«Nous pourrions fabriquer les mêmes technologies que dans Star Trek»

Hatice Altug© Alain Herzog / 2019 EPFL

Hatice Altug© Alain Herzog / 2019 EPFL

A l’occasion des 50 ans de l’EPFL, la faculté des Sciences et Techniques de l’Ingénieur propose une série de portraits consacrés aux femmes professeures de la faculté. Aujourd’hui, nous rencontrons Hatice Altug. 

Utiliser les nanoparticules pour contrôler et récolter la lumière, et fabriquer les outils de diagnostic du futur. Hatice Altug, professeure associée à l’EPFL, poursuit ce but depuis plusieurs années. Dotée d’une curiosité sans bornes pour la science, cette brillante scientifique nous raconte son parcours.

Qualifiée de vilain défaut, la curiosité peut, en sciences, être un véritable moteur. C’est le cas pour Hatice Altug, qui dirige le Laboratoire de systèmes bionanophotonique de la Faculté des sciences et techniques de l'ingénieur de l’EPFL, en tant que Professeure associée.

Très jeune, elle questionne continuellement ses professeurs sur les phénomènes naturels et la science en général. «Lorsque j’ai vu qu’ils ne pouvaient plus répondre à mes questions, j’ai décidé que je ferais des études scientifiques pour en savoir plus», se rappelle Hatice Altug.

A présent, elle travaille à la fabrication d’outils de diagnostic miniatures, portables et puissants pour la médecine du futur. «L’idée est que chacun puisse connaître son état de santé instantanément grâce à de petits appareils portables, comme c’est le cas dans star trek», s’amuse la chercheuse. «C’est un vrai défi, qui dépend de plusieurs avancées aussi bien scientifiques que technologiques.»

Pour y arriver, Hatice Altug combine la photonique et les nanotechnologies. Elle fabrique des objets de taille nanométrique (millionième de millimètres), capables de manipuler la lumière, l’amplifier, la disperser ou en changer le flux. Ces dispositifs puissants permettent d’effectuer de la détection de molécules avec une précision sans précédent. «Nous espérons que nos technologies permettront d’améliorer la qualité de vie gens, en contribuant à poser des diagnostics précoces pour les maladies graves», explique la chercheuse. «Ce domaine est fascinant car il combine la recherche fondamentale et appliquée.»

Une seule fille parmi des garçons peu bavards

Avant de se passionner pour la photonique, Hatice Altug, née en Turquie, s’est d’abord intéressée à la physique. Dès le premier cours qu’elle suit, elle est fascinée par les différentes forces – gravitationnelle, électromagnétique, etc.- qui régissent le monde.

Grâce à ses bons résultats, elle fait partie des 15 étudiants du pays à être sélectionnés pour suivre une formation d’excellence en physique à l’Université Bilkent.

Intellectuellement, le chercheuse est comblée, mais tout n’est pas rose. « J’étais la seule fille de ma classe durant quatre ans et il n’y avait que trois femmes dans tout le département de physique», se souvient-elle. «Je me sentais parfois isolée parmi ces étudiants en physique. Certains garçons ont mis deux ans à simplement m’adresser la parole. Mais cette période m’a rendue très forte».


« J’ai toujours eu de grands rêves »

Pour effectuer son Master et son doctorat, Hatice Altug se rend aux Etats-Unis, à l’Université de Stanford. Une chose assez peu commune à l’époque, mais ses parents, tous deux enseignants, l’encouragent et la soutiennent. «J’étais si contente de me retrouver avec d’autres filles. Là-bas, je me sentais chercheuse avant d’être une femme.» Elle passe ensuite par la Harvard Medical School, et l’Université de Boston, pour arriver à l’EPFL en 2013.

Elle gère à présent un groupe de près de 15 chercheurs. Sa plus grande satisfaction : les moments décisifs (ou Eureka) d’une recherche. «Durant mon PhD, je me rappelle avoir travaillé sur un « nano-laser » qui n’a pas fonctionné pendant des mois. Et lorsque la lumière est enfin apparu, c’était comme un miracle dans les ténèbres», sourit-elle. « Lorsque je vois mes étudiants vivre des choses similaires, et que je lis la joie dans leurs yeux, cela me rend très fière».

« Ne tuez pas votre enfant intérieur »

Mère d’une enfant de trois ans, Hatice Altug a maintenant à son actif des publications dans les meilleurs journaux du monde. «J’ai toujours visé haut et eu de grands rêves. Je me suis inspirée de personnes jouissant d’une grande réussite», raconte-t-elle. «Je suis particulièrement motivée par le fait de pouvoir utiliser des phénomènes physiques encore mal compris pour pouvoir, un jour peut-être, changer la vie des gens.»

Ce qu’elle conseillerait à jeune fille souhaitant se lancer dans des études scientifiques ? «Soyez curieuses, soyez inventives, soyez courageuse. N’hésitez pas à prendre un chemin différent des autres, et ne tuez pas votre enfant intérieur.» Elle ajoute : «En tant que femme, la société en attend peut-être davantage de vous, c’est vrai, mais faire une carrière scientifique est tout à fait possible. Il n’y a pas un seul jour ennuyeux dans ce domaine.»