Partitionner la ville pour lutter contre les embouteillages

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Dans sa thèse, Mohammedreza Saeedmanesh, propose un modèle pour reproduire la propagation de la congestion urbaine et l’utiliser à des fins de gestion du trafic.

Pour contrôler de façon optimale le trafic d’une ville, il faudrait pouvoir moduler en temps réel les feux de chaque carrefour, ce qui constitue un sacré défi computationnel! «L’efficacité repose sur la sélectivité, en se concentrant sur des points de contrôle définis», résume Mohammedreza Saeedmanesh, du Laboratoire de systèmes des transports urbains (LUTS). Il vient de finir sa thèse sur le sujet dans laquelle il a optimisé un modèle d’analyse des réseaux urbains afin de le rendre dynamique et d’offrir une gestion plus performante du trafic.

La congestion routière touche presque toutes les grandes villes, avec différentes topologies, distributions de population ou occupations du territoire. Elle prend différentes formes et se propage à travers le réseau dans des directions qui varient au quotidien. Un des moyens pour améliorer les conditions de circulation est le développement de modèles microscopiques capables de répliquer ces phénomènes à l’échelle des réseaux routiers. 

Toutefois, ces modèles microscopiques doivent tenir compte du comportement, parfois imprévisible, des automobilistes et, dans l’idéal, permettre une régulation en temps réel. L'approche de modélisation alternative consiste à partitionner un réseau urbain hétérogène en zones plus homogènes, entre lesquelles les flux peuvent être régulés. En d’autres termes, de partitionner la ville en sous-régions homogènes en fonction du niveau de congestion.

Un modèle dynamique

Pour connaître l’état du trafic, les villes disposent différents types de sources de données: détecteurs électromagnétiques de flux, véhicules sentinelles, caméras, GPS… Une fois les sous-régions homogènes définies, l'outil macroscopique de modélisation de la congestion est le concept de diagramme fondamental de zone (MFD ou Macroscopic Fundamental Diagram, en anglais). Développé notamment par le directeur du LUTS Nicolas Geroliminis, il met en relation la fluidité totale des véhicules, c'est-à-dire le nombre de véhicules-km parcourus par heure, avec la densité, soit le nombre de véhicules. La courbe forme grossièrement un polynôme au sommet duquel la fluidité est maximale puis décline.

Lorsqu’une sous-région est embouteillée, l’idée est donc de réguler la circulation aux frontières de cette zone, typiquement en favorisant la sortie des véhicules (feux au vert) et en en limitant l’entrée (feux au rouge). L’intérêt du travail de Mohammedreza Saeedmanesh est d’abord de proposer une nouvelle méthode statique pour partitionner un réseau en sous-régions homogènes et compactes, basées sur une métrique originale quantifiant la similarité spatiale. La méthode proposée n'est sensible ni à la structure du réseau ni à la calibration des différents paramètres.

Le doctorant a ensuite affiné ce modèle de sorte à le rendre dynamique, permettant de reconfigurer les sous-réseaux obtenus (par fusion ou division) en fonction de l’évolution du trafic. Il a enfin adapté le modèle MFD pour le rendre opérationnel dans la réalité et avec une vitesse de calcul raisonnable et uniquement sur la base de données en temps réel provenant des détecteurs électromagnétiques.

Plus proche de la réalité

Ensuite, cette modélisation microscopique basée sur le MFD permet soit de réguler le trafic en utilisant des approches basées sur les données, soit d'utiliser un modèle prédictif et donc d'anticiper l'évolution de la congestion dans l'espace et le temps. «Avec le cadre de modélisation et de contrôle proposé, nous nous approchons encore un peu plus de la réalité», conclut le chercheur. Le modèle a été testé avec succès sur un simulateur de trafic (AIMSUN). Les scientifiques du LUTS le mettent à l’épreuve maintenant sur le terrain.

Dynamic clustering and propagation of congestion in heterogeneously congested urban traffic networks, Saeedmanesh, Mohammadreza, Geroliminis, Nikolaos.