Nouvel ouvrage sur les origines du système des brevets suisse

© Nicolas Chachereau

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Les débuts du système suisse des brevets d’invention (1873-1914) par Nicolas Chachereau, chercheur au Laboratoire d’histoire de la science et de la technologie (LHST) du Collège des Humanités (CDH), examine comment le système de brevets suisse a commencé et ce que cela signifiait pour l'industrie et l'innovation suisses.

Contrairement à la plupart des autres nations industrialisées, la Suisse s'est industrialisée sans système de brevets. Ce n'est qu'en 1887 que les brevets ont été introduits par un vote populaire modifiant la Constitution, et en 1888 que la loi est entrée en vigueur. Cette situation unique a fait de la Suisse un exemple souvent évoqué dans les livres d'économie, mais jusqu'à présent, peu de recherches s’étaient penchées sur l'histoire du système lui-même. C’est sur celle-ci que Nicolas Chachereau lève le voile dans son livre Les débuts du système suisse des brevets d'invention (1873-1914), disponible maintenant en version imprimée, électronique ou en téléchargement gratuit au format PDF.

« La capacité de la Suisse à s'industrialiser sans avoir son propre système de brevets nuance l'argument selon lequel il faut des brevets pour avoir de l'innovation et il faut de l'innovation pour avoir de l'industrie », explique Nicolas Chachereau. « Dans le livre, je voulais examiner les raisons pour lesquelles les Suisses ont finalement introduit un système de brevets, et une fois qu'ils l'ont fait, qui en a bénéficié. »

Deux explications sont généralement avancées pour expliquer pourquoi la Suisse a introduit un système de brevets. Certains, sceptiques quant aux effets des brevets sur l'innovation, soutiennent que le pays a cédé à des pressions étrangères. Pour d’autres, la Suisse a créé un système de brevets par intérêt bien compris. Ce que montrent les recherches de Nicolas Chachereau, c'est que ni l'une ni l'autre de ces explications n'est tout à fait exacte.

Les pressions étrangères restaient faibles dans les années 1880. En fait, la demande qu’un système de brevets soit créé venait principalement de l’intérieur, en particulier d’industries suisses comme la construction mécanique ou certains produits textiles. Ce sont ces partisans des brevets en Suisse qui ont joué le rôle central, en mobilisant des alliés étrangers. D’autre part, même si les partisans d'un système de brevets suisse croyaient que les brevets leur seraient profitables, Nicolas Chachereau montre que ce n'était pas nécessairement le cas.

© Nicolas Chachereau

La deuxième moitié du livre examine en effet quelles industries ont réellement bénéficié de l'introduction de brevets en Suisse. Selon l’auteur, si certains secteurs industriels, notamment la construction mécanique et électrotechnique, ont bénéficié des brevets qui les ont aidés à participer à des cartels internationaux, d'autres industries n'ont été que peu concernées par l’apparition des brevets. Les industriels de l’horlogerie, par exemple, au départ fervents partisans des brevets, n'ont finalement pas été beaucoup aidés par la nouvelle loi.

« Il y a aussi beaucoup de particuliers qui demandent des brevets pour toutes sortes de biens de consommation, tels que des parapluies, des pipes, tout ce que vous trouveriez dans un bazar des années 1870 », explique Nicolas Chachereau. « Mais la plupart du temps, ces personnes ne prenaient le brevet que pour un an et ne le renouvelaient pas. »

Pour l’historien, cela montre que pour ces artisans, ces brevets n'étaient ni lucratifs ni nécessaires à l'innovation. Alors que les brevets avaient été présentés comme importants pour les petits entrepreneurs, en fin de compte ceux-ci ne les utilisaient pas réellement.

« Les brevets ne sont peut-être pas l'un des sujets les plus en vogue, mais de temps en temps, nos sociétés débattent pour savoir si nous en avons besoin ou non », explique le chercheur du LHST. Il donne comme exemple récent les vaccins contre le Covid, protégés par des brevets empêchant certains pays à faible revenu de les acquérir et de les produire eux-mêmes.

« Un regard historique sur les brevets complexifie le récit que nous pouvons avoir selon lequel les brevets sont bénéfiques ou nuisibles », ajoute Nicolas Chachereau. « Il nous aide à voir que la question ne se résume pas simplement à savoir si les brevets stimulent l'innovation, mais aussi qui en retire quoi, et comment ils sont gérés. »

Traduit de l'anglais


Auteur: Stephanie Parker

Source: Collège des humanités | CDH

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