Pourquoi nous ne sommes pas égaux face aux infections intestinales

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Des scientifiques de l’EPFL ont publié deux articles qui montrent comment la génétique influence l’aptitude de différents individus à combattre les infections intestinales.

La capacité du système immunitaire à lutter contre les bactéries, les virus et d’autres agents pathogènes dans l’intestin diffère d’une personne à l’autre. Le mécanisme biologique qui est à l’origine de ces différences n’est pas bien compris. Toutefois, des facteurs génétiques pourraient en expliquer une partie au moins.

Des scientifiques de l’Institut de bioingénierie de l’EPFL ont publié dans Genome Biology deux articles qui font état d’une avancée considérable dans la recherche sur les mécanismes par lesquels la génétique influence la capacité d’un organisme à organiser une réaction immunitaire face à un agent pathogène dans l’intestin. Ces travaux ont été menés par Michael Frochaux et Maroun Bou Sleiman, deux chercheurs du groupe de Bart Deplancke à l’EPFL.

Pour des raisons éthiques évidentes, il est délicat d’étudier ce phénomène sur des humains. Les scientifiques se sont donc tournés vers la drosophile Drosophila melanogaster, étant donné qu’elle partage avec l’être humain de nombreuses voies biologiques impliquées dans la lutte contre les infections intestinales.

Les chercheurs ont étudié une large palette de lignées de drosophiles distinctes sur le plan génétique, qui diffèrent considérablement par leur aptitude à résister à une infection intestinale causée par l’agent pathogène dangereux Pseudomonas entomophila. Pour mieux comprendre l’origine moléculaire de cette variation, ils ont isolé des intestins infectés de chaque lignée de drosophiles, et ils les ont étudiés en utilisant une vaste gamme d’approches omiques.

Dans leur premier article, les chercheurs montrent que l’infection intestinale modifie l’épissage de l’ARN, ce qui influence la production d’ARN messager (ARNm), une molécule cruciale pour le passage du gène à la protéine. Plus précisément, l’infection semble allonger une extrémité de plusieurs ARNm.

«C’est comme si l’organisme voulait ajouter dans ces ARNm plus d’informations qui pourraient ensuite être exploitées pour affiner davantage la réponse immunitaire globale de l’intestin», explique Bart Deplancke. La modification de la longueur de l’ARNm semble se faire par l’intermédiaire d’une protéine appelée Lark, qui lie l’ARN pour former un complexe impliqué dans l’expression génique. Sans cette aptitude de complexation, les drosophiles étaient moins à même de se remettre d’une infection intestinale grave, ce qui démontre clairement l’importance de ce processus pour l’immunité intestinale.

Le deuxième article rend compte de la découverte d’un certain nombre de variantes génétiques qui altèrent les niveaux d’expression génique dans l’intestin à la suite d’une infection. Une variante en particulier a pu être mise en lien direct avec la variation de résistance aux infections, car elle modifie le niveau d’expression d’un gène appelé «nutcracker». Les lignées de drosophiles plus résistantes ont présenté une expression de ce gène supérieure à celle des lignées moins résistantes.

«Cette étude illustre de manière intéressante comment la variation de la partie non codante du génome peut avoir une influence déterminante sur des caractéristiques complexes telles que la taille et la prédisposition aux maladies, souligne Bart Deplancke. Dans le cas présent, cela inclut l’immunocompétence intestinale. Nous devons donc prendre en compte le génome dans son ensemble, et pas juste ses gènes.»

Autres contributeurs

  • Computational Biology and Data Mining Group, Institute of Molecular Biology
  • Université libanaise
  • Barcelona Institute of Science and Technology
  • Institut suisse de bioinformatique
Financement

EPFL

AgingX (SystemsX.ch)

Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS)

Références

Maroun S. Bou Sleiman, Michael Frochaux, Tommaso Andreani, Dani Osman, Roderic Guigo, Bart Deplancke. Enteric infection induces Lark-mediated intron retention at the 5’ end of Drosophila genes. Genome Biology DOI: 10.1186/s13059-019-1918-6

Michael V. Frochaux, Maroun Bou Sleiman, Vincent R. J. Gardeux, Riccardo Dainese, Brian Hollis, Maria Litovchenko, Virginie S. Braman, Tommaso Andreani, Dani Osman, Bart Deplancke. cis-regulatory variation modulates susceptibility to enteric infection in the Drosophila Genetic Reference Panel. Genome Biology DOI: 10.1186/s13059-019-1912-z