Mystère de l'Univers, la matière noire se donne enfin à voir
Une émission atypique de photons, détectée par des chercheurs de l’EPFL dans les rayons X en provenance de certains objets célestes, pourrait bien être le signal de l’existence d’une particule de matière noire. Si elle est confirmée, cette découverte ouvrira de nouvelles perspectives en cosmologie.
Serait-ce enfin la marque tangible de l’existence de la matière noire dans l’Univers? Après avoir écumé des milliers de données issues des rayons X émis par le cosmos, des chercheurs du Laboratoire de physique des particules et de cosmologie (LPPC) de l’EPFL pensent avoir identifié le signal d’une particule de matière noire. Cette substance, jusque-là hypothétique, n'interagirait selon aucun des modèles de la physique standard, hormis celui de la gravitation. Leur recherche est publiée aujourd'hui dans Physical Review Letters.
Lorsqu’ils étudient la dynamique des corps célestes, les physiciens se trouvent face à un véritable mystère. S’ils ne prennent en compte que la matière visible, leurs équations ne tiennent tout simplement pas: Les éléments observables ne suffisent pas à eux seuls à expliquer la rotation des objets et les forces gravitationnelles en présence. Ils en ont déduit l’existence d’une matière invisible, qui n’interagit pas avec la lumière mais dont la gravitation agit sur l’ensemble. Appelée « matière noire, celle-ci constituerait pas moins de 80% de l’Univers.
Andromède et Persée revisités
Récemment, deux groupes ont annoncé avoir détecté ce qui pourrait en être le signal tant attendu. Deux chercheurs de l’EPFL, Oleg Ruchayskiy et Alexey Boyarsky, également professeur à l’Université de Leiden aux Pays-Bas, l’ont identifié en analysant les rayons X émis par deux objets célestes: l’amas de galaxies de Persée et la galaxie d’Andromède. Après avoir recoupé des milliers d’informations provenant du télescope de l’Agence spatiale européenne XMM-Newton et éliminé tous les signaux provenant de particules et d’atomes connus, ils ont repéré une anomalie qui, même s’ils n’excluent pas entièrement la possibilité d’une erreur des instruments de mesure, leur a mis la puce à l’oreille.
Le signal se manifeste dans le spectre des rayons X par une émission faible et non-typique de photons, que les chercheurs ne peuvent rapporter à aucune matière connue. Mais surtout, «la distribution de ce signal au sein de la galaxie correspond précisément à celle où nous nous attendons à trouver la matière noire, c’est-à-dire de manière plus concentrée et intense au centre des objets, plus faible et diffuse sur ses bords», explique Oleg Ruchayskiy. «Dans un but de vérification, nous avons ensuite également mené des prospections au sein même de notre galaxie, la Voie lactée, et avons fait les mêmes observations», relève Alexey Boyarsky.
Une nouvelle ère
Ce signal proviendrait d’un événement très rare dans l’univers: l’émission d’un photon due à la destruction d’une particule hypothétique, par exemple d’un «neutrino stérile». Si cette découverte se confirme, elle ouvrira des nouvelles perspectives en physique des particules. «C’est pratiquement une nouvelle ère qui s’ouvre en astronomie!, s’enthousiasme Oleg Ruchayskiy. «Cette avancée générera le développement de nouveaux outils, des observatoires ou des télescopes conçus spécifiquement pour l’étude de ces nouvelles particules, ajoute Alexey Boyarski. Elle nous permettra de savoir où chercher pour comprendre plus exactement de quoi la matière noire est faite et d’en définir des modèles beaucoup plus précis».
Ces résultats sont issus d’une étude menée au Laboratoire de physique des particules et de cosmologie (LPPC) de l’EPFL en collaboration avec l’Institut de physique de l’Université de Leiden, aux Pays-Bas.