«Moderne» ne signifie pas «monstrueux»

Giuseppe Galbiati est ingénieur, architecte et ancien doctorant à l'EPFL. © 2024 EPFL/A.Herzog

Giuseppe Galbiati est ingénieur, architecte et ancien doctorant à l'EPFL. © 2024 EPFL/A.Herzog

Les bâtiments de l'architecture moderne représentent un riche réservoir d'énergie grise à conserver, même s'ils ne sont pas toujours attrayants. C'est ce que défend Giuseppe Galbiati, architecte et ancien doctorant au Laboratoire de techniques et sauvegarde de l'architecture moderne (TSAM), dans cette chronique.

Au premier coup d'œil, beaucoup s'accordent à dire que l'architecture moderne n'est pas vraiment attrayante. Ce n'est certainement pas ce que nos yeux ont l'habitude de qualifier de beau. Si personne ne remet en cause la valeur patrimoniale d'un château médiéval ou d'un palais de la Renaissance, comment traiter les constructions de l'après-guerre, à l'heure où l'on se préoccupe aussi de plus en plus d'économies d'énergie? Peut-on identifier des qualités spécifiques à ces bâtiments, des caractéristiques sous-estimées mais non moins précieuses à préserver?

Il s'agit là de questions difficiles qui ne concernent pas seulement la préservation architecturale. L'architecture moderne se distingue souvent par l'originalité de ses matériaux et de ses méthodes de construction, reflétant une culture marquée par une technologie de construction pionnière et expérimentale. En outre, de nombreux bâtiments du 20e siècle arrivent aujourd'hui à la fin de leur premier cycle de vie, ce qui signifie qu'ils doivent être repensés de toute urgence, afin de réduire leur consommation d'énergie et d'améliorer le confort de ses occupantes et occupants. En résumé, nous pouvons dire qu'aujourd'hui, l'architecture moderne nécessite des propositions de rénovation minutieuses.

Dans le cadre de son doctorat, Giuseppe Galbiati a notamment étudié le complexe administratif de Chauderon, à Lausanne. © Giuseppe Galbiati ph

Aborder chaque bâtiment comme une œuvre unique

Les quinze années de recherche menées au Laboratoire de techniques et sauvegarde de l'architecture moderne (TSAM) de l'EPFL par Franz Graf et Giulia Marino offrent un point de départ encourageant dans cette direction. Le parc immobilier d'après-guerre constitue un vaste environnement bâti avec de nombreuses caractéristiques spécifiques. La clé est d'aborder chaque bâtiment comme une œuvre unique, à l’exemple de la haute couture. Cette approche vise à comprendre intimement les valeurs originales, cachées et potentielles de chaque bâtiment afin de les préserver, tout en améliorant son efficacité énergétique. Il s'agit d'un exercice multidisciplinaire qui fait appel à des connaissances issues de différents domaines: histoire de la construction, physique du bâtiment, chimie, statistiques, etc.

Travailler avec ce qui est là peut finalement devenir la voie la plus sage – et peut-être la plus simple – vers la durabilité

Giuseppe Galbiati

Travailler avec ce qui est là

Grâce à cette approche holistique, nous pouvons enfin concilier les deux objectifs souvent opposés que sont la préservation de l'architecture et l'efficacité énergétique. C'est une méthode de conception qui nous permet de préserver la matérialité originale de ce parc immobilier, de promouvoir l'authenticité architecturale et, compte tenu de la rareté actuelle des ressources, de considérer l'environnement bâti comme un riche réservoir d'énergie grise à conserver. Travailler avec ce qui est là peut finalement devenir la voie la plus sage – et peut-être la plus simple – vers la durabilité. Cette approche nous permet enfin de repenser le concept même de durabilité, en élargissant sa signification pour y inclure la préservation des ressources non remplaçables, tant environnementales que culturelles.

Giuseppe Galbiati, ingénieur-architecte et ancien doctorant au Laboratoire de techniques et sauvegarde de l'architecture moderne (TSAM) de l'EPFL.

  • Cette chronique est parue en avril 2024 dans les quotidiens La Côte (Vaud), Le Nouvelliste (Valais) et Arcinfo (Neuchâtel), dans le cadre d'un partenariat avec le groupe de presse ESH Médias visant à faire connaître la recherche et l'innovation de l'EPFL dans le secteur de la construction auprès du grand public.
Références

Giuseppe Galbiati a reçu le prix de distinction de l'Ecole doctorale d'architecture de l'EPFL pour son doctorat intitulé: "Preserving suspended structures with light façades (1960-1980) Architectural study and retrofitting proposals", co-dirigée par Franz Graf et Giulia Marino, 2023.