Premières tendances, après la clôture de l'enquête sur le confinement

216 personnes ont participé à l’application mobile Civique. © iStock

216 personnes ont participé à l’application mobile Civique. © iStock

Mis en ligne le 8 avril et retiré le 10 mai, un questionnaire visant à mieux comprendre le vécu des habitant·e·s de Suisse durant le semi-confinement a récolté près de 7000 réponses. Un succès inattendu. En voici le bilan intermédiaire. 

À la suite du semi-confinement imposé par le Conseil fédéral en mars 2020, l’EPFL, l’Institut de recherche Idiap et l’Université de Lausanne ont lancé un projet de recherche citoyenne et pluridisciplinaire pour mieux comprendre le vécu des habitant·e·s de Suisse durant cette période hors du commun.

Un questionnaire mis en ligne le 8 avril et traduit en français, allemand, italien et anglais, constituait le premier volet du projet. Il s’attachait en particulier à comprendre l’état psychologique et les conditions de vie et de travail des citoyen·ne·s face à la nouvelle situation. À l’EPFL, les laboratoires de l’ENAC de sociologie urbaine (LASUR) et de relations humaines-environnementales dans les systèmes urbains (HERUS), dirigés respectivement par Vincent Kaufmann et Claudia Binder, sont engagés dans l’analyse des résultats.

Grande participation

Retiré le 10 mai, le questionnaire a récolté 6919 réponses, un succès inattendu pour l’équipe de chercheurs, qui pourra en retirer beaucoup d’enseignements. Des entretiens semi-directs sont en cours et 216 personnes ont également participé à l’application mobile Civique, une option offerte à la fin du questionnaire. L’application a permis aux citoyen·e·s de prendre part de manière plus active, et à plusieurs semaines d’intervalles, au projet de recherche. Ils ont partagé par exemple leur vécu personnel et des photos de leur lieu de vie, métamorphosé petit à petit par le télétravail et l’école à la maison. Ces informations seront précieuses pour comprendre l’évolution des comportements.

«En parallèle, cinq groupes de discussion, que nous appelons les «Citizen Science Think Tanks», avec une partie des participants à l’application sont en cours autour de thèmes tels que la mobilité du futur, l’habitat après la crise et l’économie locale», explique Livia Fritz, post doctorante au Laboratoire de relations humaines-environnementales dans les systèmes urbains. «C’est l’occasion pour eux de réfléchir à des questions importantes: Comment voulons-nous vivre dans l'après-Corona? Qu'avons-nous appris qui pourrait nous conduire à un avenir plus durable?»

Profil étonnant

80% des répondant·e·s sont de langue maternelle française, probablement donc majoritairement issu·e·s de Suisse romande. 64% d’entre eux sont des femmes. «Nous avons été surpris par le profil des répondants», indique Garance Clément, post-doctorante au Laboratoire de sociologie urbaine de l’EPFL. «Non pas qu’ils soient en majorité constitués de femmes, mais que leurs domaines d’activité soient en majorité ceux de la santé et de l’action sociale. Cela signifie que les personnes qui aidaient déjà le plus les autres durant cette période de semi-confinement ont également voulu nous aider à comprendre la situation et livrer leurs solutions.» Les résultats de l’enquête visent en effet à trouver des stratégies d’ajustement en cas de futur semi-confinement.

Isolement mal vécu

Autre premier point émergeant à ce stade: le manque d’interaction et de contacts physiques avec les proches a été l’un des effets le plus mal vécu par les répondant·e·s. Ces derniers ont pourtant indiqué avoir augmenté leur usage des réseaux sociaux. «À la question qui leur demandait quelles activités ils se réjouissaient de reprendre à la fin de cette période, les participant·e·s ont répondu dans l’ordre: revoir leur famille, revoir leurs amis et voyager», précise Laurie Daffe, post-doctorante au LASUR. «On peut s’interroger sur la première réponse, car nombreuses sont les personnes qui ne voient pas leurs proches durant un ou deux mois. L’effet de contrainte pèse peut-être dans ce manque. Nous voyons aussi ici que les réseaux sociaux ne remplacent en rien les réelles interactions sociales.»

Il faudra encore quelques mois à la dizaine de chercheurs, en majorité féminine, réunie autour du projet pour analyser en profondeur toutes les informations récoltées. Face à l’urgence, les scientifiques ont dû apprendre à rapidement travailler ensemble, tout en étant à distance et sans se connaître au préalable, et venant d’horizons différents. Une expérience en soi, donc, et une collaboration unique reconnue, à mi-parcours, comme riche et stimulante.