«Mon pire étudiant, ce serait moi!»

Francesco Stellacci, meilleur enseignant 2025 de la section Science et génie des matériaux de l’EPFL. 2025 EPFL/Alain Herzog - CC-BY-SA 4.0
Francesco Stellacci aime transmettre les savoirs sous toutes leurs formes. Efficace, mais sobre, la recette magique du meilleur enseignant 2025 de la section Science et génie des matériaux de l’EPFL ne comporte que deux ingrédients.
Récemment, lors de son discours de fin de thèse, l’un des doctorants de Francesco Stellacci a projeté une photo du professeur en train de lui apprendre à skier. «J’ai toujours aimé transmettre les savoirs sous toutes leurs formes, que ce soient les sciences, la cuisine ou les sports d’hiver», commente en riant celui qui a été désigné meilleur enseignant 2025 de la section Science et génie des matériaux de l’EPFL.
«Lorsque j’ai rejoint le MIT (Massachusetts Institute of Technology) en tant que professeur associé au début des années 2000, on m’a reproché de ne pas avoir d’expérience formelle dans l’enseignement», se souvient-il. Or, trois ans plus tard, «j’y ai été récompensé par un ‘Teaching Award’», poursuit avec un clin d’œil le responsable du Laboratoire des nanomatériaux supramoléculaires et interfaces de l’EPFL (SUNMIL).
«Pour moi, la recherche et l’enseignement sont indissociables.» Ce natif du sud de l’Italie rapporte qu’il a même refusé plusieurs postes prestigieux parce qu’ils ne comportaient aucune charge de cours. «Être à la fois chercheur et enseignant offre une belle complémentarité. Lorsqu’on enseigne, l’impact est immédiat, puisqu’on transmet des connaissances. À plus long terme, cet impact est moins direct, car les étudiantes et étudiants bénéficient des apports de nombreux autres professeurs.» Dans le cas de la recherche, «c’est le contraire»: les fruits du travail scientifique mûrissent avec le temps.
Être à la fois chercheur et enseignant offre une belle complémentarité
Un enthousiasme contagieux
Prié de dévoiler les deux principaux ingrédients de sa recette magique d’enseignant, ce cuisinier amateur répond (presque) sans hésiter: «Le premier est l’enthousiasme.» Francesco Stellacci s’explique: «L’enthousiasme est contagieux. Les étudiantes et étudiants ne peuvent tout simplement pas y résister! Cela les met dans de bonnes dispositions pour apprendre et participer.»
Et l’autre composante ? «Je pousse mes étudiantes et étudiants au-delà de leurs limites pour leur montrer que c’est possible. Quitte à les effrayer un peu au début du semestre…» Concrètement, «je privilégie la qualité à la quantité, en sélectionnant 3 ou 4 thèmes fondamentaux, dont découle toute la structure des cours.» Celui qui a rejoint l’EPFL en 2010 précise s’être librement inspiré des célèbres «Lectures on Physics» de Richard Feynman.
«C’est un vrai plaisir, au fil du semestre, de passer d’un auditoire terrorisé à un auditoire empli de fierté», commente-t-il. Pour y parvenir, il faut encourager les futurs ingénieurs «à participer au maximum». Et aussi «bien les connaître» afin de les accompagner au mieux dans ce processus. «Je me rends compte que ce serait difficile dans des classes plus grandes que les miennes.»
Antidote à l’ennui
L’enseignement est pour Francesco Stellacci «tellement naturel» qu’il lui faut un temps de réflexion avant de répondre à la question « Quels sont les principaux défis liés à cette activité?». «Disons qu’au bout de quelques années, il peut être un peu fatigant de répéter les mêmes choses.» Le responsable du SUNMIL a trouvé un antidote tout simple. «Je change régulièrement les thèmes de mes cours.» Voire les cours eux-mêmes.
Visiblement, Francesco Stellacci adore son rôle de prof. Être de l’autre côté de la barrière aussi? «Non, je ne suis pas un bon étudiant», avoue-t-il volontiers. «Récemment, j’ai pris des cours d’échecs et de français. Cela m’a rappelé à quel point je n’aime pas l’apprentissage formel…» Il poursuit en riant: «Si j’assistais à mes propres cours, je serais mon pire étudiant, celui qui participe le moins.»
Récemment, j’ai pris des cours d’échecs et de français. Cela m’a rappelé à quel point je n’aime pas l’apprentissage formel…
Une brochure jaune pétant
De là à dire que ce membre de la European Academy of Sciences a souffert durant son parcours scolaire et académique, il y a un pas qu’il ne faut pas franchir. Au contraire, ses yeux brillent lorsqu’il évoque sa fibre précoce pour la physique, la chimie, les maths et l’ingénierie.
« À la fin du gymnase, je me demandais comment j’allais pouvoir combiner ces divers intérêts dans ma formation universitaire.» C’est alors qu’il parcourt une brochure présentant le génie des matériaux, commandée parmi d’autres au Politecnico de Milan. «Je me souviens encore de la couleur de cette brochure – jaune pétant -, de l’endroit où je me trouvais en la lisant et de ce que j’ai ressenti: ‘Voilà ce que je veux étudier!‘». Francesco Stellacci n’a jamais regretté ce choix, même si «renoncer à la physique pure et déménager dans une grande ville au nord de l’Italie» n’ont pas été facile pour lui.
Après avoir décroché son diplôme en génie des matériaux, le jeune homme enchaîne par une thèse, toujours au Politecnico. Il traverse ensuite l’océan pour se rendre aux États-Unis, où il effectue un postdoc au Département de chimie de la University of Arizona. En 2002, il migre de l’autre côté du pays et prend ses nouvelles fonctions au Département des sciences des matériaux et de l’ingénierie du MIT.
Repartir à zéro
Huit ans plus tard, Francesco Stellacci a fait le choix de revenir sur le Vieux Continent, en tant que professeur ordinaire à l’EPFL. L’occasion de tisser des liens encore plus étroits avec la biologie, «une discipline pour laquelle je me suis découvert un fort attrait au fil des années». Après tout, «les matériaux de base sont vivants, ce qui revient à dire que le vivant constitue le pinacle des sciences des matériaux».
Quinze ans après avoir élu domicile professionnel au bord du lac Léman, le professeur a décidé de s’offrir un congé sabbatique durant l’année académique 2025-2026. «Lorsque je reprendrai ma charge de cours à la rentrée d’automne, je serai donc obligé de renouveler complètement mes enseignements.» Le plus sérieusement du monde, il ajoute: «Je me réjouis de repartir à zéro!»