Simplifier la détection par impulsions lumineuses
Des chercheurs de l'EPFL ont découvert un moyen pour implémenter un système de détection en utilisant le multiplexage spatial, une technique développée à l'origine dans la communication par fibre optique.
Les impulsions optiques ultracourtes deviennent de plus en plus pertinentes dans un grand nombre d'applications, telles que la mesure de distances, l'établissement d'empreintes moléculaires et l'échantillonnage ultrarapide. Beaucoup de ces applications ne s'appuient pas sur un train d'impulsions unique – aussi connu sous le nom de « peignes de fréquence optique » – mais sur deux ou trois de ceux-ci.
Néanmoins, ces approches multi-peignes accélèrent de manière significative le temps d'acquisition par rapport aux techniques conventionnelles.
Ces trains d'impulsions optiques courtes sont produits typiquement par de grosses sources de laser pulsé. Par conséquent, les applications multi-peignes nécessitent plusieurs de ces lasers, qui souvent impliquent des coûts et une complexité prohibitifs. De plus, le timing relatif des trains d'impulsions et leurs phases doivent être très bien synchronisés, ce qui exige qu'une électronique active synchronise les lasers.
Dans une nouvelle étude publiée dans Nature Photonics, l'équipe de recherche de Tobias J. Kippenberg à l'EPFL, en collaboration avec le groupe de Michael Gorodetsky au Russian Quantum Centre, ont développé une méthode beaucoup plus simple pour générer des peignes à fréquences multiples. La technologie utilise de petits dispositifs appelés « micro-résonateurs optiques », afin de créer des peignes de fréquence optique au lieu des lasers pulsés conventionnels.
Le micro-résonateur consiste en un disque cristallin de quelques millimètres de diamètre. Le disque capture une lumière laser continue et la convertit en impulsions ultracourtes – les solitons – grâce aux propriétés particulières non-linéaires du dispositif. Les solitons voyagent autour du résonateur 12 milliards de fois par seconde. A chaque tour, une partie du soliton s'échappe du résonateur, en produisant un train d'impulsions optiques.
Le microrésonateur que les chercheurs ont utilisé ici possède une propriété particulière, en ce sens qu'il permet à la lumière de voyager dans le disque de multiples manières différentes, appelées modes spatiaux du résonateur. En lançant des ondes lumineuses continues dans plusieurs modes à la fois, on peut obtenir simultanément de multiples états différents du soliton. De cette manière, les scientifiques ont pu générer jusqu'à trois peignes de fréquence en même temps.
Le principe de fonctionnement est le même que le multiplexage spatial utilisé dans la communication par fibre optique : l'information peut être envoyée en parallèle sur différents modes spatiaux d'une fibre multimode. Ici, les peignes sont générés dans des modes spatiaux distincts du microrésonateur.
La méthode a plusieurs avantages, mais le principal est qu'elle n'exige pas une électronique de synchronisation complexe. « Toutes les impulsions circulent dans le même objet physique, ce qui réduit les possibles dérives de synchronisation, comme on en rencontre avec deux lasers pulsés indépendants », explique Erwin Lucas, auteur principal de l'article. « Nous avons également dérivé l'ensemble des ondes continues à partir du même laser initial en utilisant un modulateur, ce qui supprime le besoin d'une synchronisation de phases. »
Une illustration du concept derrière la nouvelle méthode (Crédit: Erwan Lucas/EPFL)
En recourant à ce système de multiplexage, l'équipe a mis en évidence diverses applications, telles qu'une spectroscopie à double peigne, ou un échantillonnage optique rapide. Le temps d'acquisition pouvait être ajusté entre une fraction de milliseconde et 100 nanosecondes.
Les auteurs s'emploient maintenant à développer une nouvelle expérience, avec la source à triple peigne : «Nous n'avions pas prévu une telle expérience, du fait que nous ne nous attendions pas à ce que notre système fonctionne si facilement,» dit Lucas. « Nous y travaillons activement.»
La technologie peut être intégrée aussi bien avec des éléments photoniques qu'avec des microprocesseurs de silicium. Installer la génération de multipeignes sur un processeur peut susciter une grande variété d'applications, telles que des spectromètres intégrés ou LIDAR, et pourrait rendre la détection optique bien plus accessible.
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E. Lucas, G. Lihachev, R. Bouchand, N. G. Pavlov, A. S. Raja, M. Karpov, M. L. Gorodetsky, T. J. Kippenberg. Spatial multiplexing of soliton microcombs. Nature Photonics 01 October 2018. DOI: 10.1038/s41566-018-0256-7