Quand le parasite de la malaria se fait discret

Hugo Frammery s'est intéressé à la phase de dormance du parasite de la malaria.© Alain Herzog, EPFL

Hugo Frammery s'est intéressé à la phase de dormance du parasite de la malaria.© Alain Herzog, EPFL

Série d'été. Projet d'étudiants (7/9) - Un étudiant en génie chimique a élaboré un modèle qui simule le métabolisme du parasite de la malaria pendant sa phase de dormance, un stade encore inaccessible pour les médicaments actuels. Cet outil devrait permettre de trouver comment éliminer complètement la maladie.


Avec plus de 200 millions de personnes infectées et presque un demi-million de décès par an, la malaria est une des maladies infectieuses les plus importantes au monde. Si elle est principalement transmise à l’homme via des piqûres de moustiques, les vrais responsables de la malaria sont des parasites du genre Plasmodium.

Heureusement, des médicaments pour soigner la maladie existent, mais ils ne sont pas actifs contre toutes les étapes du cycle de vie du parasite. Une phase de dormance subsiste, encore peu connue, contre laquelle les médicaments actuels ne peuvent rien. Pour tenter d’y remédier, Hugo Frammery a consacré son travail de master à l’étude de cette facette de la vie du parasite. Un travail supervisé par Anush Chiappino-Pepe, post-doctorante au laboratoire de biotechnologie computationnelle des systèmes (LCSB) du professeur Vassily Hatzimanikatis.

Une phase peu connue

Le cycle de vie de Plasmodium est relativement complexe. «Une fois qu’un moustique infecté a piqué un être humain, les parasites vont migrer vers le foie et pénétrer dans ses cellules, les hépatocytes», explique l’étudiant en génie chimique. La majeure partie des parasites va ensuite se multiplier et s’enfermer dans de petites boules, des vésicules qui seront libérées dans la circulation sanguine. Là, ils vont rentrer dans les globules rouges, s’y multiplier à nouveau et provoquer leur éclatement. Tous les deux à trois jours, tous les globules rouges infectés éclatent de façon synchronisée. C’est ce phénomène qui va provoquer les pics de fièvre propre à la malaria. «Chez certaines espèces de Plasmodium, 5 à 15 % des parasites restent dans les cellules du foie en état dormant. Ils ne se multiplient pas et ne passent pas dans le sang, poursuit-il. Mais au bout de quelques mois voire années, les parasites se réveillent et le cycle reprend.» C’est d’ailleurs une des particularités de la malaria : une fois contaminé, le patient n’est pas à l’abri que les symptômes réapparaissent même après avoir été soigné une première fois.

Si on veut pouvoir éliminer complètement la malaria, il est donc essentiel de pouvoir atteindre ces parasites dormants. Hugo Frammery raconte :«Mon but était de caractériser cet état du parasite pour mieux comprendre son fonctionnement et trouver ainsi un moyen de le détruire. Pour cela, j’ai utilisé des méthodes computationelles. J’ai intégré des données expérimentales obtenues en laboratoire à un modèle qui simule le métabolisme du parasite. Avec cet outil informatique, on peut reconstituer l’ensemble des réactions chimiques qui peuvent s’effectuer au sein du parasite.»

De nouvelles cibles médicamenteuses

Concrètement, il s’agit d’intégrer au modèle des hypothèses possibles du fonctionnement du parasite de la malaria dormant. À partir de ces hypothèses et en optimisant le modèle, on obtient certaines zones d’activités dans le métabolisme. Les conditions à avoir pour rendre tel ou tel chemin actif sont connues. Il est ensuite possible de comparer ces résultats avec les résultats expérimentaux pour confirmer, ou non, l’hypothèse de base. Dans le premier cas, le modèle est considéré comme réaliste et on peut utiliser ses résultats pour aller plus loin. Le modèle permet alors de simuler des expériences beaucoup plus rapidement qu’en laboratoire.

L’avantage et l’inconvénient de ce champ de la recherche, c’est la quantité de résultats obtenus. «Il faut maintenant examiner la masse de résultats et déterminer ceux qui permettent d’avoir une approche médicamenteuse», continue-t-il. L’idée est d’identifier tout ce qui est essentiel pour le parasite en stade dormant et qui peut être détruit de manière spécifique, sans causer de dégâts collatéraux. À terme, l’objectif est soit de tuer les cellules dormantes, soit les réveiller pour pouvoir les traiter avec les médicaments existants qui traitent les états non dormants de la malaria.

La portée du projet

C’est la première fois que de telles méthodes computationnelles sont appliquées pour étudier la dormance chez un microbe. Mis à part les découvertes sur les parasites de la malaria, les outils développés pour ce projet pourraient permettre, dans le futur, d’étudier d’autres microorganismes ayant également une phase dormante. C’est notamment le cas de la bactérie de la tuberculose qui infecte aujourd’hui passivement près d’un tiers de la population mondiale.

Ce travail a impliqué une contribution du consortium MalarX.ch, qui implique les Université de Genève, de Berne et de Leiden, ainsi que et le Wellcome Trust Sanger Institute.