimulation était arrêtée. Ces résultats suggèrent que le traitement a favorisé une réorganisation des fibres nerveuses résiduelles qui contribue à des améliorations neurologiques durables.

Cette recherche démontre que le cerveau joue un rôle clé dans le processus de récupération d'une paralysie.

Grégoire Courtine

«Cette recherche démontre que le cerveau joue un rôle clé dans le processus de récupération d'une paralysie. Étonnamment, il n'est pas en mesure de tirer pleinement profit des projections neuronales qui survivent après une lésion de la moelle épinière. Ici, nous avons découvert comment exploiter une petite région du cerveau, auparavant inconnue pour son rôle dans la production de la marche, afin d'engager ces connexions résiduelles et d'améliorer la récupération neurologique chez les personnes souffrant de lésions de la moelle épinière», explique Grégoire Courtine, professeur en Neurosciences à l'EPFL, au CHUV, et à l'UNIL et co-directeur du centre .Neurorestore.

Les neurosciences fondamentales combinées à la précision neurochirurgicale

Le succès de cette thérapie SCP repose sur deux approches complémentaires: les découvertes permises par de nouvelles méthodologies dans les études animales, et la traduction de ces découvertes en techniques chirurgicales précises chez l'humain. Pour l'intervention chirurgicale, les scientifiques ont utilisé des scanners détaillés du cerveau pour poser précisément des petites électrodes dans le cerveau. Cette procédure a été réalisée par la neurochirurgienne Jocelyne Bloch, professeure au CHUV, à l'UNIL et à l'EPFL, et co-directrice du centre .Neurorestore, avec le patient pleinement éveillé.

À ce moment-là, j'ai su que nous étions témoins d'une découverte majeure dans l'organisation anatomique des fonctions cérébrales.

Jocelyne Bloch

«Une fois l'électrode en place et la stimulation effectuée, la première patiente a immédiatement dit: ‘Je sens mes jambes’. Lorsque nous avons augmenté la stimulation, elle a déclaré: ‘J'ai envie de marcher’. Ce retour d'information en temps réel a confirmé que nous avions ciblé la bonne région, bien que celle-ci n’ait jamais été associée au contrôle des jambes chez l’humain. À ce moment-là, j'ai su que nous étions témoins d'une découverte majeure dans l'organisation anatomique des fonctions cérébrales», déclare Jocelyne Bloch.

Le rôle de l'hypothalamus latéral dans la récupération de la marche

L'identification de l'hypothalamus latéral comme acteur clé de la récupération motrice après une paralysie constitue en soi une découverte scientifique importante, étant donné que cette région n'est traditionnellement associée qu'à des fonctions telles que l'éveil et l'alimentation. Cette avancée est le fruit d'une méthodologie novatrice en plusieurs étapes, qui a débuté par une cartographie anatomique et fonctionnelle du cerveau entier afin d'établir le rôle de cette région dans la marche, suivie d'expériences sur des modèles précliniques pour identifier les circuits précis impliqués dans la récupération. Enfin, ces résultats ont conduit à des essais cliniques sur des participantes et participants humains.

Sans ce travail fondamental, nous n'aurions pas découvert le rôle inattendu que joue cette région dans le processus de récupération de la marche.

Jordan Squair

«C’est grâce à une recherche fondamentale, incluant la création de cartes détaillées de l’activité cérébrale, que nous avons pu identifier l'hypothalamus latéral dans la récupération de la marche. Sans ce travail fondamental, nous n'aurions pas découvert le rôle inattendu que joue cette région dans le processus de récupération de la marche», explique Jordan Squair, l'un des principaux auteurs de l'étude.

La plateforme d’imagerie avancée du Wyss Center a joué un rôle essentiel dans cette recherche en fournissant des capacités d'imagerie à haute résolution. Cela a permis à l'équipe de cartographier l'activité anatomique et fonctionnelle des neurones dans l’ensemble du cerveau, permettant l’identification de l'hypothalamus latéral.

Combiner la SCP avec des implants sur la moelle épinière pour améliorer la récupération

Ces résultats remarquables ouvrent la voie à de nouvelles applications thérapeutiques pour améliorer la récupération après une lésion de la moelle épinière. Les recherches futures porteront sur l'intégration de la SCP à d'autres technologies, telles que les implants sur la moelle épinière, qui ont déjà démontré leur potentiel dans la restauration du mouvement après une lésion médullaire. «L'intégration de nos deux approches – stimulation cérébrale et spinale – offrira une stratégie de récupération plus complète pour les patientes et patients souffrant de lésions de la moelle épinière», affirme Grégoire Courtine.

Références

Cho, N., Squair, J. W., Aureli, V., James, N. D., Bole-Feysot, L., Dewany, I., Hankov, N., Baud, L., Leonhartsberger, A., Sveistyte, K., Skinnider, M. A., Gautier, M., Laskaratos, A., Galan, K., Goubran, M., Batti, L., Pages, S., Berard, N., Intering, N., Varescon, C., Watrin, A., Duguet, L., Carda, S., Bartholdi, K. A., Hutson, T. H., Kathe, C., Hodara, M., Anderson, M. A., Draganski, B., Demesmaeker, R., Asboth, L., Barraud, Q., Bloch, J., & Courtine, G. Hypothalamic deep brain stimulation augments walking after spinal cord injury. Nature Medicine (2024), DOI: 10.1038/s41591-024-03306-x


Auteur: Michael David Mitchell

Source: Sciences de la vie | SV

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