«Nous sommes heureux d'avoir imaginé un objet prestigieux»

Leo Sierra, Tom Herrmann, Alexandros Dellios avec l'aide d'un doctorant en salle blanche. 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0
Alexandros, Leo et Tom, étudiants Bachelor en microtechnique forment le trio gagnant du nouveau trophée qui sera remis aux Alumni Awards de l’EPFL lors de la Magistrale, le 4 octobre 2025.
Chaque semestre, les étudiantes et étudiants en Bachelor doivent choisir un projet dans le cadre de cours SHS, sciences humaines et sociales. Cela leur permet de mettre en pratique des notions académiques et d’élargir leur compréhension des aspects sociaux, économiques et historiques qui entrent en jeu dans leur domaine d'étude principal, peut-on lire sur le site de l’EPFL.
«Ils ont la possibilité de choisir parmi de nombreux cours, comme le design graphique, le droit ou la musicologie. Ce qui est captivant pour moi c’est que ces étudiantes et étudiants viennent de tous les horizons, mathématiques, sciences du vivant, architecture, mécanique, physique ou informatique. Cela crée un mélange intéressant les obligeant à trouver des synergies propices à la création.» Tomas Kral, enseignant à l’ECAL et designer, a suivi et coaché 40 d’entre eux lors du semestre voué à l’élaboration du nouveau trophée qui accompagne la remise du Doctorat honoris causa et des Alumni Awards. «J’ai aimé sonder leur regard d’ingénieur sur le design et leur façon de trouver une approche personnelle et innovante par rapport au thème; imaginer un objet, un cadeau en lien avec l’EPFL et la Suisse.»

2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0
Cette aventure, qui a réuni les étudiantes et étudiants de l’EPFL dans les murs de l’ECAL, a vu naître quelque 15 propositions étonnantes et innovantes. « Il y avait des pistes ludiques comme celle qui s’inspirait de la Poya traditionnelle suisse, d’autres ont utilisé le code architectural pour créer des cartes de jeu ou un kaléidoscope», se souvient le designer. Pour finir, deux concepts ont été retenus, une skyline, avec des bâtiments du campus schématisés, et le projet gagnant du trophée, un wafer customisé.

Les défis s’enchaînent
Leo Sierra, Tom Herrmann et Alexandros Dellios ont donc conquis le jury par leur idée originale, pourtant pas si simple à réaliser.
Comment cela a-t-il commencé? «La première semaine j’ai cherché des trucs intéressants sur Wikipédia. J’ai trouvé le serment d’Archimède, un serment d’éthique professionnelle pour les ingénieurs qui ressemble un peu au serment d’Hippocrate, et cela m’a interpellé pour en faire la base d’un projet», explique Alexandros Dellios.

2025 EPFL - CC-BY-SA 4.0
Sur quel support? Leo Sierra et ses camarades avaient initialement envisagé plusieurs idées qui ne satisfaisaient pas Thomas Kral. Comme une alarme lumineuse ressemblant à une horloge invisible avec des segments représentant le logo de l'EPFL, une réflexion compliquée et vite abandonnée. C'est alors qu'Alexandros s’est souvenu de ses cours de microfabrication et a proposé l'utilisation d'un wafer. Le wafer est un disque de silicium très fin et très fragile utilisé pour la fabrication de composants électroniques, tels que les circuits intégrés. Il savait que sa surface brillante comme un miroir pouvait être exploitée pour créer des effets de diffraction rappelant un arc-en-ciel, créant ainsi un lien visuel distinct avec l'EPFL.

Et la réalisation? «On se disait que c’était compliqué, poursuit Tom Herrmann, nous devions passer en salle blanche et nous n’y avons pas du tout accès. Nous ne sommes pas formés à utiliser les machines. Nous devions trouver quelqu’un pour nous aider à réaliser notre maquette et produire gratuitement le prototype.» C’est Leo qui a eu la bonne idée: «On est allé demander conseil au professeur Jürgen Brugger, en charge du Laboratoire de microsystèmes. Il a tout de suite adhéré au projet et nous a redirigés vers ses doctorants. On leur rajoutait du travail, mais ils l’ont fait avec plaisir.»

2025 EPFL - CC-BY-SA 4.0
La dure réalité des coûts
L’ambition était d’utiliser plusieurs métaux, comme l’or et l’aluminium, sur une même face. Un beau rêve qui explosait leur budget. Ils devaient être pragmatiques et calculer les coûts. Au fil des semaines, à l’écoute de précieux conseils, les trois étudiants ont choisi de réaliser une face avec le logo EPFL en diffraction et, de l’autre côté, l’inscription en aluminium du laudatio des Alumni Awards comprenant également la signature de la présidente de l’EPFL, Anna Fontcuberta i Morral.
Ce n’est pas fini!
Parmi les principaux défis à relever… encore: rendre le wafer plus résistant et moins sensible aux traces de doigts. Une tâche simple en théorie, qui s’est révélée complexe dans la pratique. «On a testé une colle, avec des résultats catastrophiques, raconte Leo, et plusieurs résines comme l’époxy ou le plexiglas.» Le plexiglas, bien que tentant, représente un choix risqué, car le wafer peut se briser facilement. L’équipe a alors envisagé la résine, une option plus sûre grâce à sa faible expansion. En poursuivant leurs réflexions, ils ont même tenté des sprays transparents pour voiture, qui pourraient offrir une bonne protection contre les traces de doigts. Dans l’attente d’une solution optimale, leur alternative provisoire sera l’application d’une résine en spray, qui offre une protection au disque de silicium, le renforce, tout en maintenant une couche fine et transparente.

© 2025 ECAL/Marvin Merkel
- CC-BY-SA 4.0

2025 ECAL/Marvin Merkel
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Leo, Alexandros et Tom sont encore loin d’avoir finalisé leur trophée, la question du support reste ouverte. En bois, en aluminium, en verre? La réponse tombera au plus tard lors de la cérémonie de la Magistrale, début octobre, puisque c’est là que le «wafer trophée» sera offert aux Doctorat honoris causa et aux Alumni Awards de l’EPFL. Pour autant, le développement de leur prototype se trouvera encore sur le métier en 2026. Mais déjà, une certaine fierté transparaît. «Sur les 15 créations proposées, on ne savait pas si la nôtre serait retenue. Nous sommes vraiment heureux d’avoir conçu un objet prestigieux», confient-ils. Pour Tom, ce projet a marqué un tournant: «C’est la première fois que j’ai eu l’impression de travailler comme un vrai ingénieur. On est allés jusqu’au bout, au-delà du simple croquis.»