Petites interactions moléculaires, grands effets sur l'organisme

© Alex Banakas
Les réactions moléculaires se produisant à l’interface entre l’eau et d’autres substances peuvent avoir une influence sur le fonctionnement de nos organismes. Grâce à des techniques d’optique très novatrices, des chercheurs de l’EPFL ont pu les observer.
Le chlorure de sodium ou NaCl, également appelé sel de table, fait partie de notre alimentation quotidienne. Le chlorure de potassium, ou KCl, peut aussi être consommé, bien qu’il ait un goût plus amer. En revanche, le thiocyanate de potassium, ou KSCN, pourtant chimiquement très proche des deux premières variétés, est mortel même s’il est ingéré à très petites doses. C’est là un exemple illustrant la différence d’effets que peuvent avoir, à l’échelle macroscopique, des mécanismes agissant à l’échelle nanométrique. Les travaux de Sylvie Roke et de son équipe du Laboratoire de biophotonique fondamentale de l’EPFL offrent une nouvelle compréhension de ces phénomènes et de leurs influences sur le fonctionnement du corps humain. Ils ont fait l’objet d’un article récemment paru dans The Journal of the American Chemical Society (JACS).
Spécialisés dans la compréhension des systèmes biologiques complexes à l’échelle nanométrique, les chercheurs ont révelé les interactions physico-chimiques entre les ions – atomes ou molécules ayant perdu ou gagné un électron - et les surfaces avec lesquelles ils entrent en contact. Or, ces interactions influencent de nombreux processus, tels que la formation de la membrane cellulaire, le rôle des protéines et des peptides ou encore l’activité des enzymes.
Electron gagné, électron perdu
Grâce à des techniques d’optiques novatrices, les chercheurs ont pu étudier avec précision le comportement d’ions amphiphiles, c’est-à-dire composés à la fois d’une partie hydrophile et d’une autre hydrophobe. On sait déjà qu’en conservant leur «tête» dans l’eau et leur «queue» dans l’huile, ces molécules assurent la stabilité de l’interface entre ces deux liquides.
Mais Sylvie Roke a fait un pas de plus. Elle a découvert que ces unités amphiphiles adoptent des structures très différentes selon qu’elles sont des anions ou des cations - c’est-à-dire selon qu’elles aient gagné ou perdu un ou plusieurs électrons, et soient donc chargées soit négativement dans le premier cas, soit positivement dans le second. Les anions vont aligner les molécules d’eau et ne se mélangeront pas à l’huile, tandis que les cations vont au contraire casser cet alignement et se mélanger à l’huile. Ceci donne deux mécanismes de stabilisation de l’interface eau/huile de nature très différente. Leurs effets potentiels à plus grande échelle peuvent donc l’être également.
Pour observer les interactions moléculaires à l'interface eau/huile, les chercheurs utilisent des lasers et des techniques optiques complexes.