Mieux gérer les risques de collisions avec des débris spatiaux

Les débris spatiaux menacent la sécurité humaine dans l’espace et mettent en danger les infrastructures spatiales qui permettent d’assurer des services essentiels comme l’Internet, la navigation par satellite et le suivi du climat. Un nouveau projet du Centre international de gouvernance des risques (IRGC) de l’EPFL, en collaboration avec le Centre spatial de l’EPFL (eSpace) et Space Innovation, a pour but d’étudier la gouvernance des risques liés aux débris spatiaux et d’évaluer les mesures disponibles pour garantir une utilisation sûre et durable de l’espace.

Les activités humaines dans l’espace s’accélèrent rapidement. Rien qu’en 2020, plus de 1 200 satellites ont été lancés. Alors qu’il y a actuellement environ 3 400 satellites opérationnels dans l’espace, il est prévu d’en lancer jusqu’à 60 000 de plus au cours de la prochaine décennie. Bon nombre d’entre eux constitueront de grandes constellations de satellites, qui fourniront des services de télécommunications. Pourtant, chaque nouvel objet envoyé dans l’espace augmente le risque de collision et de génération de nouveaux débris.

Les débris spatiaux désignent tout objet défectueux dans l’espace, allant d’objets aussi volumineux que des satellites perdus ou abandonnés à des objets aussi petits que des capuchons d’objectifs, des boulons et des écailles de peinture. Aujourd’hui, on dénombre plus de 100 millions de débris spatiaux. Trente mille d'entre eux ont une taille supérieure à 10 cm et résultent principalement de collisions et d’explosions. Ces débris peuvent entrer en collision entre eux ou avec un satellite en activité, ce qui génère davantage de débris. Si un nombre suffisant de débris est créé dans une région orbitale spécifique, cela pourrait provoquer des collisions en cascade et ainsi menacer la sécurité des futures opérations spatiales.

L’encombrement de l’espace ne semble peut-être pas constituer un problème pour nous sur Terre, mais nous dépendons de l’infrastructure spatiale pour beaucoup de services essentiels, comme la communication, la navigation, les transactions financières et la surveillance environnementale. Or, malgré les progrès quotidiens des technologies permettant ces activités spatiales, les accords internationaux encadrant ces activités n’ont pas évolué. Adoptés dans les années 1960 et 1970, les cinq traités des Nations Unies relatifs à l’espace n’abordent pas directement le problème des débris spatiaux. Pour combler cette lacune, des directives non contraignantes ont été élaborées ces 20 dernières années pour limiter la création de nouveaux débris et réduire le risque de collision. Toutefois, ces directives sont peu observées.

Ce contexte complexe de risques, couplé à une gestion insuffisante, a amené le Centre international de gouvernance des risques (IRGC) de l’EPFL à démarrer un nouveau projet, en collaboration avec le Centre spatial de l’EPFL (eSpace) et Space Innovation, qui a pour but d’étudier la gestion des risques liés aux débris spatiaux pour garantir la durabilité de l’espace.

« Il existe de nombreux risques inhérents à l’activité spatiale », explique Romain Buchs, assistant scientifique de l’IRGC, qui a récemment rédigé un article qui cartographie les divers risques liés à l’utilisation de l’espace. « Mais il est important de se pencher sur le risque de collision, car il est clair que ce problème ne fait que croître. À l’heure actuelle, il n’existe pas de politiques, de réglementations ou de modèles commerciaux adaptés pour y faire face.»

Dans son article, Romain Buchs a créé un diagramme détaillé qui montre comment diverses activités et événements dans l’espace peuvent entraîner des conséquences néfastes interconnectées. Au centre du diagramme se trouvent les débris spatiaux, illustrant l’urgence de traiter ce problème maintenant, en particulier au vu des projets visant à augmenter considérablement les activités spatiales. Il appelle à un examen plus approfondi des risques associés aux activités spatiales pour garantir la disponibilité des infrastructures spatiales essentielles et la réalisation d’une économie spatiale florissante.

« Plusieurs options sont possibles pour remédier aux débris spatiaux, mais elles sont onéreuses et aucune n’est prête sur le plan technique », souligne Marie-Valentine Florin, directrice exécutive de l’IRGC. « La mise en place d’une solution, via l’élimination des débris, l’évitement des collisions à temps ou d’autres techniques, nécessite une coopération entre les acteurs spatiaux, y compris une volonté de partager les coûts. Actuellement, la motivation à agir est absente en raison d’un manque d’incitations positives, et le risque de dommages liés à la responsabilité ou à la réputation pour les acteurs négligents ou irresponsables est très faible. »

Alors que l’attention porte essentiellement sur les moyens techniques de nettoyer les débris spatiaux existants, il est nécessaire de comprendre les objectifs, les motivations et le comportement des principaux acteurs spatiaux aux États-Unis, en Europe, en Russie, en Chine et en Inde et d’examiner quels types de structures de gouvernance internationale pourraient contribuer à éviter les pires conséquences. Un projet collaboratif comme celui-ci permet à l’IRGC d’apporter son expertise en matière de politiques et de gouvernance des risques au domaine des débris spatiaux.

Dans le cadre de ce projet, un atelier d’experts a été organisé début mai. Il a rassemblé des représentants d’agences spatiales, de l’industrie, d’universités, d’ONG et de l’ONU pour discuter de la gouvernance internationale des risques liés aux débris spatiaux et élaborer des options politiques concrètes. Sur la base des discussions de l’atelier, l’IRGC travaille actuellement à l’élaboration d’un document de référence sur la problématique des débris, d’une note sur les mesures politiques et des articles plus courts destinés à toucher un large public.

« L’objectif est de soutenir les responsables politiques et autres décisionnaires en développant des approches réalistes pour traiter ce problème, et de combler les lacunes en matière de connaissances et de communication entre les experts en débris spatiaux et la communauté dans son ensemble », confie Marie-Valentine Florin.


Auteur: Stephanie Parker

Source: EPFL