Réinventer l'ingénierie informatique au profit des centres de données

Data Center © 2025 iStock

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Afin de relever les défis croissants auxquels sont confrontés les centres de données, une équipe internationale composée de chercheuses et chercheurs a imaginé une nouvelle façon de créer des ordinateurs dans le cadre du plus grand projet de systèmes informatiques jamais entrepris à l’EPFL.

On connaît tous ce sentiment d’avoir trop de choses à penser en même temps, mais imaginez ce que cela représente pour les serveurs de centres de données. Très souvent, la même machine doit répondre en même temps aux exigences de nombreux programmes différents, à la demande de multiples utilisatrices et utilisateurs distincts.

Non seulement il y a une file d’attente pour la mémoire disponible du serveur, mais il y a aussi des contrôles de sécurité: chaque requête doit être traitée avec soin afin que les utilisatrices et utilisateurs ne voient pas les données des autres. Le résultat? Des congestionnements. Les serveurs tournent lentement, les ressources ne sont pas utilisées efficacement.

Afin de tenter de résoudre ce problème, il y a cinq ans, Babak Falsafi, professeur titulaire à la Faculté informatique et communications, a constitué une équipe internationale aux multiples talents pour créer Midgard, une nouvelle approche de l’utilisation de la mémoire virtuelle pour les systèmes d’exploitation actuels.

«Les principes traditionnels des systèmes informatiques de gestion de la mémoire remontent aux années 1960, explique Babak Falsafi. Mais depuis longtemps, Apple redéfinit le matériel informatique et les logiciels spécialement pour ses iPhones et ses ordinateurs Mac portables et de bureau. C’est ce que les personnes chargées de la conception des serveurs de centre de données auraient dû faire il y a des années. Les principes traditionnels des systèmes informatiques ne sont pas adaptés aux exigences incroyablement élevées des services cloud d’aujourd’hui.»

Les programmes informatiques doivent savoir où effectuer leurs calculs et la mémoire virtuelle est la façon dont l’ordinateur trompe un programme en lui faisant croire qu’il a beaucoup plus d’espace pour effectuer des calculs qu’il n’en a. De plus, l’espace est partagé entre les programmes sans qu’ils le sachent. C’est le travail de la mémoire virtuelle de diriger chaque programme vers l’espace qui lui est alloué et d’effectuer des contrôles d’identité et d’accès chaque fois que l’espace est utilisé. Cela garantit que les programmes ne se gênent pas, mais cela ralentit le processus.

Afin de booster les performances des serveurs, l’équipe de Midgard s’est lancée dans une refonte de la mémoire virtuelle. Elle a compartimenté la mémoire virtuelle de sorte que les programmes puissent trouver rapidement leur espace de travail et que le matériel puisse effectuer les contrôles d’accès avec peu de retard ou d’énergie.

Midgard peut réduire les congestionnements dans la mémoire virtuelle tout en maintenant les niveaux élevés de sécurité requis par un centre de données. Il est également compatible avec les normes modernes de développement logiciel (pour les téléphones, les ordinateurs portables/de bureau et les serveurs) et transparent pour les développeuses et développeurs d’applications.

Les avantages sont non seulement des performances plus rapides, mais aussi un niveau d’efficacité beaucoup plus élevé, jouant un rôle dans la lutte primordiale visant à réduire l’empreinte carbone des centres de données.

«Dans les centres de données, la mémoire est une composante matérielle partagée et représente 50% du coût du serveur, sa capacité ayant été multipliée par mille milliards depuis la fin des années 1960», souligne Babak Falsafi.

Mais les serveurs ne sont pas toujours utilisés efficacement dans les centres de données. Des rapports indépendants indiquent que plus de la moitié de la mémoire que les fournisseurs de cloud louent à la clientèle n’est pas utilisée.

«Microsoft a récemment rapporté qu’en raison de la façon dont ils louent des serveurs à la clientèle du cloud, 20% de leur mémoire restent bloqués (non loués). Nous essayons de créer des technologies pour aider les opérateurs et leur clientèle à utiliser leur matériel plus efficacement», poursuit-il.

Alors que l’initiative Midgard, d’une durée de cinq ans, touche à sa fin, elle peut se targuer d’une multitude de publications, d’un démonstrateur interne montrant des gains d’ordre de grandeur, d’une présentation chez Intel et, bien sûr, d’une suite envisagée.

«Nous nous intéressons maintenant à l’informatique à l’échelle d’un rack», explique Babak Falsafi, «avec un ensemble de serveurs spécialement conçus qui se comportent comme un seul ordinateur dans un centre de données. Avec les nouvelles structures de réseau qui connectent un rack complet de serveurs entre eux, les services cloud peuvent utiliser tout le matériel, et pas seulement la mémoire, plus efficacement dans les centres de données. Nous voulons aller de l’avant avec ce que nous avons découvert dans Midgard et développer la meilleure stratégie possible pour améliorer l’utilisation du matériel des futurs centres de données. C’est cet objectif qui nous anime.»

Les principaux chercheurs de Midgard sont: Babak Falsafi, Mathias Payer et David Atienza, collègues du centre EcoCloud de l’EPFL, ainsi que Abhishek Bhattacharjee de Yale et Boris Grot de l’Université d’Édimbourg. Ils ont été soutenus par des membres du corps professoral et des chercheuses et chercheurs associés de l’EPFL en Suisse et dans le monde entier.


Auteurs: John Maxwell, Tanya Petersen

Source: EPFL

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