Modéliser en 3D la rivière du Flon en vue du futur métro
Où devra être construit le tunnel du futur métro lausannois m3 à la gare du Flon, l’une des stations les plus denses de Suisse romande? A travers son projet de master à l’EPFL, Leona Repnik, ingénieure en Sciences et ingénierie de l’environnement, a apporté des solutions à une problématique complexe.
Plutôt attirée par l’écologie et la revitalisation des rivières, Leona Repnik s’est finalement spécialisée en hydraulique à la fin de ses études en sciences et ingénierie de l’environnement de l’EPFL. L’envie d’apprendre un maximum de choses sur la modélisation hydraulique et l’enthousiasme communicatif pour cette matière de son responsable de projet de master, Giovanni De Cesare, la conduiront à se lancer dans un projet hors du commun, salué par ses superviseurs pour son excellence. Son objectif: modéliser en 3D une rivière enfouie dans les sous-sols lausannois en vue de la construction d’une future ligne de métro d’ici à 2030. Les travaux de l’étudiante indiquent que la tâche ne sera pas facile, mais que des solutions existent.
Une rivière cachée
«Beaucoup de personnes ignorent qu’une rivière s’écoule sous leurs pieds», explique la diplômée, qui a effectué une recherche historique sur le sujet en introduction de son travail. «La vallée du Flon était splendide au 19ème siècle, il y avait beaucoup de commerces qui utilisaient la rivière comme source d’énergie. Mais la propagation de maladies et l’insalubrité générées par le Flon, utilisé aussi comme égout à ciel ouvert, forceront les autorités à l’enterrer.»
Les images du vieux Lausanne le montrent: le Grand-Pont, visible aujourd’hui depuis la Place de l’Europe, possédait originellement deux rangées d’arches. Les ingénieurs ont enterré la première et, avec elle, la vallée du Flon et sa rivière. Dans ses recherches, Leona Repnik a relevé que le Flon est aujourd’hui un égout qui traverse toute la ville pour terminer sa course dans le lac Léman, après un traitement à la station d’épuration de Vidy.
Abaissement du plafond
Son travail de modélisation s’est précisément intéressé à la gare du Flon, en plein centre-ville de Lausanne. Ici, le tunnel du futur métro m3 est censé passer entre le plafond du voûtage historique de la rivière et la Place de l'Europe.
Concrètement, les plans actuels ont prévu d'abaisser d’environ un mètre la hauteur du voûtage historique de la rivière afin de garantir l’espace nécessaire au métro. Une opération qui réduirait donc la section d'écoulement du Flon.
«Nos estimations, basées sur plusieurs paramètres, ont montré que ce projet n’était pas facilement réalisable. Il faut notamment garantir l'écoulement d'une crue centennale dans le voûtage, ce qui est impossible avec les plans actuels qui prévoient un abaissement du plafond. En revanche, nos calculs nous permettent de dire que nous pourrions abaisser le fond du voûtage pour faire passer la ligne du métro m3 en toute sécurité», précise l’ingénieure. La solution consiste donc à poursuivre le travail des ingénieurs du siècle passé et enterrer davantage le Flon.
Les conclusions de la jeune diplômée sont basées sur une approche hybride combinant une modélisation numérique en 3D, un calcul théorique et un modèle physique conçu à la Plateforme de constructions hydrauliques de l’EPFL.
«C’était très gratifiant de mettre à l’épreuve mes estimations sur le modèle numérique et de voir concrètement s’écouler l’eau dans le modèle physique»
Modèle physique comme outil de validation
Le logiciel de simulation 3D lui a permis d’entrer différents paramètres, notamment les dimensions du voûtage, les propriétés de l’eau et de l’air, la rugosité des surfaces et la turbulence de l’écoulement. Le modèle physique a permis de valider les résultats. «C’était très gratifiant de mettre à l’épreuve mes estimations sur le modèle numérique et de voir concrètement s’écouler l’eau dans le modèle physique», indique Leona Repnik, actuellement employée dans un bureau d'ingénieur spécialisé dans l’hydraulique fluviale à Berne.
«C'est une chance extraordinaire pour l'étudiante de pouvoir disposer d'un modèle physique et de travailler dans le cadre d'un projet d'ingénierie hydraulique réel, avec un maître d'ouvrage et un bureau d'étude. La participation aux activités de transfert de technologie est très enrichissante pour une étudiante en projet de master qui est directement immergée dans le monde professionnel», ajoute Giovanni De Cesare, directeur opérationnel de la Plateforme de constructions hydrauliques et chargé de cours en hydraulique.
Leona Repnik a présenté le travail basé sur son projet de master lors de la conférence internationale SimHydro 2021 à Nice en juin dernier. Le travail sera publié dans le compte rendu de la conférence sous forme d'un article scientifique dans la revue Advances in Hydroinformatics en collaboration avec l'éditeur Springer.
Leona Repnik, “Vaulting of the Flon River: 3D numerical and physical modeling of the passage under the Flon station for the new m3 metro line in Lausanne, Switzerland”, Master Thesis in Environmental Sciences and Engineering, Supervisor: Dr Giovanni De Cesare, Assistant: Dr Azin Amini, EPFL, 2021.
Repnik L., Vorlet S., Seyfeddine M., Amini A., Dubuis R., Bourqui P., Abdelmoula P.-A. and De Cesare G. (2021) "Underground flow section modification below the new m3 Flon Metro Station in Lausanne", to be published in Advances in Hydroinformatics.