Permettre aux malentendants de situer le locuteur

© 2014 EPFL/Alain Herzog

© 2014 EPFL/Alain Herzog

De nouveaux systèmes de micros sans fil développés à l'EPFL devraient permettre aux malentendants d'identifier les yeux fermés l'endroit où se trouve la personne qui parle. Cette innovation sera utilisée dans les salles de classe et de conférence, pour une meilleure qualité d'écoute.

Dans le brouhaha d'une salle de classe ou d'un auditoire, difficile pour une personne malentendante de comprendre clairement ce que dit un enseignant, même avec des aides auditives. En cause, la difficulté à identifier précisément la provenance des sons, principalement. Partant de cette considération, une équipe de chercheurs de l'EPFL a planché sur un nouveau système de micro sans fils et aides auditives. Il permet à celui qui le porte de localiser l'endroit où se situe l'orateur dans une salle. De quoi permettre une meilleure écoute. Deux prototypes ont vu le jour dans le cadre d'un projet CTI-commission pour la technologie et l'innovation-, en partenariat avec l'entreprise fribourgeoise Phonak Communications SA.

Un système plus intelligent
Chez une personne ne souffrant pas de trouble de l'audition, la détection spatiale du son se fait automatiquement, le son n'arrivant pas aux deux oreilles en même temps. Or ces nuances subtiles ne sont pas retranscrites dans les systèmes de microphones et d'aides auditives conventionnels. Résultat : il est impossible pour les personnes malentendantes de localiser précisément la provenance d'un son, ce qui péjore la qualité de l'écoute.

A l'EPFL, les chercheurs ont trouvé le moyen de régler le son transmis dans chaque appareil auditif, afin de recréer artificiellement la sensation naturelle de l'écoute, dans le contexte d'une salle de classe.

Calculer le décalage du son entre les prothèses
Leur prototype se compose d'appareils auditifs et de microphones sans fil. Plus précisément, il s'agit de deux aides auditives classiques, disposant chacune d'un microphone individuel, d'un récepteur radio, ainsi que d'un système de calcul spécifiquement développé pour la localisation et le rendu spatial. Connectées l'une à l'autre, les aides auditives sont placées derrière les oreilles de la personne malentendante. L'orateur dispose quant à lui d'un micro-cravate, relié à un petit boîtier de la taille d'un porte-monnaie. Sa voix est transmise dans les prothèses, via des ondes radio.

« Les micros intégrés dans les prothèses captent les instants d'arrivée du son, qui sont différents pour chaque oreille», explique Hervé Lissek, responsable du groupe d'acoustique du Laboratoire d'électromagnétisme et acoustique (LEMA) de l'EPFL. « Nous analysons à la fois le son reçu hors micro, qui est décalé dans le temps, et à la fois le son transmis via les ondes radios, qui arrive de manière homogène dans les deux oreilles. Mises ensembles, ces informations nous permettent de déduire, via un algorithme, la position de l'interlocuteur dans la salle, et de modifier le son en conséquence», ajoute-t-il. «La localisation du son dans l'espace est quant à elle simulée en jouant avec la phase et l'intensité du son transmis dans chaque oreille», précise Gilles Courtois, doctorant au sein du LEMA.

Un plus en termes de confort et d'intelligibilité
La technologie des chercheurs de l'EPFL s'inscrit dans la gamme des produits Roger, commercialisés par Phonak et conçus pour être utilisés dans des écoles traditionnelles, dans les écoles spécialisées pour les enfants malentendants, mais aussi pour les adultes souffrant de troubles de l'audition. Dans la version classique, la voix de l'enseignant est captée par un microphone, puis transmise de manière uniforme aux deux oreilles, détruisant toute notion de spatialité. La nouvelle solution amène donc une réelle plus-value, tant en terme de confort que de compréhension de la parole.

Pour Philippe Estoppey, audioprothésiste spécialisé en pédiatrie installant annuellement 30 à 40 systèmes auiditifs dans des salles de classe de Suisse-romande, cette innovation est très intéressante. «D'autant plus s'il y a plusieurs intervenants dans une classe à parler en même temps. Lorsque l'on souhaite bien entendre un orateur, la première chose que nous faisons est de le localiser, car les mimiques et le mouvement labial nous aident à la compréhension», résume-t-il.

Reste à présent à développer une version finale du nouveau dispositif. « A terme, le système sera fusionné. Nous utiliserons directement les micros des aides auditives, et le calcul se fera dans les processeurs des prothèses », décrit Yves Oesch, chef de projet chez Phonak Communication SA. « Nous sommes très satisfaits des résultats obtenus. Nous espérons continuer de collaborer avec l'EPFL, avec comme objectif de commercialiser ce nouveau produit dans le futur», ajoute-t-il.


Auteur: Laure-Anne Pessina

Source: EPFL