Mieux gérer les systèmes complexes avec l'intelligence artificielle

Comment mesurer les données à mettre au départ d’un système complexe, comme un réseau de fibres optiques, pour obtenir ce que l’on souhaite à sa sortie? Une invention de l’EPFL permet de le faire automatiquement. Elle pourrait être utile en robotique, en médecine ou pour la projection d’images à distance.


Dans un système, il y a une entrée et une sortie. Et entre les deux, une action. Or, quand celle-ci est particulièrement complexe ou requiert un très grand nombre de données à synchroniser, comment mesurer les informations nécessaires à un bon résultat? Une invention, réalisée en collaboration entre le Laboratoire de dispositifs photoniques appliqués (LAPD) et le Laboratoire d'optique (LO) de l’EPFL, apporte une solution. Elle se présente sous la forme d’un algorithme, qui permet de déterminer les éléments à fournir à une fibre optique pour parvenir à l’effet voulu à l’autre bout de son parcours. Cette recherche vient d’être publiée dans la revue Nature Machine Intelligence.

Pour en faire la démonstration concrète, les chercheurs ont mis au point un système de projection d’images. Dans un réseau de lasers ressemblant à un labyrinthe, les faisceaux de lumière passent de loupe en loupe et de fibre en fibre, transportant des informations codées. En bout de parcours, celles-ci sont restituées sur un petit écran, où dansent des images vertes: un cheval au galop, un personnage à la démarche nonchalante, un étrange fantôme.

«La fibre optique est un dispositif complexe, précise Babak Rahmani, doctorant au LAPD. Sans notre algorithme, les informations nécessaires pour chacune des images devraient être recalculées à chaque fois. Là, le système apprends à le faire automatiquement.»

Mais cette amusante animation n’est qu’une illustration des nombreuses applications possibles de cette invention, qui pourrait s’avérer très utile et efficace dans de nombreux autres domaines. «En robotique notamment, elle pourrait permettre à un bras robotisé d’apprendre et de contrôler un geste spécifique», relève Christophe Moser, qui dirige le LAPD. En médecine, des techniques endoscopiques, utilisant des lasers et destinées à appliquer un effet ciblé en un endroit bien précis du corps, pourrait également en profiter.

Plus généralement, cet algorithme pourrait faciliter la projection de lumière ou l’activation d’un effet ou d’une action à distance, ou encore la réalisation d’images 3D ou d’hologrammes.

Deux plutôt qu’un seul

Cette invention est basée sur le principe des réseaux de neurones artificiels (neuronal networks). «Il s’agit de structures informatiques qui s’inspirent du fonctionnement des neurones biologiques et de notre cerveau», explique Demetri Psaltis, directeur du LO et spécialiste de cette technologie. Ces réseaux sont à la base de l’intelligence artificielle et permettent aux systèmes auxquels ils s’appliquent d’acquérir des méthodes d’apprentissage.

En elle-même, la technique des réseaux neuronaux n’est pas nouvelle. L’idée originale des chercheurs de l’EPFL, c’est d’en avoir créé deux travaillant en parallèle. «C’est un peu comme lorsqu’on apprend à jouer au tennis, décrit Demetri Psaltis. Au début, on s’habitue juste à taper dans la balle. Une fois qu’on est plus à l’aise, on s’exerce à des frappes plus sophistiquées, comme le revers, le lift ou la volée. Notre algorithme fonctionne de la même manière.»

Références

Publié le 15 juillet dans  Nature Machine Intelligence:

"Actor neural networks for the robust control of partially measured nonlinear systems showcased for image propagation through diffuse media"

Babak Rahmani, Damien Loterie, Eirini Kakkava, Navid Borhani, Uğur Teğin, Demetri Psaltis, Christophe Moser.