Mieux modéliser les risques gravitaires dans les Alpes suisses

Au sein du laboratoire SLAB de l'EPFL, Johan Gaume travaille sur la modélisation de la neige et des avalanches. © Johan Gaume / EPFL 2020

Au sein du laboratoire SLAB de l'EPFL, Johan Gaume travaille sur la modélisation de la neige et des avalanches. © Johan Gaume / EPFL 2020

Johan Gaume, directeur du Laboratoire de Modélisation de la Neige et des Avalanches (SLAB) de l’EPFL, a obtenu une bourse du Fonds National Suisse pour modéliser les mouvements gravitaires dans les Alpes. Avec le réchauffement climatique, ces phénomènes potentiellement dévastateurs vont s’accentuer.

Lorsqu’une énorme masse de rochers s’est détachée du Piz Cengalo (Grisons), le 23 août 2017, entraînant un éboulement sur un glacier en contrebas, un enchaînement de circonstances a conduit à la catastrophe. La masse rocheuse se serait mélangée à l’eau du glacier, produisant des laves torrentielles (un mélange de matériaux solides et de liquides) descendues à grande vitesse vers le village de Bondo, heureusement évacué. Dans sa fureur, la montagne a emporté huit promeneurs et occasionné près de 41 millions de Francs de dégâts à la commune.

Si l’apparition d’un tel phénomène est encore très rare sur la planète, il faut s’attendre, avec la fonte des glaciers et le dégel du permafrost, à ce que des instabilités se produisent de plus en plus souvent. Face à ce constat, le directeur du Laboratoire de la Modélisation de la Neige et des Avalanches (SLAB) de l’EPFL, Johan Gaume, propose de mettre en place une nouvelle méthode de modélisation des mouvements gravitaires, qui pourrait permettre de mieux se préparer à l’avenir.

« C’est un enjeu très important pour la Suisse, et pour les Alpes en général. Le réchauffement climatique entraîne l’augmentation de la fréquence des mouvements gravitaires, dus en particulier au dégel du permafrost. Cet été, on a vu énormément d’éboulements, qui peuvent déclencher une chaîne de processus complexes comme au Piz Cengalo, et faire énormément de dégâts, explique le chercheur. Il nous faut développer des solutions pour les anticiper et les gérer, car beaucoup de villages en Suisse font directement face à ce risque. »

Le projet a obtenu un financement Spark du Fonds National Suisse, qui soutient le développement de nouvelles idées et méthodes scientifiques « présentant un concept peu conventionnel et une approche originale », à hauteur de 96 000 francs.

Anticiper les éboulements

L’équipe du SLAB, spécialisée dans la simulation des avalanches, va recruter un post-doctorant pour développer un modèle mécanique inédit capable de représenter la roche et le permafrost. « L’avantage de notre approche, c’est qu’on peut simuler le déclenchement [d’un éboulement], l’écoulement et l’impact sur des structures. On a voulu tester le potentiel de notre modèle sur d’autres matériaux que la neige, et aussi la transition de ces mouvements de terrain vers des laves torrentielles. »

Sur l’année allouée au projet pour démontrer son potentiel, le laboratoire va tenter de reproduire l’évènement du Piz Cengalo, bien documenté, en partenariat avec l’Institut pour l’Etude de la Neige et des Avalanches (WSL) de Davos. Le chercheur devra aussi modéliser des cas simplifiés en soumettant différents plans rocheux à des variations de la température extérieure pour déterminer un changement dans sa cohésion, et sa potentielle instabilité.

« Les méthodes développées pourront contribuer à à trouver des solutions pour permettre d’anticiper ces processus, et mitiger le risque dans les villages alpins qui font face à ces risques », prévoit Johan Gaume.

Sur le plus long terme, ces travaux pourraient permettre, selon les régions, de modifier ou affiner les cartes de risque, de mettre en place des structures de protection, ou de décider l’évacuation de villages.

Financement

Spark vise à financer l’essai ou le développement rapide de nouvelles approches, méthodes, théories, normes ou idées d’applications scientifiques. Conçu pour des projets présentant un concept peu conventionnel et une approche originale, il privilégie les idées prometteuses, audacieuses et basées sur des données préliminaires très limitées, voire inexistantes. La prise de risque est encouragée, mais ne constitue pas une condition en soi. L’accent est mis sur les projets ou idées ayant peu de chances d’être financés par les autres programmes d’encouragement disponibles.

L’évaluation des requêtes se fait en double aveugle (c’est-à-dire que les évaluateurs/trices ignorent l’identité de l’auteur-e de la proposition). Le FNS entend ainsi garantir que l’évaluation reste focalisée sur l’idée en elle-même.