«Notre priorité reste l'excellence»

Paolo Ricci, directeur du Swiss Plasma Center © Nicolas Schopfer

Paolo Ricci, directeur du Swiss Plasma Center © Nicolas Schopfer

Depuis le 1er juin 2024, Paolo Ricci a pris la relève d'Ambrogio Fasoli en tant que directeur du Swiss Plasma Center (SPC). Lauréat de plusieurs prix pour l'excellence de son enseignement, Paolo Ricci est également professeur de physique à l'EPFL et occupe la chaire de théorie au SPC. Avec une carrière de dix-huit ans au sein de cette institution, il dirige désormais l'un des laboratoires de recherche en physique des plasmas les plus prestigieux d'Europe.

Paolo Ricci, vous avez été nommé directeur du Swiss Plasma Center (SPC). Qu’est-ce que cela représente pour vous?
Après dix-huit ans de carrière au SPC, je suis très honoré et fier d’en devenir le nouveau directeur. J’aborde cette nouvelle fonction avec beaucoup d’enthousiasme, la volonté de bien faire, et l’ambition de pousser le SPC encore plus loin, mais aussi beaucoup de reconnaissance vis-à-vis de l’immense travail accompli par mes prédécesseurs et tous les membres du laboratoire. C’est également avec toute mon energie que je me mets aujourd’hui au service du SPC et de ses 200 collaboratrices et collaborateurs. Il est essentiel pour moi de pouvoir compter sur leur soutien et leur expertise afin de progresser ensemble.

L'esprit d'équipe est-il important pour vous?
Absolument, c’est fondamental. Au-delà des infrastructures, ce sont les personnes qui font la différence. Si les membres de nos équipes sont heureux et fiers de travailler ici, le succès suivra naturellement. Ma priorité est de veiller à ce que chacun se sente valorisé et enthousiaste à l’idée de contribuer à nos projets communs.

Nous partageons une mission commune: faire avancer la recherche en fusion.

Paolo Ricci, directeur du Swiss Plasma Center

Physiciens, mécaniciens, ingénieurs… Le SPC compte 200 collaborateurs de divers horizons. Comment envisagez-vous de fédérer cette diversité ?
Bien que nous soyons tous différents, nous partageons une mission commune: faire avancer la recherche en fusion. Cet objectif nous unit et nous permet de collaborer sans compétition. Nous progressons ensemble, en développant nos compétences et en renforçant ainsi notre cohésion.

Vous avez grandi dans une famille liée à l’industrie automobile à Turin. Comment cela influence-t-il votre approche ?
Issu d’un milieu ouvrier de la périphérie de Turin, j’ai appris la valeur du travail acharné et de la solidarité. Bien que je doive admettre être incapable de réparer une voiture et avoir des grosses difficultés avec mon vélo, je me sens proche de cet esprit de communauté et de détermination. Cela m’aide à apprécier et comprendre l’importance de chaque membre de notre équipe.

Vous êtes aussi depuis plusieurs années, responsable de la chaire de théorie dans un centre axé principalement sur la physique expérimentale autour de TCV. Quel défi cela représente-t-il pour vous ?
C’est indéniablement un défi stimulant. J’ai beaucoup à apprendre et cela m’enthousiasme. Je peux compter sur des experts parmi les meilleurs au monde dans leur domaine. En même temps, j’ai déjà une longue expérience de collaboration entre théorie et expérimentation depuis mon arrivée au SPC où j’ai travaillé sur des simulations basées sur des expériences telle que Torpex. J’ai hâte d’échanger avec eux, d’apprendre mais aussi de contribuer avec mes idées. Je pense que cela peut véritablement enrichir nos réflexions.

De nouveaux défis identifiés par le programme européen, comme les matériaux et les "blankets", pourraient justifier une expansion future

Paolo Ricci, directeur du Swiss Plasma Center

Quelle est votre vision pour le Swiss Plasma Center?
Elle s’inscrira dans la continuité de mon prédécesseur, Ambrogio Fasoli. Nous avons emprunté une voie qui a porté ses fruits, avec une augmentation significative des financements et du personnel ces dix dernières années. Ma priorité reste l’excellence et la qualité de notre travail, pas nécessairement l’augmentation des effectifs. Cependant, de nouveaux défis identifiés par le programme européen, comme les matériaux et les "blankets" (enveloppes de protection des plasmas), pourraient justifier une expansion future. Il faudra donc avoir le courage et l’audace de s’y mettre sans oublier que notre force principale réside dans notre capacité à couvrir tout le spectre de la physique des plasmas, de la compréhension fondamentale à la proposition de solutions concrètes pour les réacteurs de fusion futurs.

La collaboration européenne est-elle importante pour vous ?
Oui, le programme EUROfusion est le plus complet à l’echelle mondiale. C’est une opportunité de pouvoir contribuer à ce projet ambitieux. Nous sommes parfaitement alignés avec ses objectifs et déterminés à y jouer un rôle clé.

Que représente pour vous la direction d’une structure aussi importante que le SPC au sein de l’EPFL?
Le lien avec l’EPFL est crucial. Nous avons déjà initié des collaborations fructueuses dans des domaines tels que la simulation et les matériaux. Je souhaite renforcer ces partenariats et explorer de nouveaux domaines comme l’intelligence artificielle. Peu de laboratoires peuvent bénéficier d’un environnement d’excellence académique aussi riche, puisque la plupart des centres de recherche sont des laboratoires nationaux isolés du tissu universitaire. C’est donc pour nous une opportunité unique.

Mon rêve est que le SPC devienne une étape incontournable pour tout physicien cherchant l’excellence.

Paolo Ricci, directeur du Swiss Plasma Center

Le SPC a également une mission de formation. Quelle est votre vision à ce sujet ?
Nous avons la chance de compter parmi nous de nombreux professeurs primés. Notre statut académique combiné à nos infrastructures de pointe fait de nous un lieu unique pour la formation des étudiants et des postdoctorants. Mon rêve est que le SPC devienne une étape incontournable pour tout physicien cherchant l’excellence. La transmission des connaissances est essentielle pour éviter les erreurs du passé et pour former les futurs leaders de la recherche en physique des plasmas.

Vous êtes aussi professeur de physique à l’EPFL, vos cours sont très appréciés des étudiants, en témoignent les nombreux prix que vous avez reçus. L’enseignement est-il une passion?
Absolument, l’enseignement est une fenêtre sur l’avenir. Transmettre des connaissances est enrichissant. J’enseigne notamment deux cours de bachelor, dont l’un est le premier cours de physique que les étudiants suivent, et leur enthousiasme est une grande source de motivation pour moi. C’est un travail exigeant mais qui me donne beaucoup d’énergie.

Quand pensez-vous que la fusion sera une réalité ?
Cela dépend de nombreux facteurs, notamment la volonté politique et les financements. Les progrès récents sont encourageants. Je pense qu’il est réaliste de viser une première centrale de fusion opérationnelle d’ici 2050. Il est très clair aujourd’hui que nous avons besoin d’une alternative énergétique viable. Il faut explorer toutes les voies.

Questionnaire de Proust :
Votre progrès préféré? Celui qui doit encore arriver.
Le pire? Celui qui n’arrive pas!
Quelle est la faute qui vous inspire le plus d’indulgence? Celle qui est comise à cause de l’enthousiasme.
Votre héros dans la vraie vie? Mon épouse, elle arrive à me tolérer!
Le principal trait de votre caractère? La complexité, comme les plasmas.
Votre plat préféré? Raclette, clairement après la Pasta!
Votre meilleur souvenir au Swiss Plasma Center? Les moments de détente avec mes collègues.