Repérer les sources d'épilepsie avec un système sans fil

© 2015 Thinkstock

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Un nouveau système d'électrodes sans fil pour détecter précisément les sources de l'épilepsie à l'intérieur du cerveau. C'est le projet sur lequel travaillent les chercheurs de l'EPFL. Cette technique est bien moins invasive que ce qui se pratique actuellement. Elle permettra aux patients de vaquer à leurs occupations pendant le contrôle de leur activité cérébrale.

Dans leur grande majorité, les patients souffrant d'épilepsie -50 millions dans le monde- peuvent être traités par des médicaments anticonvulsifs. Mais certains patients ne répondent pas au traitement standard. De plus en plus d'entre eux recourent à la chirurgie, afin de retrouver une vie normale. Le principe consiste à repérer à l'aide d'électrodes la zone du cerveau responsable de la source de l'épilepsie, puis, dans les cas les plus graves, de la retirer.

Actuellement, la phase pré-chirurgicale est lourde et très invasive. Le patient subit une opération du crâne, afin d'implanter des électrodes de surface sur son cortex. Une fois la plaie refermée, il lui est ensuite nécessaire de rester alité aux soins intensifs durant plusieurs semaines, les fils électriques ressortant de sa boîte crânienne. Les électrodes sont reliées en permanence à une station d'enregistrement, ce qui permettra de repérer la source de l'épilepsie, lors d'une crise.

A l'EPFL, les chercheurs sont en train de développer un réseau de microélectrodes sans fils, qui permet de surveiller très précisément l'activité cérébrale du patient, sans qu'il soit obligé de rester alité à l'hôpital. Effectuée en collaboration avec une équipe de médecins et chercheurs de l'Hôpital Universitaire de Berne (Inselspital), cette recherche a été présentée par Gürkan Yilmaz dans le cadre de sa thèse de doctorat. Des tests in vivo chez des souris ont déjà été réalisés avec succès.

Plus de précision pour moins de dégâts dans le cerveau
Si elle n'évite pas l'ouverture du crâne, cette nouvelle méthode sans fil comprend de nombreux avantages. Outre le fait qu'elle supprime les fils et évite aux patients ce séjour forcé aux soins intensifs, elle permet de prolonger le temps de "monitoring", le risque d'infection étant moindre. Il s'agit aussi de repérer avec plus de précision la source de l'épilepsie. «Nous développons des électrodes de moins de 100 micromètres de diamètre, contre 10 millimètres pour les électrodes utilisées lors d'électroencéphalogrammes intracrâniens classiques», explique Gürkan Yilmaz. «La mesure est de ce fait bien plus précise, et permet de retirer le moins de neurones possibles lors de la chirurgie. On pourra donc limiter au maximum les dégâts qui peuvent résulter d'une telle opération», ajoute-t-il.

Avec le nouveau système, constitué d'un réseau d'électrodes, d'une puce et d'une antenne, les signaux électriques émis par le cerveau sont captés et traités directement sous la peau. Le dispositif interne est alimenté en énergie depuis l'extérieur par induction électromagnétique, et peut ainsi traiter un grand nombre de données, puis transférer ses résultats à une unité externe. «Nous pourrions utiliser un téléphone portable pour réceptionner les données, mais nous ne le faisons pas pour des raisons de sécurité», précise Gürkan Yilmaz.

Des thérapies moins invasives et novatrices
Côté médical, l'intérêt pour cette technologie est marqué. Neurochirurgien responsable de la chirurgie de l'épilepsie à l'Hôpital Universitaire de Berne, Claudio Pollo souligne le potentiel que représente un tel système. «Nous pourrions observer l'épileptogénèse au niveau d'un petit nombre de cellules, et plus seulement au niveau de dizaines de milliers de cellules», commente-t-il. «Il nous serait possible de retirer de plus petites zones épileptogènes, mais aussi de développer des thérapies novatrices. Par exemple, lorsque l'extraction d'une zone n'est pas possible, en proposant une stimulation électrique des foyers pour supprimer les crises.» La chirurgie présente par ailleurs d'excellents résultats. « Le taux de guérison est de près de 80% en ce qui concerne l'épilepsie temporale. De plus en plus d'enfants sont opérés, ce qui change drastiquement leur futur.»
De leur côté, les scientifiques poursuivent leurs recherches. L'idée consiste notamment à ajuster la taille des électrodes de sorte à pouvoir mesurer l'activité d'un seul neurone à la fois.
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L'épilepsie en chiffres :
- L'épilepsie est le trouble cérébral le plus commun au monde.
- Près de 50 millions de personnes sont touchées par cette maladie
- La plupart des gens peuvent être traités avec des médicaments anticonvulsants, mais une petite partie ne répond pas au traitement et doit subir une chirurgie
- En Suisse, entre 80 et 100 chirurgies de l'épilepsie sont effectuées chaque année. 20 à 30% d'entre elles nécessitent une phase préchirurgicale invasive, afin de pouvoir localiser la zone qui sera éventuellement enlevée
- La chirurgie présente un taux de guérison de 80%, environ.*

*Chiffres fournis par l'Organisation Mondiale de la Santé et par le Dr. Claudio Pollo

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Thèse de doctorat de Gürkan Yilmaz: Wireless Power Transfer and Data Communication for Intracranial Neural Implants /Case Study: Epilepsy Monitoring, réalisée au sein du RFIC Research Group, sous la supervision de la Prof. Catherine Dehollain

En collaboration avec:

Microelectronic Systems Laboratory (MER Dr. Alexandre Schmid, LSM, EPFL)
Inselspital (Hôpital Universitaire de Bern) / Prof. H.R. Widmer

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Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL