«Mon objectif : engranger de l'expérience pour performer plus tard»
Les mathématiques, l'ingénierie, les sciences et l'athlétisme poussent Timothé Mumenthaler à se surpasser constamment. Champion d'Europe du 200 mètres à 21 ans, cet étudiant en microtechnique à l’EPFL reprendra ses études à mi-temps dès la rentrée.
Les Championnats d’Europe de Rome, les JO de Paris, Athlétissima à Lausanne. Pour le jeune coureur Timothé Mumenthaler, les mois de juin, juillet et août furent de véritables roller coster émotionnels. C’est pourquoi l’étudiant en microtechnique à l’EPFL prend un peu de repos avant la rentrée. Le printemps a commencé par une médaille d’or sur 200m à Rome en 20’’28 qui lui a ouvert les portes des meilleures compétitions mondiales et une qualification pour les Jeux Olympiques. « Lorsque je suis entré dans le stade de France et que j’ai vu les 80'000 personnes, j’en ai eu le souffle coupé. Cela m’a déstabilisé, mais c’était extraordinaire, magique !» Timothé se souviendra longtemps de cette expérience unique qui restera encrée sur son biceps droit où il a fait tatouer les cinq anneaux olympiques.
200 mètres, une course stratégique
Même si le podium lui a échappé à Paris, l'étudiant a l’esprit de compétition dans le sang. Après avoir goûté au succès à Rome, il est déterminé à réitérer son exploit en s'entraînant sans relâche. « Le 100 mètres, c'est une ligne droite : à l’arrivée, on n'est ni fatigué ni essoufflé. Le 200 mètres, en revanche, est une course stratégique. Il faut maîtriser le virage, doser ses efforts sans se laisser distraire par les autres athlètes, qui n’adoptent pas la même tactique que vous. C’est l’erreur que j’ai faite aux JO de Paris : je me suis déconcentré en suivant le rythme de mes adversaires, et c’est ainsi que j’ai saboté ma course. J'ai mis trop d'énergie dans les 80 premiers mètres et je n'avais plus de jus en sortant du virage. »
Après Paris, il y a eu Athletissima, fin août, à Lausanne, « à la maison ». On a suivi le sprinteur à l’échauffement au stade de la Pontaise, aux côtés des « fraîchement » médaillés olympiques, comme Grant Holloway au 110 m haies. Timothé sait qu'il a peu de chances de l’emporter face à la brochette de sportifs exceptionnels qui s'aligneront au départ du 200 m. Parmi eux, le champion olympique en titre Letsile Tebogo, Fred Kerley, médaillé de bronze sur 100 mètres à Paris, et bien d’autres athlètes ayant brillé aux JO. « Mon objectif est de prendre du plaisir, d’acquérir de l’expérience pour performer plus tard. Ce sera, quoi qu'il arrive, une super expérience, car c'est la première fois que je vais courir à Lausanne en Diamond League », précise-t-il. La Ligue de Diamant est l'équivalent des Grands Chelems en tennis, représentant la plus haute catégorie de compétitions en athlétisme.
La course aux points
Dans le monde de l’athlétisme, la concurrence est féroce pour se qualifier aux grandes compétitions comme les JO, les Championnats du Monde ou les Championnats d’Europe. Pendant près d’un an, les athlètes s’efforcent de récolter un maximum de points en participant aux courses les plus lucratives, telles que celles de la Diamond League : Athletissima à Lausanne, Zurich, Shanghai, Doha, Londres, Rome. « Dans le 200 mètres, ma discipline, il n'y a que 48 places disponibles. Pour se qualifier, il faut réaliser 5 performances et surtout choisir les courses qui rapportent le plus de points. Si je devais faire une analogie avec l’EPFL, ce serait comme opter pour un cours à six crédits plutôt qu’un à trois crédits. »
Réviser dans l’avion
« Mon oncle a étudié à l’EPFL en section de mécanique il y a 20 ans, et son hobby, le parapente, m’a probablement inspiré. Mes parents m’ont toujours encouragé à poursuivre mes études, en m’expliquant l’importance d’obtenir un diplôme académique. » Après avoir obtenu sa maturité à Genève et pris une année sabbatique, Timothé a choisi l’EPFL et s’est orienté vers la microtechnique. « Ce qui m’a attiré, c’est le caractère pluridisciplinaire de cette filière. On touche à divers domaines : l’informatique, la physique, la chimie des matériaux. Cela me permet de m’épanouir dans plusieurs domaines tout en attendant de définir plus précisément mon orientation professionnelle. »
En septembre, Timothé entamera sa deuxième année de bachelor à 50 % afin de concilier sport et études. « On m’a toujours dit qu’il faudrait choisir entre les études et le sport, mais depuis que je suis petit, je m’efforce de réussir dans les deux domaines. » Le Genevois a dû apprendre à jongler entre les cours, les entraînements, les examens et les compétitions, ce qui n’est pas une tâche facile. « L’année dernière, entre deux examens de thermodynamique, je participais aux Championnats d'Europe d'athlétisme par équipes en Pologne. Le lendemain de mon retour en Suisse, j’avais un examen de statistique. Réviser dans l’avion n’était pas simple, et j’avais accepté l’idée de pouvoir échouer à mes examens, un sacrifice auquel j’étais prêt. » Finalement, Timothé s’en est plutôt bien sorti. « J’ai dû repasser deux cours en propédeutique, ainsi qu’une analyse, que j’ai très bien réussie. »
Son avenir à l’EPFL se dessine donc à temps partiel pour réaliser ses ambitions. « J’ai deux défis, deux vies, et j’accepte de prendre deux fois plus de temps pour achever mes études. Je suis conscient que, lorsque mes colocataires auront terminé leur Master, moi, je serai encore en train de finir mon Bachelor. Mais sur le plan sportif, je suis bien parti pour poursuivre une carrière professionnelle. »