“Pourquoi jetons-nous l'électronique à la moindre panne?”

© 2022 EPFL / Hillary Sanctuary

© 2022 EPFL / Hillary Sanctuary

Avec l’augmentation des déchets électroniques, Ken Pillonel, récent diplômé de l’EPFL en robotique, s’est tourné vers YouTube pour plaider la cause de la réparabilité.


Avez-vous déjà essayé de réparer de l’électronique et fait face à une tâche impossible, une fois le dispositif démonté? Vous êtes-vous confronté à une carte enrobée de colle ou de résine époxy, à tel point qu’on ne peut pas même tenter de remplacer les composants?

Ken Pillonel, diplômé de la Faculté des sciences et techniques de l'ingénieur avec un bachelor en microtechnique (2019) et un master en robotique (2022), veut en finir avec le modèle de consommation dit “fast-electronic” et ses déchets toujours plus nombreux. Sur YouTube, il fait acte de militant en modifiant des produits Apple, et en expliquant les choix de fabrication des mégaentreprises, qui limitent la durée de vie des produits. Publiée sur le compte Exploring the Simulation, sa dernière vidéo sur les écouteurs AirPods affiche presque deux millions de vues.

“Quand un pneu est crevé vous ne jetez pas la voiture, vous remplacez le pneu, explique Ken Pillonel. Alors pourquoi jetons-nous l’électronique quand elle cesse de fonctionner? A travers mes vidéos axées sur l’ingénierie, j’essaie de montrer qu’il est simple de régler ce problème, pour autant que l’on fasse les bons choix de conception.”

Adolescent, Ken réparait ses consoles électroniques favorites. Repéré pour son savoir-faire, il allait bientôt s’occuper des iPhones de la famille et des amis. “Mais je voulais comprendre comment cela fonctionne, c’est pourquoi j’ai choisi d’étudier la microtechnique. C’est un bon mélange d’électronique, de mécanique et d’informatique.”

Le sens des affaires n’a jamais manqué au jeune diplômé, qui a commencé de se faire de l’argent de poche en offrant son savoir en piratage de jeux vidéo, pas directement à ses amis, mais aux parents de ses amis qui cherchaient à limiter les dépenses! Avant de finir le gymnase, il avait monté un site web pour vendre ses services de réparation d’iPhone. Maintenant, il travaille en indépendant, comme consultant en prototypage de hardware, tout en tirant des revenus de ses vidéos.

Pendant ses études, sa passion pour l’électronique de consommation l’a conduit dans les plus grands marchés du monde, en Chine. Après avoir vu à quelle rapidité de nouvelles idées peuvent être concrétisées en produits, il est revenu en Suisse plein de détermination. “J’ai réalisé qu’en Chine, vous pouvez construire ce que vous voulez, pour autant que vous ayez les bons outils. A mon retour, je me suis dévoué à la création de mon propre atelier pour transformer mes idées en réalité concrète.”

En cours de route, Ken Pillonel est tombé sur un documentaire à propos des déchets électroniques. Un véritable tournant. “J’étais choqué par ces images de claviers qui flottaient le long de cours d’eau dans l’Afrique rurale.” Ce documentaire allait lui ouvrir les yeux sur l’entièreté de la chaîne de production, de l’extraction des terres rares pour les composants, aux choix de fabrication qui favorisent le consumérisme à court terme et encouragent une mentalité encline au remplacement, plus qu’à la réparation. En tant que consommateur d’électronique, cela marquait le début d’une prise de conscience de son propre impact sur la planète.

Dans sa dernière vidéo, “Airpod’s Dirty Secret”, Ken Pillonel avance que la station de recharge des écouteurs sans fil de Apple est mal conçue. Elle contient une batterie, laquelle ne peut être remplacée sans détruire le boîtier. Ken Pillonel fournit des plans d’impression 3D et des instructions pour réparer son propre chargeur.

“Les dispositifs devraient être conçus pour être réparables. C’était le cas auparavant, vous pouviez trouver des manuels d’utilisateurs et des adresses où commander des pièces de remplacement. Les entreprises devraient faire ces choix de conception dès l’origine.”

Dans une autre de ses vidéos, avec un million de vues au compteur, Ken Pillonel fabrique le premier iPhone muni d’un port USB-C. Il critique Apple et son refus d’adopter ce connecteur sur son produit omniprésent. “J’étais agacé par le manque de cohérence sur les standards de recharge, explique Ken Pillonel. Quand ont été publiés les résultats des études mandatées par l’UE, j’ai appris qu’un port de charge universel pourrait réduire considérablement la quantité annuelle de déchets électroniques. Je me suis donc employé à construire le premier iPhone USB-C, pour montrer que si un étudiant peut le faire, c’est aussi à la portée d’une mégaentreprise.” En ce moment, il peaufine son projet de Master sur une autre modification de l’iPhone qui “devrait prolonger sa durée de vie”.

Selon Ken Pillonel, les consommateurs ne sont pas forcément au courant des contraintes avant l’achat d’un produit. C’est une autre raison d’être de ses vidéos. Il prend garde à quelle électronique il achète, et encourage les consommateurs à bien effectuer leurs recherches avant toute acquisition.