Repositionner le rôle de la créativité dans le patrimoine culturel

« The Heritage, Creativity and Innovation Nexus » © Virginie Martin/EPFL CDH

« The Heritage, Creativity and Innovation Nexus » © Virginie Martin/EPFL CDH

Du 4 au 6 novembre, les chercheurs du Collège des humanités (CDH) Florence Graezer Bideau et Peter Bille Larsen ont organisé « The Heritage, Creativity and Innovation Nexus » : une conférence interdisciplinaire qui invitait les participants à développer un nouveau cadre théorique pour comprendre la production contemporaine du patrimoine culturel.


La conférence de trois jours, soutenue par le CDH et le Fonds national suisse (FNS), a attiré des intervenants et des participants du monde entier. Les sujets de discussion allaient de la théorie à la pratique, avec des présentations abordant les relations entre le patrimoine culturel, l'art et l'artisanat, la technologie, la gouvernance, l'environnement, les espaces urbains, etc. Le samedi, une école doctorale et une présentation de projets ont également permis aux jeunes chercheurs de participer aux discussions.

Créativité et contradictions

Qu’est-ce qui a motivé l’organisation de cette conférence ? Les organisateurs mentionnent le « tournant créatif massif » actuellement observé dans le monde dans la production du patrimoine culturel et estiment qu’il est temps de renverser le stéréotype du patrimoine comme un domaine de recherche strictement historique et rarement associé à l'innovation. Toutefois, cela est plus facile à dire qu'à faire, car ce tournant créatif est un phénomène accompagné de nombreux paradoxes et contradictions.

« Nous assistons à la perte de la diversité culturelle et à la dégradation constante du patrimoine, pourtant, le nombre d'inscriptions sur les listes de patrimoine, comme celle de l'UNESCO, n'a jamais été aussi élevé. Dans le même temps, on assiste à une nette expansion de ce qui est considéré comme du patrimoine, ainsi que des acteurs et des technologies impliqués dans sa création. Nous devons nous demander dans quelle mesure cette évolution est dictée par l'économie, la politique, les organisations internationales, etc. », a expliqué Peter Bille Larsen, maître d’enseignement et de recherche en anthropologie et durabilité à l'Université de Genève, et invité académique du CDH.

Florence Graezer Bideau, sinologue et anthropologue et maître d’enseignement et de recherche au CDH, a ajouté que la conférence visait également à explorer les lacunes théoriques de l'anthropologie de la créativité, qui pourraient être comblées par des comparaisons avec les dynamiques du patrimoine des pays orientaux et occidentaux.

« En Asie, le patrimoine culturel est en pleine transformation, mais cette transformation est mal théorisée et souvent mal comprise. Nous observons un nombre croissant de problèmes liés au patrimoine et nous avons voulu nous interroger à ce sujet. »

Enseignement et engagement des praticiens

L'aspect éducatif de la conférence, via l'école doctorale interdisciplinaire, a été un atout important. Organisée conjointement avec trois programmes de doctorat (CUSO, EDAR, et EDDH), l'école doctorale a rassemblé des étudiants en anthropologie, en architecture et en études urbaines, ainsi qu'en sciences humaines numériques.

Outre une présentation sur les imaginaires culturels kinesthésiques, la sculpture de données, le deep mapping, et les projets de systèmes performatifs au Laboratoire de muséologie expérimentale (eM+), Sarah Kenderdine a fait visiter aux participants la dernière exposition d’EPFL Pavillons, Deep Fakes: Art and its Double. Alain Dufaux, directeur opérationnel du Cultural Heritage & Innovation Center (CHC), a également présenté le projet Montreux Jazz de l'EPFL, démontrant les synergies entre la communauté de recherche, les praticiens et les professionnels du patrimoine.

« Nous avons l'occasion d'enrichir la manière dont les acteurs des politiques publiques abordent le patrimoine et la créativité. Nous espérons qu'un cadre théorique actualisé pourra élargir ces discussions. La créativité et l'innovation dans le domaine du patrimoine sont très problématiques, il est essentiel de disposer de meilleurs concepts pour parler de ces questions d'une manière non centrée sur l'Occident », a résumé Peter Bille Larsen.

Florence Graezer Bideau et Peter Bille Larsen sont en train de co-rédiger un article académique sur le thème de la conférence et notent que ces activités constitueront également la base d'un volume collectif. Ils considèrent qu'il s'agit d'une occasion unique de s'engager auprès des acteurs du patrimoine et institutionnels et explorent les moyens de travailler avec des organisations internationales, ainsi qu'avec l’Office fédéral de la culture.


Auteur: Celia Luterbacher

Source: Collège des humanités | CDH

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