Mes étudiants sont ma plus belle réussite

© 2020 EPFL

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Anastasia Ailamaki, Professeure à l'EPFL, remporte le prestigieux prix « Women in Database Research » et devient membre de l’Academia Europaea.

Anastasia Ailamaki a obtenu son diplôme de premier cycle en Grèce, dans une école d’ingénierie informatique où, parmi ses 154 camarades, seuls 9 étaient des femmes. Elle est aujourd’hui professeure à la Faculté informatique et communications (IC) de l’EPFL, où elle dirige le Laboratoire de systèmes et applications de traitement de données massives (DIAS). En septembre, elle s’est vue décerner le prix 2020 « Women in Database Research » du VLDB pour ses « recherches innovantes sur les interactions entre la micro-architecture des ordinateurs et les performances des moteurs de bases de données ».

Ses recherches portent sur les systèmes et les applications utilisant un grand volume de données. Elle s'intéresse en particulier sur le renforcement des interactions entre les logiciels de base de données et le hardware, et les dispositifs d'entrée/sortie émergents, ainsi qu’à l'automatisation de la gestion des données pour soutenir les applications scientifiques exigeantes en calcul et en données. Elle travaille actuellement au développement d'infrastructures analytiques en temps réel - ou de systèmes intelligents en temps réel - qui intègrent le changement comme prémisse de base.

Anastasia Ailamaki s’est déclarée honorée de recevoir ce prix. « Obtenir une récompense est à la fois fabuleux et rend aussi toujours humble. J’ai eu la chance de voir mes travaux récompensés à de nombreuses reprises, mais à mes yeux, ma plus belle réussite, ainsi que ma contribution la plus importante au domaine de la recherche, ce sont mes étudiants et mes postdocs. J’aime beaucoup travailler avec des jeunes, et j’apprends d’eux autant qu’eux, je l’espère, apprennent de moi. »

C’est une réflexion gratifiante pour quelqu’un qui admet sans détour être devenue professeure parce que « ça s’est passé comme ça », et Anastasia Ailamaki attribue son cheminement à une approche informatique pour prendre certaines décisions personnelles importantes : « Dès le début de ma vie d’adulte, les leçons mentales de l’informatique m’ont aidée à prendre des décisions dans ma vie personnelle. Recourir à une pensée computationnelle et algorithmique systématique s’avère extrêmement utile dans la vie quotidienne. Lorsque l’on prend une décision en ayant à l’esprit l’ensemble des données, on ne peut pas avoir de regrets. » 

L’obtention du prix Women in Database Research Award, ainsi que le fait d’être élue membre de l’Academia Europaea, association ayant pour but de promouvoir l’excellence dans la science et la recherche dans l’intérêt et pour l’éducation du public, suscitent également chez Anastasia Ailamaki une réflexion sur l’immense évolution de la place des femmes au sein des sciences de l’informatique au cours de ses trente ans de carrière. Elle s’estime chanceuse d’avoir pu suivre son premier cycle dans un environnement certes démographiquement inégal, mais dénué de discrimination de genre. Ce qui ne l’a pas empêchée de se heurter par la suite à certains problèmes : « Jeune diplômée, j’ai essayé de trouver du travail, et la raison pour laquelle j’ai finalement décidé de suivre un doctorat est que je n’arrivais pas à trouver de poste pratique dans le domaine des systèmes informatiques. Personne ne faisait confiance à une femme pour être un bon développeur de système ou gestionnaire de réseau. » 

Elle est convaincue qu’aujourd’hui, la discrimination a considérablement baissé — un changement indiscutablement positif. Ce qui est peut-être plus compliqué est le fait que les femmes qui parviennent à des postes de professeur en sciences informatique restent encore rares, ce qui implique qu’elles sont extrêmement sollicitées pour faire partie de divers comités et occuper d’autres rôles représentatifs. Ce qu’Anastasia Ailamaki trouve très encourageant, c’est que dans l’ensemble des disciplines scientifiques, des communautés de chercheurs et des organismes professionnels, ses collègues sont conscients du problème et font tout leur possible pour y remédier.

Quel conseil souhaiterait-elle donner à une jeune personne choisissant aujourd’hui la science informatique ? « Faites ce qui vous rend heureux, faites ce qui vous passionne, c’est comme ça que vous pourrez faire évoluer la science vers la prochaine révolution. Et tout particulièrement à l’intention des femmes : ne pensez pas en termes de genre, cela vous ferait partir avec un handicap. Au travail, nous ne devons pas avoir de genre. Ce que j’appelle de mes vœux, c’est que lorsque je prendrai ma retraite, il ne sera plus question d’hommes ou de femmes de sciences, mais seulement de bons scientifiques. »