Massume Zaki, en quête de sécurité et de connaissances
Dans le contexte de la prise de pouvoir par les Talibans, la professeure afghane Massume Zaki trouve refuge et espoir grâce au programme de l’EPFL Scholars At Risk, alors qu’elle relève les défis de l’exil et rêve d’une patrie plus sûre.
Au cours de l’été 2021, les forces américaines se sont retirées du pays, laissant ce dernier aux mains des Talibans. Massume Zaki, professeure assistante à l’Université polytechnique de Kaboul, craint le pire mais continue à enseigner dans un environnement toujours plus hostile. C’est alors que l’inimaginable se produit.
«Quand les Talibans ont commencé à prendre le contrôle des provinces, mon mari et moi, nous nous sommes inquiétés. Nous nous sommes sentis menacés. Un jour, en arrivant à l’université pour y enseigner, j’ai découvert que les Talibans étaient arrivés à Kaboul. Ils montaient la garde à l’entrée, interdisant l’accès aux femmes. J’ai été contrainte de rentrer chez moi et j’ai vu le chaos et la panique dans les rues», raconte Massume Zaki.
Un jour, en arrivant à l’université pour y enseigner, j’ai découvert que les Talibans étaient arrivés à Kaboul. Ils montaient la garde à l’entrée, interdisant l’accès aux femmes.
Peu après ce jour fatidique, Massume Zaki rassemble sa famille – son mari et leurs deux enfants – et s’enfuit en bus vers l’Iran. Là-bas, les conditions sont extrêmement difficiles. Son mari parvient à rejoindre Stockholm en toute sécurité. Au milieu du chaos, elle reçoit un email de l’EPFL. Avant même l’arrivée des Talibans au pouvoir, Massume Zaki avait posé sa candidature à un programme de doctorat au sein de l’École. Mais en raison de l’aggravation de la situation, elle s’était inscrite au programme Scholars At Risk dans l’espoir d’aller partout où elle le pourrait pour poursuivre ses études. L’EPFL étant membre du programme, les conditions sont enfin réunies pour qu’elle étudie à la Faculté des sciences et techniques de l'ingénieur de l'EPFL.
La chercheuse est donc acceptée à l’EPFL mais elle est confrontée à un choix cornélien: diviser sa famille et partir avec ses deux enfants à Lausanne pour poursuivre ses travaux de recherche ou s’installer à Stockholm.
«Heureusement, les gens à l’EPFL, le personnel du Laboratoire de nanophotonique et métrologie (NAM) et du programme Scholars At Risk m’ont beaucoup aidée à m’intégrer. L’aide que j’ai reçue, comme la recherche d’un logement et la flexibilité de mon emploi du temps, m’a été très utile. Il était important pour moi de m’établir d’abord et d’aider ensuite mes enfants à s’adapter à leur nouvel environnement», ajoute Massume Zaki.
Alors installée à Lausanne, Massume Zaki peut étendre ses recherches dans le domaine de la nanophotonique. «Au NAM, j’ai d’abord été formée aux outils numériques pour la simulation de la réponse optique des nanostructures plasmoniques. J’ai ensuite suivi une formation au Centre de micronanotechnologie (CMI) ultramoderne de l’EPFL sur la nanofabrication de structures en utilisant un vaste ensemble de techniques et de matériaux.» Parmi les structures que Massume Zaki a fabriquées, certaines sont actuellement utilisées dans le cadre d’une collaboration avec l’Institut indien d’éducation et de recherche scientifique (IISER) de Kolkata.
J’ai ensuite suivi une formation au Centre de micronanotechnologie (CMI) ultramoderne de l’EPFL sur la nanofabrication de structures en utilisant un vaste ensemble de techniques et de matériaux.
Mais les choses sont loin d’être simples pour Massume Zaki et sa famille dans la région du lac Léman. Alors qu’elle s’épanouit sous la supervision du professeur Olivier Martin, ses enfants ont du mal à s’intégrer sans comprendre la langue française.
«Mais même dans ces moments difficiles, je peux entrevoir un peu d’espoir en matière de sécurité et un avenir meilleur pour moi et ma famille, ce qui peut m’aider à me sentir forte. Je suis partie pour nous protéger des dangers de la guerre. Je suis partie pour assurer la notre sécurité, mais je m’inquiète toujours pour les personnes que j’ai laissées derrière moi», confie Massume Zaki avec espoir mais non sans crainte pour celles et ceux qui sont encore en Afghanistan.
L’interdiction faite aux femmes d’accéder à l’éducation, y compris à l’université, est toujours en vigueur en Afghanistan. Massume Zaki s’inquiète du bien-être mental des femmes qui étaient sur le point d’obtenir leur diplôme et qui sont maintenant bloquées à la maison sans possibilité d’étudier. Internet est souvent hors service et très cher quand il fonctionne. L’économie s’est effondrée et les livres sont presque impossibles à trouver. «J’ai été en contact avec certaines de mes étudiantes et elles se sentent vraiment déprimées parce qu’avant la prise du pouvoir par les Talibans, elles allaient à l’université. Aujourd’hui, elles ne peuvent même plus sortir sans être accompagnées, alors elles restent à la maison», déplore Massume Zaki.
La liberté académique est menacée non seulement en Afghanistan, mais aussi dans d’autres zones de conflit à travers le monde. C’est là que le programme Scholars At Risk joue un rôle essentiel en aidant les universitaires à poursuivre leur carrière dans d’autres universités.
«Il est essentiel de soutenir des programmes tels que Scholars At Risk. La protection et l’aide qu’ils offrent aux universitaires sont inestimables. En Afghanistan et dans le monde entier, de nombreux universitaires ont encore besoin d’aide et de protection. J’encourage toutes les personnes qui sont en mesure de contribuer à apporter leur aide et leur soutien. Leurs contributions peuvent faire une grande différence dans la vie de ces universitaires et contribuer à la préservation de la liberté académique et de l’échange d’idées», déclare Massume Zaki en soutenant sans équivoque un programme qui lui a donné de l’espoir dans des moments difficiles.
Il est essentiel de soutenir des programmes tels que Scholars At Risk. La protection et l’aide qu’ils offrent aux universitaires sont inestimables. J’encourage toutes les personnes qui sont en mesure de contribuer à apporter leur aide et leur soutien.
Afin de réunir sa famille, Massume Zaki a déménagé à Stockholm avec ses deux enfants où elle a trouvé un poste de chercheuse à l’Université de Göteborg. Néanmoins, son souhait de retourner dans son pays natal est palpable lorsqu’elle conclut la conversation: «Même si Kaboul n’a pas la beauté et les commodités de Lausanne et de Stockholm, elle revêt pour moi une signification unique. C’est la ville où j’ai vécu, travaillé et où j’ai vu mon peuple lutter pour l’éducation et un meilleur avenir pour la société. Je souhaite vraiment qu’un jour, l’Afghanistan redevienne un pays sûr où les rêves peuvent à nouveau devenir réalité. De cette façon, toutes les personnes qui, comme moi, ont dû partir pourront un jour, je l’espère, revenir.»