« Nous souhaitons comprendre comment réparer la moelle épinière »
Après 8 ans de recherche pour améliorer la qualité de vie de personnes paralysées suite à des lésions de la moelle épinière, Jordan Squair, chercheur à l'EPFL, reçoit aujourd’hui le BioInnovation Institute & Science Prize for Innovation. Ce dernier récompense les scientifiques travaillant à l'intersection des sciences de la vie et de l'entrepreneuriat.
Jeune étudiant, Jordan Squair est passionné par l'idée de développer de nouveaux traitements pour améliorer la vie des patients et patientes, et commence des études de médecine. Un master et un doctorat plus tard, convaincu de vouloir dédier ses forces aux personnes paralysées suite à des lésions de la moelle épinière, il verra l'impact direct de son travail : il intègre comme post-doctorant le laboratoire de Grégoire Courtine, à l'EPFL, dont les recherches visent à redonner une mobilité à ces personnes, participe au développement d'implants et assistera aux opérations des premiers malades bénéficiant de ces systèmes de stimulation neuronale, par la neurochirurgienne suisse Jocelyne Bloch. « Voir que les implants fonctionnent et que la qualité de vie du patient se transforme dès les jours qui suivent est une expérience incroyable », confirme le chercheur.
Son expertise dans le contrôle de la pression artérielle, développée durant son master et son doctorat, amène le Canadien à quitter Vancouver pour rejoindre le laboratoire UPCOURTINE en 2018. En effet, si les recherches consacrées aux lésions de la moelle épinière visent surtout à redonner de la mobilité et à restaurer les fonctions des membres paralysés des personnes touchées, d'autres symptômes les affectent également, avec des conséquences importantes sur leur santé. Un mauvais fonctionnement de leur pression sanguine, ou « hypotension orthostatique », provoquant des vertiges ou des pertes d'équilibre au moindre mouvement, et obligeant parfois les patients et les patientes à rester alités, est l'un d'eux.
Le jeune chercheur poursuit ses recherches sur ce sujet à l'EPFL, en s'intéressant plus précisément à la façon dont la stimulation électrique épidurale, une stimulation des neurones grâce à un implant, permet de moduler la pression artérielle et d'améliorer ces symptômes. Les résultats, robustes, pourront être testés sur des primates, puis sur une malade que l'hypotension orthostatique empêchait de rester debout plus de quelques minutes. Après l'opération de l'implant, celle-ci a pu se redresser et marcher sur plusieurs centaines de mètres. « Jusqu'à aujourd'hui, elle n’a plus de syncope, malgré la progression de sa maladie », souligne Jordan Squair.
« J'ai choisi d'étudier la médecine pour améliorer la vie des gens, pour voir les malades faire des choses ou profiter de leur vie d'une façon qui n'aurait pas été possible sans notre intervention, sans nos recherches », explique le scientifique. « Et si plus de personnes pouvaient en profiter, si l'impact pouvait être encore plus significatif, alors notre travail aurait encore plus de sens ». Son poste de collaborateur Ambizione SNF, ainsi que son engagement pour la spin-off de l'EPFL ONWARD Medical, qui développe et commercialise une thérapie stimulant la moelle épinière pour rétablir la motricité et les fonctions autonomes des malades atteints de problèmes neurologiques, lui offrent la possibilité de travailler sur cette nouvelle étape.
Car si, comme le souligne le chercheur, les neuroprothèses peuvent améliorer la qualité de vie de patientes et des patients paralysés, elles ne les guérissent pas. « Notre prochain objectif est de travailler à cette guérison, en étudiant comment réparer la moelle épinière biologiquement », indique Jordan Squair. Pour cela, il utilisera ses compétences en bio-informatique et ses connaissances des thérapies génétiques, pour comprendre quelle est la réaction de chacune de nos cellules face à une blessure. « Si on comprend cela, alors on peut également comprendre comment les faire revenir à leur état initial ».
Squair, Science, 2023 ; https://www.science.org/doi/10.1126/science.adg7669
Squair et al., Nature, 2021 ; https://www.nature.com/articles/s41586-020-03180-w
Squair et al., NEJM, 2022 ; https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2112809