SenseFly et Pix4D ont séduit un grand groupe français
Parrot, leader mondial des périphériques sans fil pour téléphones mobiles et déjà présent sur le marché des drones à usage commercial, acquiert pour 5 millions une partie majoritaire de senseFly, start-up issue du Laboratoire des systèmes intelligents de l’EPFL. Il injecte également 2,4 millions de francs dans Pix4D, autre spin-off de l’Ecole, active dans le calcul d’images 3D.
Cartographier un site de construction, des terrains naturels et urbains ou une mine, surveiller des sites industriels, gérer des terres agricoles... Le drone développé par senseFly, issu de 6 ans de recherches au Laboratoire de systèmes intelligents (LIS) de l’EPFL, facilite le travail de professionnels de différents horizons. Muni d’un pilote automatique miniature et d’un appareil photo haute définition, il compte déjà des centaines d’utilisateurs dans le monde. La start-up installée aux portes de l’EPFL espère décupler ses ventes ces prochaines années et créer des dizaines de nouveaux postes de travail dans le domaine des systèmes autonomes de vol grâce à la prise de participation majoritaire, pour 5 millions de francs, d’un groupe français coté en bourse: Parrot.
Les drones de senseFly démontrent toute l’étendue de leurs capacités si on les associe à un logiciel mis au point par Pix4D, spin-off du Laboratoire de vision par ordinateur de l’EPFL (CVLAB). L’algorithme développé par cette dernière permet en effet d’assembler des centaines d’images aériennes et d’obtenir en quelques minutes un plan 3D extrêmement précis du terrain observé. Cette jeune société basée au Parc scientifique de l’EPFL intéresse également Parrot : le groupe français a décidé d’y investir 2,4 millions de francs pour une participation minoritaire. «Dans les années 1980, les algorithmes étaient très peu fiables et j'étais convaincu qu’il faudrait bien plus de 30 ans pour qu’ils deviennent la base de produits commerciaux entièrement automatisés, fiables et utiles. C'est un merveilleux exemple de la façon dont la recherche dictée par la curiosité, par exemple comprendre la capacité de l'être humain à donner du sens au monde qui l’entoure à travers ce qu’il voit, a finalement conduit à des résultats utiles», explique Pascal Fua, directeur du CVLAB.
Comme un insecte
L’utilisation du petit drone ultraperformant de senseFly s’apparenterait presque à un jeu d’enfant. Le parcours peut être programmé sur un logiciel avant le vol et reste modifiable durant toute la durée de celui-ci. Nul besoin de piste de décollage : trois mouvements d’avant en arrière suffisent pour démarrer le moteur, et l’aile de 500 grammes prend son envol. Elle atteint une vitesse de croisière de 40 km/h permettant de cartographier automatiquement des zones allant de quelques hectares à plusieurs kilomètres carrés en un seul vol avec une résolution allant de 3 à 30 cm/pixel selon la distance au sol. Au maximum 30 minutes plus tard, le drone revient à son point de départ, sans assistance. Il ne reste plus qu’à échanger l’accumulateur pour la prochaine observation.
La technologie sur laquelle sont basés ces petits engins est née en 2001, lorsqu’une équipe de chercheurs en robotique du Laboratoire de systèmes intelligents de l’EPFL a commencé à investiguer les stratégies de contrôle et de navigation des insectes volants. Les premières recherches ont permis le développement d’un pilote automatique intégré utilisant des stratégies de contrôle intelligentes similaires à celui des mouches et des abeilles. «C’est en 2008 qu’il a été intégré dans une aile volante ultralégère, lui conférant tous les avantages des insectes: efficace, élégant, léger, élémentaire et intelligent», se souvient Jean-Christophe Zufferey, fondateur et CEO de senseFly. «Je suis très heureux que notre insecte volant robotisé ait non seulement contribué à élucider des questions biologiques, mais qu’il ait également pu promouvoir le développement socio-économique de notre région en créant des dizaines de nouveaux emplois à haute valeur ajoutée. En collaboration avec le Centre de compétence en robotique récemment créé, le développement de senseFly contribue à faire de l'EPFL et de sa région un important centre pour l'Intelligence artificielle et la robotique», souligne Dario Floreano, directeur du LIS et du Centre national de compétence Robotics.
Alors que les lois sur l’utilisation des drones sont en train d’êtres négociées dans de nombreux pays, le faible poids de ceux de senseFly leur confère un avantage inégalé sur le marché des drones civils puisqu’il limite leur caractère potentiellement dangereux en cas de chute.
Un pôle de compétence pour les drones civils à l’EPFL
Parrot, leader mondial des périphériques sans fil pour téléphones mobiles, s’est investi dernièrement dans le marché des drones pour le grand public. Il a notamment sorti un quadricoptère pilotable en wifi et vendu à plus de 300'000 exemplaires depuis sa sortie en 2010. Le rapprochement avec le groupe français permettra de créer une de nouvelles syneregies pour les deux start-up de l’EPFL.
Le besoin croissant en informations géographiques pour des systèmes de géo-information (GIS) comme Google Earth et Street View notamment devrait permettre au marché professionnel des drones civils ultralégers d’atteindre le milliard de dollars dès 2020. La combinaison du drone de senseFly et du logiciel de cartographie exclusif de Pix4D avec les capacités industrielles de Parrot permettra de répondre rapidement aux besoins de ce nouveau marché. De plus, les collaborations avec deux centres nationaux de recherche et de formation (www.NCCR-Robotics.ch & www.MICS.org) pilotés par l’EPFL créent le cœur d’un pôle d’expertise de renom international dans le domaine véhicules aériens non pilotés (UAV).
SenseFly, fondée fin 2009 au «Garage» (la pépinière d’entreprises de l’EPFL), restera dans la région ces prochaines années, et l’équipe de direction continuera à la piloter. «Nous pourrons bénéficier de l’expertise technologique du groupe Parrot, de son organisation industrielle externalisée et de sa solidité financière pour accélérer notre distribution à travers le monde» explique Jean-Christophe Zufferey, CEO de l’entreprise lausannoise. Cet investissement stratégique donnera au groupe français un accès au savoir-faire et à la technologie des drones spécialisés.
Quant à Pix4D, créée en 2011, l’investissement de Parrot lui permet d’envisager de nouveaux horizons commerciaux. «Cela renforce notre positionnement en tant que leader des logiciels dédiés aux drones professionnels», se réjouit Christoph Strecha, son CEO.