«Monsieur Cibils, vous êtes formidable! Nous étions fort minables»
Lauréat du prix Polysphère en 2014, Michel Cibils reçoit cette année le prix de la Section de mathématiques. Il témoigne de son engagement en faisant l’éloge tant de la matière étudiée que de sa relation avec les étudiant·es.
« Enseigner c’est braver la frontière d’une explication, c’est participer à un renouvellement permanent de la pensée, c’est faire mériter le respect à la matière étudiée. »Enseignant de mathématiques, Michel Cibils a reçu cette année le prix du meilleur enseignant de la Section de mathématiques. En 2014, il avait été honoré d’une Polysphère de l’AGEPoly qui avait inspiré aux étudiantes et étudiants une parodie de Formidable, la chanson de Stromae. Reconnaissant, Michel Cibils confie sa vision de l’enseignement.
« Le prix de l’enseignement 2021 de la Section de Mathématiques m’a été attribué… mais en fait ce sont aussi les beaux sujets d’algèbre linéaire et d’analyse expliqués dans mes cours des cycles propédeutique et bachelor qui sont récompensés ! Je suis heureux et honoré que ce soit ainsi et, au fil du temps, j’y perçois un beau signe de confiance à l’égard des concepts mathématiques fondamentaux que j’ai enseignés à beaucoup d’étudiant·es venant de toutes les sections d’ingénierie de l’EPFL.
Dans ma mission de formation académique, c’est un plaisir de faire interagir ma compétence en mathématiques avec mon ouverture d’esprit à des disciplines humanistes pour favoriser une transmission des savoirs qui va au-delà d’une simple technicité. J’aime bien que mes cours impactent la formation des ingénieurs diplômés de l’EPFL en leur apportant aussi de l’humour et de l’émotion teintés d’une double attitude de doute et de certitude. J’apprécie également pouvoir leur fomenter une méthode de réflexion et une rigueur de pensée qui bâtissent, au sens large du terme, la vie personnelle et professionnelle d’un véritable scientifique.
Dans mon enseignement, il me tient à cœur de développer une agréable coexistence entre deux personnalités : celle d’un professeur dit « classique » qui aime le bruit de la craie sur le bon vieux tableau noir et celle d’un enseignant dit « moderne » qui, dès l’année 2007, a introduit la nouvelle technologie de la tablette numérique dans des cours donnés en grands auditoires. La compatibilité entre ces deux esprits n’est pas gagnée d’avance, elle suscite à la fois de la gêne culturelle et de l’invention pédagogique. Pour maintenir une bonne qualité de l’apprentissage, il s’agit de revivifier, de réactualiser et de revaloriser la façon traditionnelle de donner des cours. Cette innovation, menée au travers d’une conciliation où tradition et modernisme s’épaulent mutuellement dans la pédagogie, me semble très convaincante et apparaît comme étant largement appréciée par les étudiant·es.
Le respect de la matière étudiée
En fait, enseigner c’est braver la frontière d’une explication, c’est participer à un renouvellement permanent de la pensée, c’est faire mériter le respect à la matière étudiée. Pour cela il faut innover avec de la « spontanéité structurée » et de « l’improvisation maitrisée ». Il est aussi adéquat de mettre en exergue les trois piliers de la transmission d’un savoir : l’humilité de l’écoute, la pertinence de la parole et la responsabilité de l’interprétation. Le premier de ces piliers permet de remettre constamment en jeu ses propres connaissances par le biais des réponses aux questions posées. Le deuxième permet de comprendre que pour préparer un bon cours il faut d’abord bien savoir ce que l’on ne veut pas dire. Le troisième permet aux jeunes étudiant·es qui suivent les cours de conquérir leur autonomie et de faire mûrir une intuition raisonnable dans leurs pensées. Ces piliers scellent trois socles du raisonnement mathématique à apprendre pendant les cours : l’imagination de la réflexion, la formalisation logique de l’abstrait et la ténacité des démonstrations.
Une passion toujours aussi vive
En auditoire, devant les centaines d’étudiant·es qui suivent mes cours, ma passion est toujours vive pour pouvoir éveiller leur curiosité au travers de la conversation, de l’échange et de la confiance qui font partie intégrante du partage des connaissances. Souvent j’ai été touché par la bonne humeur et la sympathique attitude des étudiant·es : elles sont un bon soutien pour le professeur qui enseigne des sujets difficiles ! À cet égard, je ne peux m’empêcher de me souvenir d’une chanson sur mon cours d’analyse complexe en bachelor 4 écrite par des étudiant·es à l’issu du prix Polysphère que j’ai reçu en 2014 : inspirée par le refrain «Formidable - Fort minable» du chanteur Stromae, elle avait fait une sorte de buzz sur Spotted EPFL… »