Projet EPFL lauréat du prix SIA de Master en Architecture

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Le 16 novembre 2023 a eu lieu à Fribourg la remise des prix SIA de Master. Parmi les huit projets lauréats, sélectionnés entre toutes les écoles d'Architecture de Suisse, se trouve celui de deux diplômés EPFL : Marie-Ange Farrell et Manuel Rossi, pour «Paris, Transit: plate-forme alimentaire du dernier kilomètre».
La Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg a accueilli en septembre 2023 l'exposition des 32 projets nominés, ainsi que les délibérations du jury, qui se sont tenues les 14 et 15 septembre. Ce dernier était composé de : Sandro Hauser, Pat Tanner, Véronique Favre, Claudio Meletta, Riccarda Guidotti, Daniel Niggli, Lilitt Bollinger, Marcia Akermann et Andreas Ruby.
Parmi les 8 projets primés, le lauréat EPFL «Paris, Transit: plate-forme alimentaire du dernier kilomètre», de Marie-Ange Farrell et Manuel Rossi et suivi par le Professeur Eric Lapierre, a relevé avec brio le pari ambitieux de traiter à la fois d'alimentation, de circuits courts, d'économie circulaire et de réhabilitation urbaine et sociale.
Le remise des prix a eu lieu le 16 novembre 2023, au Nouveau Monde, à Fribourg.
Note explicative du jury
Marie-Ange Farrell et Manuel Rossi s’attellent à la réhabilitation d’un ancien hypermarché et de son parking, sur le dernier kilomètre du périphérique parisien, porte de la Villette. Comme tant d’autres, cette architecture banale, dimensionnée pour la voiture, se situe en marge. En marge de la ville, et aux portes des routes qui mènent à la banlieue puis à la campagne.
Le projet vise à tirer profit de cette situation d’entre-deux, d’interface, pour repenser les espaces oubliés du stockage et de la vente agroalimentaire.
Cette lecture urbaine de l’interface permet de développer une économie circulaire et une pensée de la mobilité: les aliments arrivent depuis les champs en camions et sont stockés dans l’édifice au sein de grandes pièces réfrigérantes. Ils sont ensuite distribués en vélo dans un rayon de 10km (afin de décarboner la dernière partie de la livraison qui est la plus polluante). Dans ces points de vente, les livreurs récupèrent les éventuels invendus de la semaine et les ramènent à la cantine solidaire afin de garantir à tous.x.tes l’accès à une alimentation de qualité.
L’édifice en lui-même adopte plusieurs partis-pris forts, il s’agit d’une architecture climatique qui pose la question suivante: Comment conserver les apports de la modernité (plus d’air, plus de lumière, plus d’espace - à moindre coût et pour tous) à l’heure ou notre rapport à la technique fait débat ? La réutilisation ingénieuse de la chaleur dégagée par les frigidaires suggère une rationalité et une économie de moyens mises au service d’un climat spécifique. La cantine solidaire quant à elle participe à la création d’un climat social d’entraide, de mise en commun.
En plus du booklet qui décrit architecturalement le bâtiment et propose des associations d’idées, la grande planche présente de façon joyeuse et optimiste la richesse de la réflexion. Les étudiant.es nous invitent à repenser la notion de “contexte” qui n’est plus uniquement spatial, mais aussi environnemental, social, et économique. Le grain de la ville qui transparaît sous l’axonométrie suggère les mécanismes à l'œuvre : travailler pour payer un loyer. Avoir un appartement, cuisiner, manger. Par cette carte, ce sont des logements qui se dessinent en creux, avec leurs habitants. Le document tisse ainsi des liens entre la petite et la grande échelle, il nous invite à penser la spatialité et la mise en commun de nos espaces de production pour impacter les cadres de vie individuels à une échelle métropolitaine.
Paris, Transit : Plate-forme alimentaire du dernier kilomètre
par Marie-Ange Farrell et Manuel Rossi
Au nord de la Porte de la Villette, un hypermarché et un parking désaffectés, communément appelé « le Mausolée », s’insèrent transversalement sous la ceinture continue que constitue le boulevard périphérique, entre la ville-centre et le périurbain. Ce monolithe dissymétrique en béton a été construit en 1967, en même temps que le viaduc du périphérique dont il intègre la structure dans ses plateaux libres. Muré et impénétrable depuis l’expulsion de ses occupations informelles successives, le bâtiment se dresse tel un reliquat associé à l’automobile, en attente d’une démolition. Paris, Transit investit cette structure inerte en y créant une plateforme logistique du dernier kilomètre, une machine digestive capable d’absorber le flux de denrées alimentaires destinées à la vente et d’organiser leur acheminement décarboné vers l’intra- et l’extra-muros de la ville. Au fil de ce trajet, les denrées invendues sont réacheminées au sein du bâtiment afin d’alimenter une cantine solidaire. Les plateaux libres existants sont percés par une trémie dans laquelle trois stockages en gradins s’élèvent derrière une façade écran à l’échelle du périphérique. Les installations techniques, tels des éléments paysagers intérieurs, alimentent ces contenants et les boîtes programmatiques qui accueillent les activités humaines. Par le mouvement et la gravité, les denrées circulent à travers le bâtiment pour rejoindre le parcours des vélo-remorques. Cette mise en scène visible jusqu’en façade expose les coulisses de la distribution alimentaire, permettant à ce programme utilitariste de renouer avec la ville.