Quand la physique illumine les études d'architecture
Spécialiste des matériaux associés à l’énergie solaire, Andreas Schüler a décroché la Polysphère d’or, distinction décernée au meilleur enseignant de l’EPFL, et celle de la Faculté ENAC 2023. L’association des étudiantes et étudiants a plébiscité son cours sur la physique du bâtiment.
Certaines passions peuvent éclore dans des lieux insolites. C’est au milieu de la forêt, transformée en classe à ciel ouvert, que l’intérêt pour la technologie d’Andreas Schüler s’est révélé. Son enseignante d’école primaire lui avait lancé le défi de démonter et de relier ensemble deux anciens téléphones. Apprendre à transformer des sons en signaux électriques a été le point de départ d’une longue découverte des phénomènes physiques que le chercheur transmet à son tour aujourd’hui à l’EPFL.
C’est pour la qualité de son cours sur la physique du bâtiment, destiné aux architectes en Bachelor et Master, que le natif de Krefeld, en Allemagne, a été doublement couronné de la Polysphère d’or ainsi que de la Polysphère ENAC 2023. Décernée par l’AGEPoly, l’Association Générale des Étudiantes et Étudiants de l’EPFL, la première distinction récompense «l’excellence» de son enseignement, toutes facultés confondues. La deuxième est associée précisément à la Faculté de l’environnement naturel, architectural et construit (ENAC) où il travaille depuis 22 ans. La communauté estudiantine a salué son «écoute et son investissement». «C’est le plus beau prix que je pouvais recevoir de l’EPFL, car il vient directement de celles et ceux à qui j’enseigne.» Il compare son émotion à l’évaluation du confort thermique d’un bâtiment : «Trouver la température idéale d’une pièce est très compliqué, car le ressenti est individuel et les préférences varient d’une personne à l’autre. Obtenir une satisfaction à 100 % est donc impossible. Mais dans le cadre de mon cours, j’ai réussi à l’atteindre et j’en suis d’autant plus heureux et reconnaissant.»
Je dois comprendre les besoins de mes étudiantes et étudiants et ma mission est de stimuler leur créativité scientifique tout en introduisant progressivement un langage plus technique.
Le confort thermique, justement, est l’un des nombreux aspects qui font partie de la physique des bâtiments. Pour le rendre concret et vivant, Andreas Schüler utilise une caméra thermique et laisse l’auditoire observer l’impact du rayonnement thermique sur les humains, mais aussi sur des vitrages de différentes compositions. Les expérimentations complètent un enseignement plus théorique qu’il souhaite partager dans des échanges dynamiques avec les étudiantes et étudiants. «Je dois comprendre leurs besoins et ma mission est de stimuler leur créativité scientifique tout en introduisant progressivement un langage plus technique. J’essaie aussi de faire passer le message que la compréhension des nombreux phénomènes physiques permet non seulement d’améliorer l’efficacité et l’énergie du bâtiment, mais aussi le confort de ses occupantes et occupants. En intégrant ces données dès le début, les futurs architectes peuvent faire de meilleurs choix dans la phase initiale de leurs projets». Nouveaux matériaux et technologies, acoustique, isolants, éclairages, ou encore bilans énergétiques sont autant d’éléments qui évoluent constamment. Ces aspects pratiques, il les a décortiqués comme chercheur pendant de nombreuses années au sein du Laboratoire d’énergie solaire et physique du bâtiment aux côtés du professeur Jean-Louis Scartezzini.
Foi dans les énergies vertes
Aujourd’hui chef du Groupe des nanotechnologies pour la conversion de l’énergie solaire, Andreas Schüler a été l’un de ceux qui ont toujours cru au potentiel des énergies vertes. Après un Bachelor à l’Université de Fribourg-en-Brisgau suivi d’un Master à l’Université du Michigan, aux Etats-Unis, il revient en Europe pour réaliser un doctorat à l’Université de Bâle. Il s’y spécialise dans les nanomatériaux utilisés dans les revêtements capables d’absorber l’énergie solaire. «En 1996, on nous considérait comme de doux rêveurs lorsque l’on affirmait que ce type d’énergie avait de l’avenir. Aujourd’hui, le solaire représente plus de 6% de notre production d’électricité.» Le scientifique s’intéresse, entre autres, aux propriétés optiques et électroniques des couches minces de ce type de matériaux. «Augmenter le rendement est une chose, mais il faut aussi réfléchir à la durabilité des éléments utilisés».
Evoluant dans une équipe multiculturelle et créative, Andreas Schüler s’est nourri de l’environnement «international et inspirant» du campus dès le début de son arrivée à l’EPFL, après un détour par Paris pour apprendre le français. Une fois la porte du laboratoire fermé, il composait et jouait de la musique du monde entre pairs, selon les différentes origines des musiciennes et musiciens amateurs du groupe. «C’est le meilleur moyen de créer des liens entre les humains», souligne-t-il, en faisant le parallèle avec l’enseignement qu’il est fier de pouvoir donner aujourd’hui dans la langue de Molière.