Prix EPFL de doctorats 2013 - Federico Felici
Real-Time Control of Tokamak Plasmas: from Control of Physics to Physics-Based Control. Thèse EPFL n° 5203. Dirs.: Olivier Sauter & Timothy Goodman
"Pour avoir démontré théoriquement et expérimentalement la possibilité de mettre les connaissances physiques au cœur du contrôle en temps réel des tokamaks et ainsi ouvrir la voie vers une meilleure optimisation des plasmas de fusion."
Résumé: L’opération stable et à haute performance d’un plasma dans un tokamak nécessite le traitement simultané de plusieurs problèmes de contrôle du plasma. De plus, les lois de physique qui gouvernent l’évolution du plasma doivent être étudiées et comprises pour faire les choix appropriés dans la synthèse des contrôleurs. Dans cette thèse, les deux sujets ont étés unifiés, en utilisant des solutions de contrôle comme outil expérimental pour des études de physique, et en utilisant les connaissances de la physique pour le développement des schémas de contrôle avancés.
Le tokamak TCV, au CRPP-EPFL, est idéalement placé pour explorer les problèmes à l’interface entre physique et contrôle des plasmas, en combinant un système de contrôle numérique moderne avec un ensemble d’actionneurs puissants et flexibles, tels que le système de chauffage à résonance cyclotronique des électrons (ECRH/ECCD). Cette plateforme expérimentale unique a été utilisée pour développer et tester des nouvelles méthodes de contrôle pour trois instabilités importantes dans le but de réaliser un réacteur à fusion basé sur le tokamak: la “dent-de-scie” (sawtooth), le “Edge Localized Mode” (ELM), et le “Neoclassical tearing mode” (NTM). Ces stratégies de contrôle offrent des nouvelles possibilités pour le contrôle des plasmas de fusion et facilitent l’étude de la physique de ces instabilités, avec plus de précision et détail, grâce à un environnement contrôlé.
La période des dents-de-scie, une instabilité MHD périodique dans le cœur du plasma, peut être variée avec la déposition localisée de ECRH/ECCD en proximité de la surface q = 1, ou q est le facteur de sécurité. En exploitant ce phénomène physique, un algorithme pour “synchroniser” les dents-de-scie a été développé qui est capable de contrôler précisément l’instant de l’apparition de la prochaine dent-de-scie. De même, il a été montré que chaque dent-de-scie peut être contrôlé individuellement. Un schéma similaire a été utilisé pour contrôler les ELMs de type-I dans un plasma en mode-H, en montrant qu’en “synchronisant” les ELMs on arrive à régulariser le temps de leur apparition. Les dents-de-scie reproductibles obtenues à travers cette méthode ont aussi été utilisées pour étudier la relation entre dents-de-scie et NTMs. Des expériences ont montré que la déstabilisation des NTMs du type 3/2 peut être prévenue en appliquant des pulses de puissance ECH sur la surface rationnelle du mode, synchronisé avec le moment de la dent-de-scie. Les études de stabilisation des NTMs avec l’application localisée de ECRH à l’aide des lanceurs, asservis en temps réel, ont démontré la stabilisation des modes du type 2/1 et 3/2 avec puissance localisé et contrôle de l’angle du lanceur. L’étude de la déstabilisation des NTMs dûe au profil de densité de courant plasma n’ont pas mené à une condition opérationnelle dans laquelle les NTMs sont systématiquement déstabilisés. L’apparition des NTMs étant plus probable dans des phases d’évolution des profils, il est probable que des effets temporaires jouent un rôle important. À part le contrôle des instabilités, le contrôle simultané des profils magnétiques et cinétiques du plasma est une autre condition fondamentale pour l’opération avancée d’un tokamak. Même si le contrôle des profils cinétiques autour d’un point d’opération est abordable avec des outils de contrôle linéaire, la physique couplée des profils magnétothermiques est fortement non-linéaire, ce qui complique le problème. De plus, vu que les quantités magnétiques à l’intérieur du tokamak sont difficiles à déterminer avec une résolution temporelle et spatiale suffisante – même après plusieurs années de développement – le contrôle des profils dans un tokamak reste un grand défi.
Dans cette thèse, la compréhension physique du transport de courant et d’énergie dans le plasma est utilisée directement au cœur de la solution de contrôle. À cette fin, un nouveau code de transport a été construit, focalisé sur la simplicité et la rapidité d’exécution, et compatible avec les contraintes du contrôle en temps réel. Ce code a été nommé RAPTOR (RApid Plasma Transport simulatOR). Comme première application, RAPTOR a été utilisé pour simuler la diffusion du profil de densité de courant dans TCV en temps réel, en résolvant l’équation différentielle partielle qui gouverne son évolution. Cette méthode est connue dans le domaine du contrôle comme un observateur d’état, et est appliqué à la reconstruction des profils tokamak pour la première fois. La simulation donne une estimation basée sur la physique du problème, qui peut être utilisé pour contrôle en rétroaction ou pour des fins de supervision. Les diagnostiques qui sont disponibles peuvent être inclues de façon naturelle afin de diminuer les incertitudes dans la modélisation. Un grand avantage des simulations en temps réel est que plusieurs quantités, y compris des quantités qui ne sont pas mesurables (courant de bootstrap, profil de tension) peuvent être calculées sur des grilles de temps et d’espace arbitrairement choisies. Dans une première expérience, l’inductance interne du plasma a été contrôlée en rétroaction indépendamment de la température centrale, à l’aide de ECCD dans la direction co- et contre-courant. Quand le plasma dans un tokamak évolue d’un état à un autre, typiquement pendant la phase d’initiation ou de terminaison du plasma, les trajectoires suivies par les profils dans le temps doivent rester dans un espace opérationnel limité par des limites physiques et techniques. La détermination de la séquence de commandes des actionneurs appropriées pour naviguer dans cette espace est traditionnellement fait à la main, selon l’expérience des opérateurs d’un tokamak. Ici, une nouvelle méthode est développée, basée sur RAPTOR, pour calculer ces trajectoires en se basant sur un modèle physique du transport, en résolvant un problème de contrôle optimal à boucle ouverte. La solution de ce problème est facilitée par le fait que les dérivées des trajectoires des profils par rapport aux paramètres de la trajectoire d’entrée sont connues – une fonctionnalité qui est unique à RAPTOR. Cette information peut aussi être utilisée pour construire un modèle linéarisé autour de la trajectoire optimale, et pour déterminer les contraintes actives sur cette trajectoire, ce qui peut être utilisé pour construire des contrôleurs en boucle fermée. Cette approche basée sur la physique a donné d’excellents résultats avec un vaste potentiel d’applications dans d’autres tokamaks ainsi que pour des expériences futures.
Texte Intégral: Real-Time Control of Tokamak Plasmas: from Control of Physics to Physics-Based Control