Saut à ski : Altus, Fortus, Captus

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Des chercheurs de l’EPFL ont réussi, grâce à un système de mesure révolutionnaire, à quantifier la performance d’un saut à ski en conditions réelles.

Il y a tout d’abord l’élan, lorsque l’athlète accroupi glisse sur le tremplin. Puis l’impulsion, ces dixièmes de seconde si déterminants avant l’envol, corps penché, talons levés, skis bientôt en V. Lors d’un saut à ski, l’athlète doit réaliser un mouvement complexe à plus de 90 km/h durant une durée très courte. Le décollage est donc la phase déterminante.



«Les coaches utilisent des caméras conventionnelles pour filmer les sauteurs, mais ils ne disposent d’aucune donnée sur les paramètres du saut lui-même.» Pour mener à bien ses recherches, Julien Chardonnens, doctorant au Laboratoire de Mesure et d’Analyse du Mouvement (LMAM), se glisse un peu dans la peau du sauteur qui doit à la fois optimiser la force qui le propulse vers le haut et prendre une position qui le projette vers l’avant. Afin de comprendre et d’analyser comment un Simon Ammann et un Andreas Küttel abordent les différentes phases d’un saut, les chercheurs du LMAM ont glissé des capteurs dans leurs combinaisons et dans celles de 35 autres athlètes. Les capteurs mémorisent les données du saut. Grâce aux accéléromètres et aux gyroscopes intégrés, les senseurs fonctionnent comme un laboratoire miniature.

Un outil pour les entrainements

De telles mesures couplées à l’étroite collaboration avec les entraineurs ont permis à Julien Chardonnens de démontrer statistiquement que les paramètres utilisés permettent d’analyser et d’expliquer la qualité d’un saut. « Nous mesurons le mouvement du sauteur du décollage à l’atterrissage. Ainsi, grâce à un modèle biomécanique et par des outils de traitement du signal, nous avons extrait automatiquement des paramètres, tel que le timing, les forces, les paramètres angulaires ou encore la coordination inter-segmentaire. »

A terme ces recherches serviront à développer des outils qui auront pour tâche d'améliorer l’entraînement des juniors puis, dans un second temps, à examiner et à optimiser les performances des champions.

Prévention des accidents en compétition

Après s’être intéressé à la performance des sauteurs à ski, Julien Chardonnens travaille actuellement, sur la prévention des accidents en ski alpin de compétition. Mandaté par la Fédération Internationale de Ski (FIS), le laboratoire de l'EPFL s'est associé à l’Institut Fédéral pour l'Etude de la Neige et des Avalanches, (SLF Davos) et aux universités de Salzbourg et Oslo pour réaliser des mesures lors de la coupe du monde afin de mieux comprendre comment les facteurs équipement-neige-piquetage influencent les risques d’accident : « Cette saison, nous faisons des mesures sur des ouvreurs et des athlètes lors du circuit coupe du monde. Nous étions présents à cinq slaloms géants et cinq descentes, dont Wengen et Kitzbühel. » Là aussi, les skieurs sont équipés de différents systèmes de mesure tels que des capteurs inertiels et un GPS. Mais d’autres paramètres sont analysés comme les conditions de neige ou le matériel.

La recherche débute souvent par une question


Pour ces scientifiques passionnés par la biomécanique translationnelle (transfère des recherches biomédicales en applications pratiques), la recherche débute souvent par une question concrète. Pour le saut à ski, c’est le docteur Gérald Gremion, spécialiste en médecine sportive au CHUV, qui a lancé l’idée d’un outil de mesure. Le professeur Kamiar Aminian, directeur du LMAM, tient tout particulièrement à cette collaboration étroite entre l’ingénieur et le coach ou le médecin : « Cela donne non seulement une orientation au projet mais cela nous permet d’avoir accès aux sportifs et de valider nos recherches. » Un partenariat qui s’intensifie au fil des années : le LMAM a notamment un laboratoire d’analyse du mouvement au CHUV, muni de neuf caméras qui permettent de disséquer le mouvement avant de le reconstruire en 3D.


Auteur: Sandy Evangelista

Source: EPFL