Prévenir et traiter les « risques psychosociaux » : où en est-on ?
Avec la mise en place du Réseau Soutien et Confiance, les instances et fonctions impliquées dans le traitement des cas de harcèlement, discrimination ou tout autre comportement inapproprié se précisent. Des formations spécifiques ont démarré et se développent, touchant de plus en plus de personnes-clés.
Une centaine de personnes, parmi lesquelles toutes les vice-présidentes et vice-présidents, doyennes et doyens de l’EPFL, ont suivi entre octobre 2022 et février 2023 un cours d’une demi-journée sur les bases légales en matière de protection de la personnalité, mobbing et harcèlement. L’organisation de cette formation a été une des premières actions entreprises par la responsable du Réseau Soutien et Confiance (Trust and Support Network – TSN) après son entrée en fonction en mai 2022. Parmi les participantes et participants se trouvaient également des directrices et directeurs de programme doctoral, de section ou d’institut et/ou leurs adjointes et adjoints, les responsables et des membres des services intégrés au TSN, tels que la Consultation sociale, le Point santé, la Santé au travail, les RH, etc.
Cette formation, comme d’autres à venir, a été conçue sur la base des travaux et recommandations issues de la Task Force Harcèlement A-Z & Promotion d’une culture du respect. Elle a été donnée conjointement par Sonia Gander, directrice adjointe du Service juridique, et Patrick Mangold, avocat et conseiller juridique spécialiste en droit du travail, au bénéfice d’une grande expérience de l’investigation en cas de conflit ou de suspicion de harcèlement.
« Le contenu du cours a été très bien accueilli, grâce à la grande expertise de la formatrice et du formateur, et aux cas concrets présentés. Au fil des sessions, les retours ont permis d’enrichir la formation, avec encore plus de temps accordé aux études de cas », relate Ines Ariceta, responsable du TSN. Selon elle, l’étendue de leurs responsabilités en matière de protection de la santé et de l’intégrité de leurs collaboratrices et collaborateurs a surpris bien des participantes et participants au workshop : « Si dans une équipe il existe un conflit et que cela parvient aux oreilles de leur responsable, cette personne ne peut l’ignorer et est légalement tenue d’entreprendre quelque chose. » Elle ajoute que les différentes instances du TSN (personne de confiance, RH, etc.) sont là pour les aider à réfléchir à un plan d’action selon la situation, car chaque cas est différent. Cette protection concerne d’ailleurs aussi les étudiantes et étudiants, souligne-t-elle.
Ne pas minimiser les allégations
Un autre point qui a été souligné durant le workshop est le fait que le harcèlement sexuel doive être considéré du point de vue de la personne qui estime le subir, indépendamment de l’intention de la personne incriminée. « La sensibilité peut être différente d’une personne à l’autre », rappelle Ines Ariceta. Cela doit inciter les responsables hiérarchiques et l’ensemble de la communauté – collègues, camarades, etc. – à être bien à l’écoute, et à ne pas minimiser ou relativiser les allégations reçues.
« Les responsables hiérarchiques et le corps professoral doivent veiller aux dynamiques au sein de leurs équipes; elles et ils ont un rôle important pour agir sur le climat de travail. L’idée n’est pas que ces personnes pensent devoir être des expertes, mais qu’elles connaissent le soutien qui existe et qu’il est toujours préférable de demander de l’aide. »
e-learning essentiel
C’est aussi le message de la formation en ligne « Vous n’êtes pas seul·e. Promouvoir le respect » qui a été développée pour toute la communauté EPFL, relève Ines Ariceta. « C’est un outil de prévention et de sensibilisation qui donne de bonnes indications sur comment réagir, à chaud ou à froid, en tant que témoin ou en tant que responsable hiérarchique. »
Les retours sont très bons : « Certaines équipes et labos ont suivi le e-learning en groupe, et cela a entraîné des discussions productives. » Néanmoins, il faut être conscient que la discussion peut être difficile pour des personnes qui ont subi un harcèlement, et qu’il faut pouvoir offrir, le cas échéant, le soutien nécessaire. La promotion de cette formation en ligne, qui fait partie des EPFL Essentials, est un des objectifs de la responsable du TSN, mais reste un défi. Car parmi les membres de la communauté EPFL, encore trop peu l’ont suivie, « alors qu’elle vise tout le monde ! »
Autres formations à venir
Ensemble avec un groupe de travail qu’elle a réuni autour d’elle, Ines Ariceta poursuit l’élaboration de formations spécifiques, avec pour objectif de toucher plus de monde encore, et sur davantage de sujets. Une formation sur l’accueil et la prise en charge à l’intention des professionnelles et professionnels appelés à recevoir des demandes et témoignages va être mise en place cet été.
Sont aussi prévus des modules de formations plus courts sur des thématiques spécifiques, telles que le burn-out, le harcèlement sexuel, le consentement, les spécificités des discriminations à l’encontre de la communauté LGBTIQ+, etc. L’information sur le soutien et les processus de signalement et de gestion des plaintes, qui restent encore trop peu connus, fait également partie des priorités de la responsable du TSN.
Un réseau étendu et diversifié
Un autre travail réalisé au cours des derniers mois au sein du TSN a été de recenser et de préciser les rôles et responsabilités de chaque instance concernée par les risques psychosociaux, entendus comme des atteintes physiques ou mentales pouvant émerger dans un contexte de travail ou d’étude – une définition qui englobe mais aussi dépasse les questions de harcèlement et de discrimination.
« Le TSN vise à aligner toutes ces instances et de les mettre en avant. Le soutien existe à l’EPFL, mais il n’est pas bien connu. Nous voulons mieux comprendre et définir les prestations de chaque entité pour les communiquer, aligner les processus, et grâce aux formations avoir une base commune de connaissances qui, je l’espère, renforcera la confiance de la communauté », explique la responsable.
Faire bouger les choses
Sur son propre rôle, qui n’existait pas encore il y a un an, Ines Ariceta fait part de sa satisfaction, quand des personnes la contactent et qu’elle arrive à les orienter et les conseiller. Elle a ainsi déjà pu soutenir une trentaine de personnes, et jouer un rôle de coordination dans les réponses apportées. Ines Ariceta apprécie aussi d’être impliquée dans la Task Force sur la santé mentale, ce qui permet d’aligner les initiatives. Elle se réjouit de l’arrivée en mai prochain du futur Respect Compliance Officer (RCO), qui sera chargé du traitement des plaintes formelles, complétant ainsi le dispositif de prévention et gestion des risques psychosociaux.
« En théorie tout le monde veut lutter contre les discriminations et se dit sensible aux risques psychosociaux, mais en pratique on n’est pas toujours conscient de ce que cela veut dire en termes de changements de comportement et de leadership », analyse la responsable du TSN. Elle ajoute : « Tout le monde a un rôle à jouer pour faire évoluer la culture institutionnelle. Il faut être patient tout en arrivant à faire bouger les choses. Si tout le monde à l’EPFL suivait déjà le e-learning, cela aiderait beaucoup, et cela ne prend que 50 minutes !»