«Mon but est d'instaurer une atmosphère propice au dialogue»

«Au fur et à mesure, on se décentre. On est plus focalisé sur les étudiants que sur soi.» © Alain Herzog 2019 EPFL

«Au fur et à mesure, on se décentre. On est plus focalisé sur les étudiants que sur soi.» © Alain Herzog 2019 EPFL

Prônant la discussion et le questionnement, Roland Logé a reçu en 2019 le prix du meilleur enseignant de la section de science et génie des matériaux.

Dialogue. Ce terme, Roland Logé le chérit comme il honnit «la stigmatisation de l’échec». Le dialogue intérieur, avec les étudiantes et étudiants, les collègues, ou encore entre les disciplines. Ce mot accompagne le professeur responsable du laboratoire de métallurgie thermomécanique aussi bien dans la recherche que dans l’enseignement. Un héritage des profs qui l’ont marqué et peut-être un peu de son père juriste. «Particulièrement celui qui m’a permis de réaliser mon Master à l’Université de Californie à Santa Barbara. C’était quelqu’un qui avait beaucoup de personnalité mais très accessible et toujours ouvert à la discussion. Pour moi, l’interaction est une mesure de succès de l’enseignant, j’essaye donc d’établir le dialogue en instaurant une bonne atmosphère, où tout le monde se sent à l’aise d’intervenir, sans jugement en cas d’erreur.»

Un travail d’équipe

Pour ses méthodes pédagogiques, le professeur engagé à l’EPFL il y a cinq ans, a reçu en 2019 le prix du meilleur enseignant de la section de science et génie des matériaux. Désormais directeur de cette dernière, il tient à préciser avec le sourire qu’il ne s’est pas autodécerné ce titre. Adepte d’un système plus horizontal que pyramidal favorisant l’autonomie et la prise d’initiative, Roland Logé n’apparaît pas du genre à vouloir squatter seul le devant de la scène. «Pour que l’enseignement soit agréable il faut une connexion avec les étudiants, comme un artiste avec son public, c’est un travail d’équipe. D’ailleurs, lorsqu’on est moins en forme, on perd ce contact.»

Avant de rejoindre le site neuchâtelois de l’EPFL, l’ingénieur originaire de Belgique a effectué un postdoctorat à l’Université de Cornell où il s’est marié, sa femme étant alors enseignante de français. Puis, il a travaillé plus de dix ans au CNRS avant d’avoir l’envie de changer de cadre. D’abord attiré par la physique, il s’est progressivement épris des matériaux et de la mécanique. «Le domaine des matériaux est spécial, car il y a une part d’intuition importante. Cela demande un aller-retour constant entre intuition et formalisation.» Celui qui s’est toujours «amusé dans les cours de mathématiques et de science» apprécie cette gymnastique, comme la recherche appliquée.

«Travailler avec l’industrie amène des questions pertinentes». Sponsorisé par PX-Group, son laboratoire planche sur l’optimisation de microstructures métalliques, pour les amener à une meilleure combinaison de propriétés via des traitements mécaniques et thermiques innovants. «Nous travaillons sur des pièces à haute valeur ajoutée qui doivent être extrêmement fiables, avec des applications dans de nombreux domaines, du biomédical à l’horlogerie en passant par l’aérospatial.»

Questionner et se décentrer

Le professeur père d’une fille de dix ans qui montre déjà de la curiosité pour la science, aime sa discipline et il lui tient à cœur de partager ses connaissances. Pour permettre aux étudiants d’assimiler au mieux la matière, il tente de se mettre à leur place et chaque année d’améliorer ses cours en fonction de leurs remarques. «Au début, mon souci était de maîtriser suffisamment la matière pour être capable de répondre à n’importe quelle question et j’avais tendance à trop en dire. Aujourd’hui, mon souci est de transmettre la matière de manière appropriée, j’espère avoir des questions auxquelles je n’ai pas pensé. Au fur et à mesure, on se décentre. On est plus focalisé sur les étudiants que sur soi.»

Pour encourager l’interaction, le spécialiste des microstructures métalliques se base notamment sur la méthode d’instruction par les pairs développée par Eric Mazur. Il utilise les clickers et des questions à choix multiples invitant ensuite les étudiants à débattre entre eux de leurs réponses, ou il pose simplement une question ouverte et demande aux étudiants de donner leur opinion. «Je prends des questions que je me suis moi-même posées en apprenant le sujet. Sans questionnement, on s’endort, cela permet de faire des respirations.»

Ces méthodes fonctionnent bien dans le cours sur la déformation des matériaux qui réunit une trentaine d’étudiantes et étudiants en 3e année de science et génie des matériaux, et attire également des étudiants en mécanique. Par contre, le challenge est plus grand pour le cours de mise en œuvre des matériaux qu’il coenseigne aux étudiantes et étudiants de microtechnique. «L’état d’esprit est différent, car il y a plus d’une centaine d’étudiants et généralement le sujet les attire peu. J’essaye donc de partir des applications concrètes dans leur discipline pour les amener au domaine des matériaux. Au début, la prise de parole est difficile, mais au fur et à mesure les étudiants participent plus, et à chaque fois je les remercie.»

Encourager, sans juger. Cet état d’esprit, il le pratique aussi dans le cadre de la séance d’exercices liée au cours de déformation des matériaux, où il invite chaque semaine un ou une volontaire à présenter oralement un thème vu la semaine précédente. «Ils apprennent ainsi à synthétiser, faire une présentation en public et c’est une occasion de s’exercer pour l’examen oral, de donner un feedback sur les points positifs et négatifs. A la fin, tout le monde applaudit.» Un dialogue qui porte ses fruits.